- Les filles ! s'exclama Carline, en passant devant un librairie. Elle venait d'apercevoir un roman sentimental qu'elle avait lu quelque temps auparavant et cela lui rappela son week-end. Dimanche, je suis sortie avec des potes de Maillane et j'ai rencontré Cédric !
A ce prénom, Irène haussa un sourcil et soupira dans la plus grande des discrétions. Elle se fatiguait des discours passionnés de Carline au sujet des garçons qu'elle côtoyait, mais, puisqu'elles étaient amies, elle l'écoutait attentivement et lui donnait des conseils inutiles et futiles. Angelina ricana mentalement, parce qu'elle savait déjà les mots qu'elle prononcerait. Pourtant, pour des motivations semblables à celles de la noiraude, elle ne la coupa pas et la laissa exprimer sa joie librement.
- Il est trop beau ! Et gentil ! Je pense qu'on ira loin !
Une langue claqua contre un palais, Irène s'agaçait. D'une part, car l'humain la décevait parfois. Comment pouvait-elle aimer, croire en une relation, après une heure ou deux seulement ? D'autre part, car son amie se fourrait systématiquement dans des situations complexes, des situations où elle s'attacherait et où elle se blessera par la suite. Cependant, Irène ne lui en tenait point rigueur. Après tout, c'était une chance, une qualité chez la blonde qui se transformait rapidement en défaut. A vrai dire, Carline possédait une forte attirance pour l'affection. Elle chérissait les personnes qui l'appréciaient et était capable de tout leur offrir. Avec les années, le pourquoi de cette recherche constante d'amour s'était révélé évident. Ses parents l'aimaient certes, mais pas assez, pas comme elle le voudrait. Alors, l'adolescente se noyait dans des relations sans lendemain, ni présent.
- Vendredi, tu sortais avec un garçon d'internet. Qu'est-il devenu ? s'enquit Angelina, suivant difficilement les relations amoureuses de sa camarade.
- Nous avons rompu ! avoua, presque telle une logique absolue, Carline. Trop loin, trop impatient, et...je crois qu'il cherchait uniquement une entente sexuelle. Donc, je l'ai quitté !
Le regard de la châtaine renvoya parfaitement ses pensées. Présumes-tu que celui-là sera différent du précédent ? se retint-elle d'asséner pour ne pas heurter la sensibilité de la blonde, qui sautillait devant elles. Angelina jeta une œillade entendue à Irène, essayant d'obtenir son soutient. Mais, la vampire ne savait pas. Elle ne savait pas s'il fallait réagir. En réalité, leur amie passait par une phase nécessaire à sa vie de jeune adulte. Alors, autant la laissait tomber, se relever et apprendre. En revanche, elle lui glissa tout de même de faire attention, juste au cas où.
Les trois amies déambulaient aux Baux-de-Provence, profitant du léger soleil qui animait cette journée. Elles avaient déjà dévalisé la boutique de sucrerie. Angelina et Irène s'étaient contentés de deux sucettes chacune, les triangulaires, leurs préférées ; et Carline en avait rapporté pour tous ses amis et famille. Puis, elles avaient dépassé quelques euros supplémentaires en jolies cartes-postales qu'elles garderaient à vie, en souvenir de leur amitié. Une amitié qui symbolisait tellement plus pour la vampire que pour les deux mortelles. Pour elles, il s'agissait d'un groupe de copines qui avaient passées leurs années de lycée ensemble et qui se promettaient de rester en contact après. Pour elle, elles représentaient son humanité perdue.
Elles s'étaient amusées avec une fontaine et avaient joué en compagnie d'enfants très, voire trop, énergiques. Puis, elles entreprirent de grimper jusqu'au château en ruine, et de redescendre par la suite, observant les bâtisses en vieilles pierres. Un village comme celui-ci reflétait l'ère médiévale dans lequel demeurait figée la France. Pareillement à Avignon, à Orange, à Arles, et à bien d'autres. La mémoire d'Irène était singulièrement tourmentée dans ces lieux.
- Allons boire un verre en terrasse ! suggéra Carline. C'est moi qui paie ! N'est-ce pas ce que les parents ont l'habitude de dire ?
Angelina lui sourit, tandis qu'Irène se plongeait un peu plus dans ses pensées. Sans même s'en rendre compte, elle s'asseyait à une table couverte d'un parasol et les filles commandèrent trois sodas, en voyant qu'elle ne répondait plus. Cela lui arrivait de temps à autre, quand elle faisait face à des éléments de son passé.
Irène accordait une tendresse particulière pour cet endroit. Elle y avait rencontré brièvement Gabriel. Un homme pour lequel elle détenait toujours quelques rêveries. Ils ne s'étaient pas éternisés sur leur amour, malheureusement, puisque le destin avait joué en leur défaveur. Leur rencontre, ces fameuses années malade à ses côtés, puis sa séparation à cause de la Réquisition. Elle aurait tout donné aussi pour vivre un peu plus longtemps avec lui, mais son Assemblée en avait décidé autrement.
Toutefois, ils s'étaient rencontrés une autre fois à la suite de leur baiser enflammé à Bursa. Ici, aux Baux-de-Provence. Gabriel se chargeait à l'époque de surveiller les affaires de son père et il s'était mis en route vers Avignon, à cette époque ancienne cité des papes. Seulement, son cocher s'était égaré et ils avaient atterri dans ce minuscule amas de maisons. Irène, quant-à elle, effectuait une mission plus au sud et en remontant pour rejoindre le quai de Calais, elle avait senti l'odeur envoûtante du sorcier. Ayant réussi son objectif, elle s'était octroyée un prompt moment avec son ancien amant. Et ils s'étaient ainsi redécouverts de la plus plaisante des façons. Ses lèvres s'étirèrent à ce souvenir.
- Oh ! s'étonna Carline, percevant sa mine songeuse. Tu dois penser à quelque chose de vraiment joyeux pour que tu sourisses. Qu'est-ce que s'est ?
- Carline ! réprimanda la châtaine. Si elle souhaitait nous en parler, elle se serait déclarée toute seule. Apprends à mettre de côté ta curiosité !
Bougonnant, la blonde s'enfonça dans son siège. Ce court échange réveilla Irène qui soupira encore à leur chamaillerie. Angelina la comprenait très bien, en effet. Mais, elle ne pouvait décemment pas laisser cet air si triste et renfrogné sur le visage de Carline. Ainsi, dans un effort surhumain de dévoiler son passé fragile et à l'extrême de la souffrance, elle choisit de répondre, éclairant la mine de son amie.
- Gabriel Eston. Vous ne le connaissez pas. Il fut l'amour de ma vie.
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L'Insurrection [En correction !!]
ParanormalIrène de Lister fuit son peuple, ses ennemis et ses alliés. Prometteuse vampire et Protectrice, tombée sous le charme de Gabriel Hastings, puissant sorcier, elle avait tout pour devenir une immortelle extrêmement importante et influente ; mais elle...