L'Insurrection [En correction !!]

Chapitre 2

Voilà seulement une poignée de minutes qu'Andreas est rentré que les gardes royaux l'encerclent déjà. En tout temps, une atmosphère de terreur et d'oppression règne dans les Assemblées. Même en tant qu'Ambassadeur loyal depuis des décennies, nul ne lui fait confiance et il ne voue une confiance en personne d'autre que lui-même ; y compris en Irène qui, pour gagner une guerre, pourrait le sacrifier si elle juge la décision profitable pour le bien commun. Ainsi, il ne s'offusque pas de la présence de cette douzaine d'hommes en tenues de cuirs épais, capables de les défendre contre des morsures ou des griffes. Au cou, ils portent tous des pendentifs, protection contre les sortilèges basiques des sorciers. 

Ceux-ci ont donné et donné sans compter avant l'Insurrection. Parce que les sorciers aspiraient à la paix entre les races. Ils ont offert aux vampires de quoi se préserver de leur magie et de l'attaque constante du soleil ; aux lycans, ils ont proposé de renforcer leur génétique, les rendant trois fois plus puissants à l'apparition de la lune. Et puis, il y a eu ce funeste jour et la guerre n'a jamais cessé de se prolonger. Ils doivent probablement regretter leurs cadeaux qui les désavantagent et témoignent d'une tentative d'amitié révolue.

— Votre Éminence, le conseil de sa Majesté a pris fin. Elle vous réclame dans ses appartements.

Andreas opine vaguement de la tête. Si Grace – elle surtout, car son mari ne s'investit pas dans les affaires de l'Assemblée – prête une grande attention à faire couler la peur et la soumission dans les veines de chaque vampire, tout comme ses confrères et consœurs de l'Est et du Sud, c'est une réponse directe à la tyrannie d'Ethel. Il lui faut des sujets obéissants au risque que la Trinité soit mise au courant de conflits mineurs ou majeurs, d'ailleurs, et qu'elle se charge personnellement de châtier les coupables. Autrement dit, de massacrer, car elle ne connaît pas d'autres punitions, hormis la torture longue et fatale. 

Grace tient à ce que son Assemblée se soumette et s'incline à son pouvoir, mais aussi au pouvoir d'Ethel. Pour la sauvegarder de l'annihilation. Le Monde Obscur a bien conscience des risques d'une révolte. Des clans entiers de lycans ont été coupés en morceaux et éparpillés devant les portes de leur semblable ; des dizaines covens ont disparu, volatilisé, en cendres. Quant aux vampires, ils ont vite courbé l'échine et ont survécu de la sorte durant cinq cent ans. 

Andreas termine tout de même son occupation, c'est-à-dire de s'habiller correctement. Les gardes ont fait éruption dans sa chambre, en fracassant la porte, puisqu'il ne voulait pas l'ouvrir, et l'ont découvert nu. Pour Grace, pour l'Assemblée, il rentre d'un long voyage diplomatique à l'Est et il ne mentionnera certainement pas son arrêt en Angleterre, auprès d'Irène. Il s'est précipité naturellement vers Helsinki, avant de se rappeler de leur départ hâtif vers le continent européen, le menant tout droit au sud de l'Allemagne, dans un sublime château médiéval tout près de l'Autriche.  

Il a revêtu des habits qui, il le sait pertinemment, plairont à sa Majesté. Un pantalon de cuir moulant ses cuisses galbées, et cette chemise noire, ample, aux manches longues et bouffantes qui lui donnent un air de gentleman d'un siècle passé. Ne manquent que l'épée et le chapeau, et il pourrait jouer au pirate ou au mousquetaire. Grace aime l'ancien, le désuet ; elle vit encore dans ses souvenirs et ne s'adapte pas au monde moderne. Elle ne comprend rien à la technologie et a même éprouvé un certain soulagement à l'idée de travailler avec l'Ordre Blanc qui maîtrise bien mieux le sujet.

— Messieurs, je suis prêt.

Les gardes lui adressent une courbette polie et l'escortent jusqu'aux appartements de la Reine. Si Andreas hésitait à une époque, tâtonnait et s'inquiétait de ses rendez-vous privés avec Grace, il s'y est désormais habitué et ne ressent plus rien. À vrai dire, son cœur s'est fermé à tout. Tant que la guerre ne s'achèvera pas, il craint d'avoir perdu tout goût pour la vie. Celle-ci a la saveur de l'amer, du gâchis.