Chapitre 15

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Irène dissimulait un nombre incalculable de secrets. A propos de l'Insurrection, de sa vie d'avant, de sa mère, et de la Trinité en générale, mais également et surtout elle protégeait quelqu'un. Quelqu'un qui ne méritait absolument pas ce traitement bien trop généreux. Gabriel. Malgré son désir d'enfin passer à l'offensive, la noiraude n'avait en aucun cas évoqué un assaut contre cet homme. Elle évitait fermement le sujet et parvenait systématiquement à détourner l'attention.

Néanmoins, Andreas incarnait la loyauté pure, mais savait aussi remarquer les écarts de la vampire. Il connaissait une poignée de vérités, mais se fondait dans les mensonges, inlassablement à la recherche de réponses concrètes. Notamment, il repensa à ce jour où Démettra avait émis cette insolite suggestion. Que se passerait-il si Jessy Horline était enceinte et avait accouché, avant son trépas ? Où se trouvait désormais l'enfant ? Mais, la question qu'il se posait le plus était évidemment comment Irène gérait cela. Surveillait-elle cette descendance de près ou de loin ? Ou, tout simplement, est-ce que ce neveu vivait encore ?

Il se persuadait que oui. Parce qu'un détail lui titillait l'esprit. Démettra avait mentionné un neveu, et non une nièce. Comment, alors que Jessy n'avait pas encore donné naissance, la blonde savait-elle le sexe de l'enfant ? Rien ne paraissait logique dans cette histoire, du début à la fin. Et Andreas commençait à fatiguer. Après cinq siècles à se soumettre totalement à Irène, à respecter son silence, les réponses étaient nécessaires.

- A quoi songez-vous pour vous retrouver dans un tel brouillard ?

L'Ambassadeur fit volte-face violemment, et Angelina sursauta innocemment, une moue désolée apparaissant sur son visage. Elle s'inclina - sûrement machinalement - et recula légèrement, présumant qu'elle le dérangeait. Souriant ne serait-ce qu'un peu, Andreas se dirigea avec sa vitesse surnaturelle vers la porte de la terrasse, et la verrouilla sous le regard perdu de la châtaine.

- Discutons un moment, imposa-t-il, de sa voix la plus délicate. Et tutoie-moi, s'il te plait. D'accord ? Nous nous sommes quand même embrassés, je suppose donc que les modalités sont surfaites.

Elle acquiesça lentement, les yeux baissés, et elle rejoignit timidement un fauteuil de bois installé en face d'un jardin. Andreas suivit le mouvement et souffla discrètement. Ce bébé - puisque c'est ce qu'elle était comparée à son âge - le mettait dans tous ses états. Une ancienne humaine, presque sortie de l'adolescence. Une pureté à briser, mais qui l'attirait terriblement. En fait, elle était en tout point son style physiquement, et son caractère naïf et candide appelaient ses ténèbres à se mêler à elle.

- Je songeais à Irène, admit-il, pratiquement sincère. Elle sommeille toujours, engloutie par les Enfers.

- Et croyez-vous que... Crois-tu qu'elle se réveillera bientôt ? J'ignore s'il s'agit d'une situation banale dans votre monde, mais je m'inquiète beaucoup de son état... Nous parlons de l'Enfer. Le vrai.

- Une entrevue privée avec le Tout-puissant, que les mortels nomment Diable, oui. Cependant, les créatures du Monde Obscur sont nés de son pouvoir, il nous accorde ainsi une certaine importance. Parfois, il offre des cadeaux. Comme le Daemonica aux Eston, des sorciers qui l'ont ensuite transmis aux Horline ; ou, comme des démons. La mère d'Irène en possédait un autrefois, et notre très chère amie insouciante souhaite aussi s'en approprier un... En réalité, je ne m'angoisse pas trop de sa survie. Le Tout-puissant la ramènera à la vie dans peu de temps. Il ne tue jamais ses enfants éternellement, au contraire. C'est pourquoi les Immortels détiennent le don de la jeunesse infinie. Toutefois, je crains énormément pour son mental. Afin d'obtenir un démon, il faut d'abord vendre une partie de son âme. Peut-être que son esprit ne tiendra pas le choc... Nous ne pouvons pas le prédire.

La novice paraissait confuse, elle comprenait tous les mots, mais ne saisissait pas leur poids. Elle avait encore du mal à concevoir que sa meilleure amie durant trois années de lycée se révèle être une des plus vieilles et puissantes vampires du monde, traquée par d'autres personnes aussi dominantes qu'elle. La voilà également transformée en ce qu'elle dénommait un monstre. De son point de vue, rien ne changeait. Elle n'utilisait ni sa force, si sa vitesse, puisqu'elle repoussait encore sa récente nature. Seule sa soif de sang pulsant dans les veines de tous les gens autour d'elle la dirigeait vers le monstre. Hormis cela, ni elle, ni Irène, et encore moins Andreas n'en étaient.

Andreas sentait ses doutes à des kilomètres. Depuis quatre jours, la noiraude se situait dans une morte temporaire parfaite ; et, depuis quatre jours, Angelina apprenait pas à pas à se comporter en vampire. Mais, depuis quatre jours, elle ne se nourrissait pas. Il la laissait faire, présageant qu'elle réclamerait du sang d'elle-même. Mais, quatre longs jours plus tard, elle ne quémandait rien du tout. Bien entendu, la châtaine s'affaiblissait à vue d'œil, mais elle ne semblait pas s'en apercevoir. Elle demeurait bloquée dans son existence de mortelle. Pauvre fille. Elle finira bien par comprendre.

- Nous n'avons pas réellement eu l'occasion de converser de sujets plus conventionnels tous les deux ! déclara subitement Andreas. J'exige de connaître l'intégralité des détails de ta vie. Dis-moi tout, et sans exception.

Elle apprécia l'apparente astuce pour lui divertir les pensées et elle le gratifia d'un sourire honnête. Sans lui et sans Stanislas qui s'occupait de tout à sa place, Angelina se sentirait particulièrement solitaire, voire abandonnée. Alors, elle désespérait de pouvoir remercier le blond convenablement. Un simple 'merci' ne suffirait pas.

- Eh bien, hasarda-t-elle, plus détendue, je ne me trompe pas en affirmant que ma vie était plate auparavant. Je proviens d'un milieu plutôt aisé, des parents stricts, mais que j'adore, et j'ai toujours consacré mon temps à mes études. Irène et Carline disaient que j'étais une psychopathe du travail, je révisais mes leçons chaque soir durant trois heures, et j'apprenais pour les interrogations deux semaines à l'avance. Je détestais prendre du retard ! rit-elle, se qualifiant de maniaque avec du recul. Malheureusement, je ne dépassais pas les seize de moyenne. Du coup, cela m'irritait et je traversais régulièrement des phases d'hésitation... Figure-toi, ajouta l'adolescente, un mine peinée la parcourant, que j'avais choisi le Louvre et la Sorbonne pour mes vœux... Et ils m'ont répondu positivement... Je regretterais sûrement cela le plus. 

L'Insurrection [En correction !!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant