Chapitre 9

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Andreas suivait Irène qui elle-même suivait des cabots. Ceux-ci la conduisaient à priori jusqu'à leur alpha. Une légère appréhension la guettait. Après tout, elle ne l'avait pas revu depuis ce fameux jour en Inde. Trois cent ans de fuite où elle s'était efforcée d'oublier son passé. Le blond n'appréciait pas du tout ces circonstances. D'abord, ces loups retrouvaient miraculeusement la noiraude, alors qu'elle demeurait introuvable. Ensuite, elle acceptait volontairement de les écouter et de rencontrer leur meneur sans rechigner, et surtout sans aucun plan d'extraction. Elle s'était jetée dans la gueule du loup et ne semblait pas vouloir s'enfuir. Et il n'avait jamais assisté à une telle situation. Cela le perturbait grandement et il fixait d'yeux tempétueux les caniches, comme il les surnommait si bien, prêt à leur arracher la tête au premier faux pas.

La vampire ressentit facilement ces sombres émotions. Elle connaissait Andreas parfaitement et savait déchiffrer ses expressions faciales, autant que ses pensées. Irène déposa donc une main ferme, mais douce, sur son épaule, lui adressant un regard rassurant. Il se détendit sur le champ, décontracta ses muscles, mais resta aux aguets. Elle pourrait prononcer les paroles les plus apaisantes, il ne se laisserait quand même pas distraire. Les loups haïssant les vampires, il prenait une attention particulière à chacun de leur mouvement.

Elle sourit furtivement, réjouie de sa vigilance. Il ne cessait de lui démontrer par tous les moyens son dévouement. En revanche, ils n'avaient pas pris un très bon départ. Irène, à leur rencontre, se méfiait et le suspectait de travailler pour l'Assemblée ou, pire, pour la Trinité. Lorsqu'il s'était proposé pour devenir Ambassadeur, elle le soupçonna davantage. Néanmoins, au fur et à mesure des jours, il lui rapportait toutes les informations cruciales et extrêmement secrètes de ses monarques. Elle présuma qu'il s'agissait d'une ruse pour la mettre en confiance, mais ces renseignements étaient trop incriminants et compromettants. Il ne pouvait lui mentir. Irène lui avait donc offert sa foi et il la conservait soigneusement.

- Des nouvelles du Nord ? questionna-t-elle, marchant encore à la suite des loups. Le complexe se révélait si colossal qu'ils traversaient de nombreuses cours et couloirs. L'Assemblée possède des yeux et des oreilles de toute part.

- En effet, soupira-t-il, se remémorant les yeux remplis d'angoisse de sa Reine. Ils savent que Stanislas vous retient. Enfin, visiblement, vous vous trouvez ici de votre plein gré. L'Assemblée vous craint dangereusement, ils pourraient agir inconsciemment. Pour le moment, ils se sont contentés de partir d'Helsinki, au cas où vous connaîtriez leur position, et ils discutent d'une façon de vous arrêter définitivement. Je crois même qu'ils ont peur de vos représailles. Comme si vous vous apprêtiez à les assassiner un par un. Ils sont ridicules !

- Eh bien, quelques années auparavant, j'aurais pensé ainsi. Mais, maintenant, je les comprends. Ils se sont convaincus de mes soi-disant crimes et ils me présument alliée de la Trinité. Ils nous paraissent imprévisibles, mais, à leurs yeux, je le suis bien plus. Ne pas avoir connaissance de mon dessein les rend malade.

Andreas marmonna une poignée de mots incompréhensibles. Elle présagea des reproches. Il ne concevait pas comment elle pouvait autant se montrer clémente avec les personnes qui la désiraient morte. Cependant, il l'admirait pour cela. Irène devrait gouverner. Mais, pas seulement son Assemblée. Elle était née pour diriger le Monde Obscur. Le blond savait que ce songe s'enterrait au fil des siècles s'écoulant. Elle perdait son amour pour cette terre et la quitterait probablement volontiers à la fin de cette guerre millénaire. Elle vivait depuis plus de mille ans. Pourquoi vivrait-elle davantage, alors que tous l'avaient si longtemps rejetée ?

Ils n'eurent le temps d'en discuter correctement, puisque enfin ils arrivèrent devant une porte mystérieuse. Irène devinait que, si elle la passait, son futur changerait. Elle n'aurait plus à fuir. Elle l'espérait. Toutefois, peut-être n'était pas suffisamment préparée à ce qui suivrait.

- Entrez, s'il vous plaît, Madame.

Un regard noir du vampire en direction du cabot qui s'adressait si impunément à la noiraude persuada les loups de s'éclipser. Seuls, Irène put réfléchir calmement. Son instinct de survie lui ordonnait de partir en courant. Tandis que la bonté, qu'elle entretenait pour son monde, lui murmura de rencontrer son destin aujourd'hui et sur le champ. Se jugeant foncièrement naïve de rêver d'échapper à son avenir, elle soupira et ouvrit subitement la porte, sans prendre la peine de toquer. De toute manière, elle était attendue.

Andreas et elle firent face à un homme de dos. Pour le blond, c'était imperceptible, mais pas pour Irène. Elle nota immédiatement que ses épaules se courbaient légèrement et que son port de bras paraissait mou, comme si cet homme ne cherchait plus à se tenir droit et fier. Mais, selon l'Ambassadeur, l'alpha dégageait une insupportable aura d'oppression. Seulement, il ne rivalisait en rien avec l'omnipotence de la vampire.

- Je présageais ne plus vous revoir, fit-elle, abruptement, prenant ses aises dans la pièce qui avait des airs de salon. Elle s'assit sur un sofa et invita Andreas à l'imiter. C'est vous-même qui l'avez exigé. Par ailleurs, je vous imaginais mort, ou à l'écart de toutes activités, ermite ; je m'étonne de vous retrouver en tant qu'alpha d'une meute à priori puissante. Vous me surprenez, Stanislas.

- Oh ! mais je pourrais vous retourner ces mots, jeune Horline. Vous m'épatez chaque jour. Dès que votre nom est prononcé, la Paix, la Guerre et la Désolation vous est associée. Vous avez surmonté tous les obstacles et vous assombrissez la gloire de la Trinité. Votre simple évocation traduit la frayeur, comme l'adoration.

Finalement, le loup daigna la regarder et elle put remarquer son immortalité. Pas une ride, si ce ne sont celles qui s'y trouvaient déjà à l'époque. L'exténuation se peignait sur ses traits. Tous deux survivaient depuis trop longtemps et l'appel inlassable de la mort les étranglait. Ils tenaient bon pour le bien du Monde Obscur, mais marchaient difficilement. L'âge ressortait par tous leurs traits. Uniquement eux pouvaient décrire ce changement, uniquement ceux qui se rapprochaient continuellement de leur fin.

- Malgré ces retrouvailles inattendues, j'ai toujours prié pour vous recroiser, Irène ! avoua d'un chuchotement honteux l'alpha. Vous m'avez manqué, à moi et à ce monde. Probablement avons-nous commis une erreur en nous séparant jadis. Nous aurions dû combattre et affronter les ténèbres. Ces trois cent ans ne se seraient pas écoulées.

- Mais, sans ces siècles, vous n'auriez pas tenu un tel discours ! releva-t-elle, très justement. 

L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant