L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]

Chapitre 14

Sans crier gare, sans prendre la peine de toquer, ce qui irritait péniblement Mélissandre, un de ses petits soldats, pénétra dans la pièce avec fracas, essoufflé. Gabriel roula des yeux, mais se décala, délaissant les courbes des seins de la Trinité à moitié visibles, faisant fortement rougir l'homme. Elle ne se rhabilla guère, l'embarrassant davantage. Il payait le prix de son intrusion. Et s'il avait le malheur de baisser ses yeux, il était foudroyé. Littéralement.

- D'après le cabot de Stanislas qui se trouve dans votre camp, Madame, non seulement une des deux humaines est vivante, mais, en plus, Irène a décidé de passer à l'offensive. Elle sort définitivement de l'ombre et pas avec n'importe quel allié.

- Qui ? Je veux des noms exacts, bougre ?

Elle venait de siffler sa phrase de la plus colérique des manières. Elle contractait l'intégralité de ses muscles et de la fumée s'évadait presque de son crâne. Son garde en fit entrer un autre, d'un signe de main bref. Le cabot qui trahissait son alpha pour sa cause. Celui-ci toujours hésitant à bafouer son lien de meute, il trépigna légèrement, vulgairement honteux. Gabriel soupira bruyamment, ce qui le fit sursauter et parler sous le joug de la peur.

- En plus de Stanislas, un de ses amis se révèle être le célèbre alpha, Rocklow. Elle possède déjà deux puissantes meutes françaises et pourrait en obtenir de plus grandes encore, si elle demandait de l'aide. Même si personne ne se hasarde à le dire, beaucoup change de camp sans que vous en soyez au courant. V-Vous.... Vous avez...moins d'alliés que vous le présumez, Madame... De plus, les vampires se sont ralliés à elle. Enfin, uniquement - pour l'instant - l'Assemblée du Nord. Mais, les deux autres suivront le mouvement également. Oh ! en fait, je présage plutôt qu'ils demeureront dans l'ombre de la neutralité.

- Quelque  chose à rajouter ?

- Non, Madame !

Il s'inclina et partit. Les membres de sa meute ne devaient pas s'apercevoir de sa soudaine disparation, où ils le suspecteraient. Il serait alors exilé et quitterait ce monde seul, dans la misère. Heureusement qu'il ignorait tout du Daemonica. Jusqu'aux dernières nouvelles, Gabriel l'avait transmis quatre mois en arrière à l'Ordre Blanc pour qu'ils le dissimulent. Mieux valait qu'ils ne le sachent pas. Surtout pour le brun qui jouerait avec une lionne assoiffée de vengeance pour avoir perdu un tel élément fondamental.

- Keira et Aaron nous ont ainsi tournés le dos, assimila difficilement Mélissandre. Il semblerait que leur impudence dépasse mes présuppositions... La guerre est à nos portes. Irène et sa bande de joyeux compagnons viendront y sonner et nous serons préparés à l'accueillir convenablement.

- Ordonne-moi, s'enquit Gabriel.

- J'exige une entrevue avec l'Ordre Blanc. Que leur messager soit présent dans les cinq minutes à venir.

Aussitôt commandé, aussitôt exécuté, Gabriel se téléporta facilement dans un repère de mortels éhontés qui le reçurent avec des regards sombres. Il ne comprenait pas une telle colère dirigée contre lui, mais ne s'en formalisa point. Il pénétra franchement dans le bureau du messager qu'il avait déjà visité un jour et lui déclara des mots semblables à ceux de sa supérieure. L'homme acquiesça et termina son parchemin, une retranscription d'un ancien manuscrit, puis envoya un message à un autre membre de l'Ordre Blanc. Tous devaient des comptes à cette personne, sûrement leur chef.

De retour au domaine de Mélissandre, cette dernière s'était complètement revêtue et buvait sereinement son champagne habituel, laissant présumer que la situation devenue critique ne la perturbait guère. Ni Gabriel, ni le messager n'étaient dupes, mais ils tenaient à la vie, donc ils ne relevèrent pas ce comportement.

- Je suppose que l'Ordre Blanc a déjà eu vent des informations à propos d'Irène Horline. Dès que vous aurez pris congé, je m'occuperais de mon armée. Nous posterons des soldats tout autour de la ville et massivement aux alentours de mon domaine. Chacun aura pour ordre de tuer sans retenue. Quant à vous, contentez-vous d'accélérer le processus. Il me faut des armes fiables, produisez plus rapidement, avec plus d'entrain. Demain, je veux de nouveaux prototypes. J'ignore si une semaine suffira avant que cette garce décide d'attaquer, mais c'est le nombre de jours que je vous octroie. Sept jours pour construire toutes les machines, toutes les armes et tous les pièges possibles. Notre ennemi est bien plus fort que nous nous en doutions. Redoublons d'efforts ! Par ailleurs, je ne me fais aucun soucis. Ensemble, nous l'anéantirons aisément. Une mouche que nous écraserons sans pitié.

Alors qu'elle ne s'y attendait pas du tout, le messager éclata d'un rire bourru. Gabriel haussa un sourcil, curieux de ce fou rire paraissant interminable. Et Mélissandre le fixait d'un œil mauvais, aspirant à connaître le détail si hilarant dans sa tirade. Se moquait-il ouvertement de la Trinité ? Si oui, il trépassera dans la seconde et sera probablement exposée devant ses portes, afin de montrer l'erreur à ne pas commettre. Calmant ses ardeurs, il se leva et se servit nonchalamment un verre de champagne. Puisqu'il ne survivrait certainement pas à ses prochains mots, autant qu'il quitte ce monde en ayant savouré un goûteux Heidsieck.

- Pour être tout à fait honnête avec vous, Mélissandre. Vous n'êtes qu'une écervelée qui se croit intelligente et belle à damner, parce qu'elle a conquis une majorité du Monde Obscur et parce que les hommes et femmes accourent dans votre couche. Vous êtes même totalement tombée dans le panneau, en présupposant que l'Ordre Blanc se rejoindrait à vous. Pourquoi détenez-vous subitement tous ces privilèges ? Vous possédiez le Daemonica, vous étiez riche, vous constituiez une mine importante d'informations dont nous avions besoin. Aujourd'hui, nous garderons le bouquin, vous vous apprêtez à tout perdre, tandis qu'Irène Horline récupérera vos biens, et ne comptez plus sur notre appui. Notre soi-disant alliance, au nom de l'Ordre Blanc, je la révoque... Vous disparaitrez dans quelques jours, Trinité ou non. Et la Paix, la Guerre et la Désolation triomphera, comme cela aurait dû l'être depuis le commencement de votre guerre.

Inutile de préciser que cet homme perdit également quelque chose ce jour-là. Sa tête. Mais, Mélissandre ne se démonterait pas. Loin de là. Elle trouvera un moyen de reprendre le Daemonica, et elle détruira l'image de sainte d'Irène. Toutefois, ce qu'elle n'intercepta pas, c'était la couleur des orbes de Gabriel. Ceux-ci se teintèrent d'une lueur de compassion pour feu le messager. Parce qu'il était entièrement d'accord avec ses paroles.