Chapitre 17

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1518, France, Amboise

- Sa Majesté a su, par le temps, nous démontrer sa passion pour notre monarchie. Couronné tout juste au début de l'an mille cinq cent quinze, il vainquit les mercenaires suisses et repoussa l'armée italienne, désormais Duc de Milan. Aujourd'hui, Sieurs et Dames,  j'invite la Cour de France à se replonger au cœur de l'épique Bataille de Marignan que notre bon roi remporta avec succès ! Mon ami Boccador et moi-même vous en révèleront davantage plus tard. Pour le moment, profitons des festivités !

Le château d'Ambroise était présentement occupé par une horde de nobles. Des activités avaient été organisés toute la semaine et ce soir, un bal s'organisait afin de célébrer le mariage tant mentionné de Laurent II de Médicis avec la cousine du roi, Madeleine de la Tour d'Auvergne. Outre l'événement royal, les mondains saisissaient cette occasion pour exhiber leurs nouvelles robes, leurs corsets sur mesure, ou leurs chausses hors de prix, et ils en profitaient pour susciter les commérages à leur égard. Toute une mécanique que ces personnes avaient apprise à la perfection. François Ier   tardait à apparaître. Sûrement se préparait-il pour la reconstitution de cette fameuse bataille grâce à laquelle il devint légitime aux yeux de ses sujets.

Son artiste favori, et intime, Léonard de Vinci, s'occupait de tout. Il appréciait préparer ces soirées, attirant le plus d'attention possible et déblatérant de longues heures à propos de ces dernières œuvres avec des gens incultes, mais qui opinaient du chef uniquement pour paraître intelligents. Et, parmi tout cette agitation et excitation, l'Ordre des Protecteurs surveillait le domaine méticuleusement. Apparemment, l'Assemblée du Nord aurait obtenu des informations sur une attaque donnée ici même, lorsque la fête battrait son plein. Irène déambulait entre les convives, conversant avec quelques uns pour se fondre dans la masse.

- Que pensez-vous de cette reconstitution ? questionna une vieille harpie.

- Ridicule ! répondit une autre. Pourquoi des femmes seraient-elles invitées à participer à cela ? Je refuse de me joindre à une bataille fictive, montée de toute pièce ! De quel avis êtes-vous, jeune Damoiselle ?

- D'aucun, Mesdames, rétorqua Irène. Je suis simplement curieuse.

- Où se trouve votre époux ? asséna une troisième. Je ne crois pas le connaître, ni vous par ailleurs.

- Nous venons d'arriver à Paris, esquiva la rousse. La Cour nous a si bien accueillis et nous ne pouvions décemment pas manquer ces célébrations. Maintenant, si vous voulez m'excuser.

La vampire tournait en un rythme identique à ceux de ses complices. Cependant, elle sentait que quelque chose ne se déroulait pas comme d'habitude. François Ier se cachait encore dans ses appartements ; or, il devrait déjà se pavaner et prouver sa richesse devant les nobles. Les sourcils froncés, un détail ne lui échappa guère : une noirceur rodait dans ce château et elle ne provenait pas des Protecteurs, autre chose pourrissait leur air. Adressant un signe à ses camarades, elle quitta la salle par une porte dérobée et se hissa discrètement jusqu'au couloir contenant la chambre du roi.

Un silence morbide l'accueillit. Irène se dirigea, épée dégainée, vers ladite pièce et poussa la porte légèrement ouverte. Nul garde ne la protégeait. A l'intérieur, un plateau garni de nourritures se retrouvait au sol et les draps du lit étaient défaits, tombant sur le côté. Elle le contourna et aperçut sa Majesté, une main tenant fermement les tissus, et le corps avachi sur la pierre. Elle prit vivement son pouls et constata qu'il respirait encore. Quel soulagement. Les vampires, même si les mortels l'ignoraient, entretenaient une alliance avec cet homme. C'est pourquoi ils se chargeaient momentanément de sa sécurité. Elle l'installa sur le lit et pivota pour aller prévenir les autres.

- Trop tard ! gloussa une voix reconnaissable entre mille. Je comptais le tuer, mais peut-être devrais-je m'occuper de vous en premier lieu.

- Mère, je ressens actuellement le plus profond plaisir de vous revoir ! grinça-t-elle, déjà irritée. Je suppose que cela ne ressemble en rien à une visite de courtoisie.

- Je remarque que vous jouez toujours à celle qui s'illustrera dans la témérité. Mais, belliqueuse comme vous êtes, vous ne m'effrayez pas une seconde !

Normal, puisqu'elle ne cherchait pas à l'effrayer, ni à provoquer un quelconque sentiment. En fait, Irène présageait un affrontement inutile, duquel aucune ne ressortirait gagnante. Mieux valait ignorer les regards ténébreux de sa mère. Cordélia semblait bien se porter depuis leur dernière rencontre. Celle où elle ordonna à son démon de l'assassiner. Ayant toujours cet instant coincé dans la gorge, elle eut du mal à exposer une aura neutre. Sa colère transpirait par tous ses pores, mais elle désespérait de se contenir. Elle ne voulait vraiment pas se battre avec elle, pas ce soir.

- Pourquoi ne pas, plutôt, descendre à la salle de réception et converser avec le célébrissime Léonard de Vinci ! N'aimiez-vous pas l'art, mère ? Quoi que vous prévoyiez, abandonnez-le. Il suffit ! Des rumeurs s'ébruitent. Une guerre ! Vous aspirez à engendrer une guerre entre les espèces. Une guerre ? A quoi cela mènera-t-il, bon sang ? Demeurez à votre place, vivez tranquillement avec votre amant et cessez de tourmenter ce monde. Et, par pitié, brûlez votre maudit Daemonica !

- La Trinité n'a nullement évoqué une guerre entre espèce, ignare ! Nous voulons qu'un même peuple se révolte contre les gouvernements. Ceux-ci sont faibles et fragiles. D'un souffle, nous les pulvériserons.

- Vous devez votre allégeance à l'Assemblée ! vociféra Irène, visiblement à la limite de la fureur. Ils vous banniront définitivement, vous et votre pathétique Trinité serez seuls au monde et ils vous brûleront pour hérésie et haute trahison ! Est-ce véritablement ainsi que vous finirez ? Uniquement parce que vous estimez les gouvernements faibles ? Uniquement pour prouver votre puissance ? Ou, est-ce une folie meurtrière afin d'anéantir le Monde Obscur par une dominance démoniaque ? Dans tous les cas, je vous empêcherais !

Cordélia se tut un moment. Elle se dirigea vers la fenêtre, tandis que sa Majesté gigotait légèrement, se réveillant lentement. Elle pointa d'un doigt sûr la forêt qui entourait la château d'Ambroise. Irène s'approcha à reculons, ne comprenant pas le rapport avec leur conversation, mais elle vit ensuite. Au loin, peut-être à des kilomètres de cet endroit, au fin fond de la nature, des lumières suspectes s'élevaient d'entre les feuillages. Les humains, enfermés dans ce domaine pour le restant des festivités, ne pourraient pas entrapercevoir ce qu'il se produisait à des centaines de mètres d'ici. Mais, de par  sa vision vampirique, Irène devina qu'une guerre éclatait et elle serra les poings fortement.

- Vous m'éloigniez, pendant que vos semblables entraînaient le Monde Obscur dans un conflit, affirma la rousse, se doutant des plans évidents de sa mère.

- Que l'Insurrection débute !

L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant