L'Insurrection [En correction !!]

Chapitre 6

1423, Espagne, Peniscola

Cordélia entretenait une conversation à priori houleuse avec sa Sainteté le Pape Benoit XIII, à en croire ses cris stridents qu'Irène percevait. La rousse patientait sagement à l'extérieur du palais et elle observait les bâtisses qui entouraient la cité d'Aragon. L'Ordre Blanc, soutenu par le pontife actuellement, avait imploré les créatures de l'ombre d'anéantir les guerres, et probablement leur demanderait-il d'éliminer la famine, et de faire perdurer la paix dans le monde. Cette bande d'humains, un peu trop confiants et à leur aise depuis qu'ils connaissaient leur secret, pensait que tous les problèmes du monde pouvaient être réglés par leur pouvoir surnaturel. Étaient-ils responsable de conflits ? Du manque de nourriture ? Non, alors pourquoi diable devraient-ils s'en charger ? La vampire n'approuvait pas forcément les deux états d'esprit. D'un côté, elle comprenait l'urgence de la situation - un monde qui partait à la dérive progressivement - ; d'un autre, les Immortels ne répareraient pas les erreurs humaines. Ils se débrouilleraient seuls.

- Les sorcières ont pourtant essayé d'amener la paix entre l'Angleterre et le France, fit justement constater Infantatë. Si seulement elle aurait pu durer. Il m'insupporte de suivre votre mère dans tous les recoins des deux nations pour qu'elle essaie de calmer les ardeurs.

- Savez-vous pourquoi nous sommes ici ? répliqua Irène, ignorant ces paroles. La guerre étant terminée, pourquoi converse-t-elle avec sa Sainteté ? Et pourquoi ses hurlements frénétiques me parviennent ?

Le démon ne put que lui sourire, blasée, et elle saisit rapidement le message. Sa mère avait dû ordonner à sa possession de ne rien révéler et, par obligation du contrat démoniaque qui les liait, Infantatë ne dirait rien, même si elle en crevait d'envie. Celle-ci ne passait d'ailleurs pas inaperçue. Une anglaise, accompagnée d'une perse. Heureusement, Irène avait appris l'espagnol et diverses autres langues, sinon elle aurait été jetée hors de ce pays. Mais, pour la basanée, le problème restait entier. Cordélia lui avait commandée de changer d'apparence, mais c'était impossible. Elle porterait des traits persiques jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau libre de retourner en Enfer. Alors, la chose prétendait être une esclave, mais cette comédie commençait à fortement l'excéder. En soit elle était l'esclave de la vampire, mais ce n'était guère une façon de traiter un démon de première classe.

Irène cessa d'y penser. Elle s'ennuyait profondément et un élément dans le décor attira son attention. Infantatë tenait dans ses bras le Daemonica. Et, puisque ce livre se trouvait à sa portée, la rousse se redressa et tendit la main pour l'obtenir. D'abord réticente par rapport à sa maîtresse, la chose nota qu'aucun ordre ne lui avait été imposé sur ce grimoire, hormis de ne pas le perdre. Ainsi, elle le donna à la Protectrice - qui manquait souvent à son devoir ces derniers temps, occupée à suivre sa mère - qui s'empressa de l'ouvrir. Sans qu'elle n'ait eu la nécessité de le lire, elle ressentit les ténèbres l'envahir et elle le laissa tomber lourdement au sol, soulevant la poussière.

- Cet instrument diabolique doit être détruit ! susurra-t-elle, choquée par les milliers de frissons parcourant son corps.

Derechef, le démon ne répondit rien, car elle ne pouvait pas acquiescer à cause de Cordélia, mais elle ne réfuterait pas non plus ces mots. Alors, elle décida d'observer simplement la vampire et de voir ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle n'en fut pas le moins du monde déçue. Irène saisit une torche et l'abattit violemment sur le grimoire. Cet outil infernal devait brûler et ne jamais réapparaître. Tandis que les pages s'effritaient, elle pivota vers la chose qui attendait un ordre.

- Le Daemonica ne sera plus jamais retranscrit et seuls les Eston en connaissent le contenu. J'exige d'eux qu'ils n'aident ma mère. Va et informe-les de ceci. S'ils désobéissent, ils en assumeront les terribles conséquences.