Tandis que le blond piquait sa crise et fouillait les étages un à un, Irène se tenait debout, droite et imperturbable, dans ses pensées, et sentait les regards perçants d'Angelina et Carline. La châtaine la scrutait curieusement. En plus de deux ans d'amitié, elle ne s'était rendue compte de rien. Sa meilleure amie se révélait être une créature surnaturelle aux pouvoirs non-négligeables, capable de battre à mains nues une demi-douzaine de loups féroces. Carline s'était pétrifiée depuis la scène aux Baux-de-Provence, fixant ses orbes effrayés sur le sol. Un vent énigmatique parcourait la pièce. Enfermées dans un immeuble d'une ville qu'elles ne connaissaient pas, la vampire avait été autorisée à converser un moment avec ses amies, dans le but de leur expliquer la situation. Mais, elle ne savait par où débuter.
- Comme je vous l'ai dit tantôt, hasarda-t-elle, les faisant relever leurs têtes dans des gestes brusques et simultanés, ils ne vous toucheront pas... Je connais Stanislas, et il ne m'aurait pas trouvé pour me blesser. Normalement... Cela fait quelques siècles que nous ne nous sommes pas rencontrés. Peut-être aura-t-il changé. Cependant, je n'y crois pas. Il vous traitera bien.
Bien évidemment, les deux humaines ne comprirent pas un traitre mot de cette tirade et peinaient à concevoir leur sécurité dans un tel endroit. Entourées de gens dont elles ignoraient tout, même en ce qui concernait Irène, comment pouvaient-elle accorder leur confiance ? La noiraude l'aperçut très clairement sur leurs visages assombris. Alors, elle profita du calme ambiant pour tenter de leur expliquer sa position.
- Sincèrement de ne pas avoir évoqué mon statut auparavant, mais, dès que vous en apprendrez plus, vous admettrez que l'ignorance valait mieux. En outre, je refuse de vous imposer ce fardeau. Car vous ne serez plus jamais libres après ma confession. Vous vous devrez d'être surveillées constamment pour votre bien, et le mien. Ainsi, choisissez. Entre tout oublier d'aujourd'hui et repartir dans vos vies. Vous vous poserez éternellement des questions, puisque j'aurais disparu sans raison. Mais, vous vous y accoutumerez et continuerez vos existences. Ou devenez les gardiennes de notre secret jusqu'à votre tombe. Une réponse, il me faut une réponse, sur le champ.
Carline tremblait, craintive. Sa meilleure amie arborait un charisme surpuissant qui l'écrasait complètement. La blonde n'avait éprouvé un jour une telle soumission. Elle ne pouvait ni redresser son regard, ni ouvrir la bouche. Mortifiée sur place. Angelina s'improvisait tout le contraire. Irène aurait présagé l'inverse à vrai dire, puisque la châtaine ne démontrait pas souvent un caractère mordant. Brusquement, elle acquiesça, offrant silencieusement son amitié tenace à la vampire qui l'en remercia d'un sourire véritable. L'immobile convulsa plus que ce qu'elle consentit à sacrifier sa liberté de mortelle lambda.
- Soit ! s'exclama Irène, sortant Carline de sa torpeur. Dans ce cas, vous méritez de savoir. Comment vous raconter sans vous rendre confuses ? soupira-t-elle. Commençons par le commencement, voulez-vous ! Je suis une vampire de plus d'un millénaire, fugitive et traquée par l'entièreté du Monde Obscur. Je fuis depuis cinq cent ans. Mais... Bonne nouvelle ! Stanislas doit être la seule personne surnaturelle à ne pas m'imaginer morte et enterrée dans ses rêves !
La vampire venait de tenter la pire boutade pour les réconforter, échouant lamentablement. Carline se retrouvait à la limite de verser toutes les larmes de son corps et Angelina restait bloquée sur les informations. Une vampire ? Millénaire ? Fugitive ? Pourquoi une fugitive ? Ce dernier questionnement, Irène le vit traverser l'esprit de la châtaine et elle explicita donc.
- Ma mère, son amie et son amant formèrent la Trinité, aspirant à contrôler à leur guise les Immortels. Cette audace provenait du Daemonica, un grimoire démoniaque, délivrant les sortilèges les plus noirs, une porte vers l'Enfer... Je m'en souviens encore, déclara-t-elle, se plongeant dans sa mémoire chaotique, mais précise en dépit des années écoulées. Peu après le couronnement de François 1er, la Trinité illustra leur puissance dans ce que l'on nomme aujourd'hui l'Insurrection. Un soulèvement des peuples contre les gouvernements mis en place. Ils saisirent partiellement le pouvoir, bien que nos monarchies perduraient, et tout changea après ce soir-là. Je me transformai en parjure, accusée de haute trahison par mon Assemblée, parce qu'ils me pensaient complice de cette hérésie. Et la Trinité espérait mon trépas, car j'osai me révolter contre eux. Rien n'a évolué de nos jours. Le Monde Obscur stagne dans ce flou envahissant. Personne ne détermine qui domine réellement entre les gouvernements et la Trinité, et personne n'abandonne ma traque.
- Et pour Stanislas ? Qui est-il et pourquoi ne te fera-t-il aucun mal ? Visiblement, tu ne te démènes pas sans complète défense. Tu possèdes des alliées, présuma Angelina qui se concentrait au maximum pour ne pas flancher et craindre sa meilleure amie.
- Une poignée de personnes, en effet, me croient innocente et me suivent dans ma quête. Des intimes uniquement. Stanislas en fait partie. Il dispose en tant qu'alpha de la meute qui nous garde en cet instant. En fait, il fut un des membres de la Trinité.
A ces mots, les pupilles des deux adolescentes se dilatèrent d'effroi, leurs orbes s'écarquillèrent, leurs souffles se coupèrent, le temps se suspendit. Irène constata trop tard le poids de ses paroles. Pour des étrangères à cet univers, sa dernière phrase pouvait les choquer. Surtout qu'elle affirmait que cet homme était dans son camp. Elle s'apprêtait à approfondir et leur prouver ses dires, mais une voix tonitruante réprima son élan.
- Ah ! mais vous êtes bien téméraires, dites-moi ! Vous osez me l'enlever et vous terrer par la suite ! Il semblerait que votre légendaire courage parte au galop aujourd'hui ! Espèce de bande de caniches !
Cette ultime insulte conquit le cœur d'Irène et elle explosa, s'attirant l'attention des deux mortelles. Elle s'esclaffa franchement et cette vision se faisait rare dans sa longue vie. Elle reconnut sans difficulté le ton rauque et chargé de colère d'Andreas et rit de plus belle. Comment paraissait-il si adorable en s'énervant ? Bien qu'elle écouterait ses mélodieux jurons des heures durant, il perdait patience et pouvait subitement détruire cet endroit, si la folie agrippait. Puisqu'il passait non loin de la pièce où elle était cloîtrée, la noiraude ouvrit brutalement la porte et fixa durement l'Ambassadeur qui cessa sa course et ses grossièretés. Il amorça un mouvement pour la joindre et probablement l'amener dans un autre pays pour que personne ne l'emprisonne plus. Mais, elle prononça une phrase qui le fit taire et obtempérer à sa volonté.
- Je me dois de m'entretenir avec Stanislas qui, à compter de ce jour, sera notre allié. Et pour des raisons qui me sont personnelles, je ne justifierais pas cette décision... En revanche, je suis ravie de noter ton agitation, attestant de ta loyauté. Merci d'être venue envers et contre tous, Andreas.
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L'Insurrection [En correction/PAUSE !!]
МистикаIrène de Lister fuit son peuple, ses ennemis et ses alliés. Prometteuse vampire et Protectrice, tombée sous le charme de Gabriel Hastings, puissant sorcier, elle avait tout pour devenir une immortelle extrêmement importante et influente ; mais elle...