32- incertitudes

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3 Avril

Mes semelles claquent sur le goudron et mes lunettes de soleil sont vissées sur mon nez tandis que je traverse la rue pour entrer dans le centre commercial qui renferme mes boutiques préférées.

Je flâne pendant quelques heures entre les rayons et fini par trouver la tenue idéale pour samedi prochain.
J’ai décidé de rester sobre tout en mettant mes atouts en avant, un jean moulant qui met mon postérieur rebondi en valeur, un top en soie noir avec un décolleté dentelle et une paire d’escarpins rouge vifs.
Lorsque je les ai vus, je me suis mise à espérer vivement que mon artiste pensera à les avoir sur ses épaules lorsqu’il les verra à mes pieds.
Je me sens à la fois impatiente et nerveuse à l’idée de me retrouver face à lui dans quelques jours après presque trois mois sans contact.
Ne pas savoir s’il pense à moi, j’imagine que oui, ne pas savoir ce qu’il fait de ses journées, ne plus sentir son parfum, ne plus entendre le son de sa voix, toutes ces choses ont créé un manque profond dans mon cœur et dans ma tête et je sais que tout va de nouveau remonter à la surface à la seconde ou je vais le voir. Je suis un peu stressée quant aux réactions que sa présence va provoquer sur moi, mais je redoute surtout de me retrouver face à un Liam accompagné. J’ai bien conscience que je cours droit au suicide psychologique en me rendant à cette soirée, voir une autre le toucher, peut-être même l’embrasser, cela va constituer une véritable torture. Mais je suis pourtant incapable de faire machine arrière.

Je passe les portes vitrées de chez Zara lorsque je reçois un message de Lucie qui me précise l’heure et l’endroit où on est tous censé se retrouver samedi.
Il s’agit du « local », c’est le pub où nous étions toujours fourrés lorsque nous étions jeunes, celui qui a abrité nos moments de folie, nos instants de dégénérescence juvéniles, mais aussi ma rencontre avec Liam… tous nos secrets sont cachés entre ces murs et je sens que ça va me faire un choc de me retrouver là-bas après tant d’année.

Pour obliger mon cerveau à quitter les souvenirs du local et revenir à l’instant présent, je compose le numéro de Mel et monte dans ma voiture en attendant qu’elle décroche.

Je souris lorsque j’entends sa petite voix au bout du fil qui me dit
- Coucou ma connasse préférée !

Je la salue à mon tour, et nous passons un petit moment à parler de tout et de rien, de nos vies, de nos envies, de nos regrets, on fait deux ou trois blagues pourries dont on a le secret et on se fait plaisir avec nos private joke bien à nous.

Je récupère Mila sur le chemin du retour et rentre rapidement à la maison. Je l’écoute me raconter sa journée d‘une oreille tout en rangeant les affaires qui traînent dans la maison lorsqu’elle me pose une question qui retient mon attention

- Maman, moi je pense que si on en a marre de son amoureux on a le droit de changer… Juliette elle m’a dit que non, mais moi je suis pas d’accord. T’en pense quoi toi maman ? Tu voudrais changer d’amoureux ? En prendre un autre que papa ?

Je regarde ma fille d’un œil suspect, me demandant si son père lui aurait demandé de me sonder.
Puis je secoue la tête en me souvenant que Mila n’est pas une petite espionne de la mafia russe mais juste une demoiselle qui a eu une conversation avec sa copine dans la cour de l’école. Elle me fixe, attendant patiemment une réponse de ma part.

- Oui, finis-je par dire, certaine personne ont un jour envie de changer d’amoureux. Ça arrive.
- Ah !!! Dit-elle d’un air victorieux, j’avais raison, je vais le dire à Juliette demain !

Puis elle file en sautillant en direction de sa chambre en chantonnant tandis que je reprends mon souffle, soulagée qu’elle se soit contentée de cette réponse.

Je finis de ranger mes achats du jour, fait prendre une douche rapide à Mila et met un peu de musique pour m’accompagner pendant la préparation du dîner. Ma petite princesse danse à côté de moi dans la cuisine, on chante toutes les deux en faisant semblant d’être de vraies stars avec nos cuillères en guise de micro. Nos voix qui chantent faux, notre bonne humeur et nos rires remplissent la pièce lorsque Simon apparaît dans l’encadrement de la porte les sourcils froncés.

- C’est quoi ce bordel ici ?

Mila lui saute dessus, contente de voir son père
- Papa !
- Lâches-moi Mila ! souffle-t-il en la repoussant
Mila insiste et revient encercler ses cuisses en lui réclamant un câlin
- Mila lâches moi je t’ai dit ! Il la repousse à nouveau et ma fille part dans sa chambre déçue.

J’arrête la musique et me tourne vers lui
- Tu aurais pu lui faire un bisou
- Je suis crevé, et je n’ai pas envie qu’on vienne me coller !
- Qu’ON vienne te coller ?! « ON » c’est ta fille Simon ! Lui dis-je en mimant des guillemets avec mes doigts

Il pousse un profond soupir et me fusille du regard. De mon côté, j’inspire pour remplir mes poumons d’air et maitriser la colère qui monte doucement en moi alors que ma bonne humeur a été envoyée sur la lune avec l’arrivée de mon cher mari.

Je secoue la tête, encore incrédule de voir qu’après toutes ces années il est capable de me faire passer d’une émotion à une autre en un quart de seconde sans que je puisse maîtriser quoi que ce soit.
Je le fusille à mon tour du regard avant de lui dire sèchement
- Tu as 5 mn pour aller prendre ta douche avant qu’on ne passe à table

Il tourne les talons et sort de la pièce après m’avoir lancé un regard noir.
Je marmonne après lui dans ma barbe et termine ma vinaigrette avant d’appeler Mila pour qu’elle vienne s’installer à table.

Le repas se déroule approximativement dans la même ambiance que le retour à la maison de Simon, si ce n’est que comme à son habitude, lui a retrouvé sa bonne humeur à l’instant où il a constaté qu’il avait réussi à me mettre en colère. Chose qui bien évidemment m’énerve encore plus car j’ai horreur de constater qu’il a encore ce pouvoir de jouer avec mes nerfs et d’en tirer une satisfaction plus que flagrante.

Une fois le repas terminé, je couche Mila et pour éviter toute source de stress supplémentaire je m’enferme dans la salle de bain où je plonge dans la baignoire remplie d’une eau chaude, moussante et parfumée à souhait.
Je ferme les yeux et me laisse aller à penser à Liam. Les premières images qui me parviennent sont celles de son visage triste et défait la dernière fois que je l’ai vu en sortant de son appartement après qu’il m’ait annoncé vouloir arrêter de me voir.
Puis je souris lorsque les souvenirs de tous les moments que nous avons partagés ces derniers mois affluent dans ma tête. J’ai beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, je ne trouve pas de solution. Pourtant, il y a une chose qui me semble certain, c’est que la vie ne nous a pas réunis au bout de 15 ans par hasard, et que si malgré toutes ces années la passion existe toujours entre nous, c’est qu’il y a une bonne raison à nos retrouvailles.
Je connais le point de vue de mes amies sur la situation, même si je ne leur ai pas tout dit, je sais qu’Andréa se dit que je serais bien mieux sans Simon même si ça sera difficile pour Mila. Quant à Mel, elle me dit que moi seule sait ce que je veux faire et que si je dois prendre la décision de quitter mon mari, je le ferai seule, sans avoir été influencée et que quoi qu’il en soit elle sera là pour moi.
Dans tous les cas, je suis bien consciente que Simon n’est pas plus heureux que moi et que lui aussi sait pertinemment que nous serions bien mieux chacun de son côté. Mais tellement de choses sont en jeux, la maison, notre niveau de vie et puis surtout le bien être de Mila. S’il y a bien une chose dont je suis certaine aujourd’hui c’est que si l’on doit se séparer, ce sera inévitablement à moi de prendre la décision car lui, il ne le fera jamais.

Soudain, je me dis que je réfléchis trop, que je devrais me laisser porter par la vie puisque d’une manière ou d’une autre c’est toujours elle qui décide pour nous. 
C’est à cet instant, enveloppée par l’eau chaude, portée par le bruit des petites bulles de savon qui éclatent et les senteurs de jasmin qui m’entoure que je décide de laisser faire la vie, advienne que pourra, il faut que je prenne les choses comme elles viennent.

Samedi 8 avril

Ca y est, on y est, le jour J est arrivé. Il est 10h et j’arrive dans la rue de chez Lucie. Elle m’a appelé hier en me proposant de passer la journée avec elle et de nous préparer ensemble pour la soirée au « local ». Mila étant avec ses grands-parents et Ludo avec Chris, nous avons sauté sur l’occasion d’avoir enfin une journée fille.
Virée shopping, déjeuner au restaurant, toutes ces petites choses typiquement féminines m’aident à garder la tête froide et à ne pas trop cogiter sur le face à face qui m’attend ce soir jusqu'à ce que Lucie décide de me poser des questions

- Alors ? Tu es prête ? Me demande-t-elle
- Pour ? Lui répondis-je en faisant semblant de ne pas savoir de quoi elle parle

Mon amie lève les yeux au ciel puis me jette un regard voulant dire « eh, oh ! Pas à moi ma cocotte »
Je n’ai aucune idée de ce que Liam a pu lui raconter. Je sais qu’ils ont toujours été proches et que Lucie est la seule personne mis à part moi à qui il s’ouvre un peu.
Je soupire avant de lui répondre
- Je ne sais pas quoi te répondre Lucie, mon cerveau est mis sur pause dès que je le vois et puis je ne sais pas ce qu’il t’a dit mais je ne pense pas qu’il ait envie de me voir alors je n’ai aucune idée de la manière dont cette soirée va se dérouler.
Elle s’arrête au milieu de l’allée et me fait face, elle pose ses deux mains sur mes épaules et me regarde droit dans les yeux
- Il m’a tout raconté Hazel. Il a débarqué un soir complètement démuni me disant qu’il venait de te dire qu’il ne voulait plus te voir, je n’ai pas compris de quoi il parlait exactement alors il m’a tout expliqué. Vos retrouvailles, vos rendez-vous, vos sentiments, ton mari, ta fille. Tout. Il m’a dit qu’il ne pouvait plus te partager mais qu’il ne pouvait pas te demander de quitter Simon, que c’était à toi de décider de ça. Il était triste, malheureux même, mais il était surtout furieux que votre relation ne suffise pas à faire en sorte que tu quittes ton mari. Il t’en veut Hazel, prépares-toi à retrouver un Liam en colère.

Je la fixe sans rien dire. Déboussolée. Je ne savais déjà pas comment je devais me comporter avec lui mais ce que Lucie vient de me dire me met encore plus dans la confusion.
- Je devrais peut-être rentrer chez moi
- Hors de question
- Lucie, je ne pense pas qu’il ait envie de passer une soirée avec moi s’il est en colère comme tu viens de le dire. D’ailleurs, tu l’as prévenu que je serais là ?
- Oui, et je peux t’assurer une chose, c’est qu’il est tout aussi impatient que toi.
- Tu crois ?
- J’en suis sûre !
- Comment ?
- Quoi comment ?
- Comment en es-tu aussi sûre ?
- Parce que je le connais comme mon frère, et que lorsque je lui ai dit que tu viendrais il a eu cette petite étincelle dans les yeux, la même que lorsqu’il empoigne sa guitare. Me dit-elle en me faisant un clin d’œil pour me rassurer.
- Bon, je te fais confiance.
- Tu n’as pas le choix de toute façon. Me répond-elle en riant.




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