Prologue.

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— Bon sang ! Vas-tu enfin comprendre ce que je me tue à te dire ?

Je serre les dents violemment. Il me faut beaucoup de concentration pour retenir cette rage qui ne cherche qu'à s'échapper.

— Tu ne peux pas continuer à vivre de cette manière pour toujours, fils !

Putain.

Cette phrase me donne presque envie de vomir.

En l'espace de trois jours, j'ai déjà entendu son stupide discours une bonne dizaine de fois. Je commence à croire qu'il aime parler pour rien. Entre nous, autant qu'il ferme sa gueule.

— La vie ne se résume pas qu'aux fêtes, à l'argent et aux voitures de luxe !

Il fait les cent pas dans le salon et je sens que ça commence doucement à me monter à la tête. Cette expression inquiète sur son visage pue le faux à des kilomètres à la ronde. Père est si déterminé à m'emmerder qu'il ne remarque même pas que sa mascarade ne m'atteint pas. Ou, du moins, rien qu'un peu.

Je ne changerai pas pour lui, ni pour personne d'autre.

— Sais-tu, mon fils, que tout ça va bientôt prendre fin ? Quoi que tu puisses faire, le temps te rattrapera toujours !

Je crispe les poings près de mon corps. Il arrête d'arpenter la pièce et me regarde droit dans les yeux. Un immense sourire vient déformer son visage.

— Je viens de toucher une corde sensible, n'est-ce pas ? me nargue-t-il, satisfait. Quoi que tu fasses, le temps sera toujours là pour te rappeler toutes les choses auxquelles tu ne veux pas penser.

Mes muscles se contractent peu à peu lorsque je comprends où Père veut en venir. Je m'appuie encore un peu plus contre le mur.

— Tes responsabilités sont toujours là, fils ! Tu ne les vois pas mais elles attendent patiemment le moment venu pour venir te rappeler qui tu es ! Car, oui, ta vraie identité est quelque chose que tu ne pourras jamais effacer de ta vie ! Quoi que tu fasses, tu seras toujours le...

— Tais-toi !

La puissance de ma voix reflète bien ma rage intérieure. Je m'approche à grands pas de Père et lui fais face.

— Je n'en ai rien à foutre de tes responsabilités ! je hurle.

J'attrape le vase qui traîne sur la table près de moi et le lance contre le mur derrière Père, où il se fracasse en un grand bruit. Pourtant, ça ne me calme pas. Je ne ressens aucune satisfaction.

— Je n'ai jamais voulu de ces responsabilités ! C'est toi qui les as choisies pour moi !

Je respire bruyamment. Petit à petit, je sais que je vais perdre le contrôle mais je m'en fous complètement. S'il faut faire des dégâts pour se faire entendre, je suis prêt à me déchaîner.

— Tout ça, c'est à cause d'elle ! je crie, en pointant du doigt la vieille femme qui regarde la scène tranquillement assise sur un de nos fauteuils. Mais tu es trop con pour t'en rendre compte !

Père me regarde d'un air méprisant. J'ai envie de le gifler, de lui dire de se réveiller. La situation ne peut plus durer, il faut que quelqu'un agisse.

— Putain, elle se sert de nous ! De moi ! Elle utilise notre pouvoir, celui de notre famille, pour remplir ses propres intérêts !

Les murs commencent à trembler. Le sol à bouger. Le pot de fleurs qui se trouve près de la vieille manipulatrice explose ainsi que les cadres des tableaux accrochés un peu partout dans la pièce.

Mon visage est violemment projeté vers la gauche. Choqué, je masse la joue que Père vient de gifler. Il me regarde avec dégoût, à présent.

— Tu as peur, mon fils. Et quand tu as peur, tu es faible.

Je m'éloigne de lui. Ma mâchoire est crispée à cause du coup que je viens de recevoir. Je le fusille du regard mais ne trouve rien à répliquer. Je secoue la tête pour rejeter ses dernières paroles.

— C'est toi qui es faible... Tu resteras faible tant que tu continueras à l'écouter !

Je me dirige rapidement vers la porte mais je suis obligé de passer devant la vieille pour quitter la pièce. Lorsque j'arrive à sa hauteur, je ne me gêne pas pour la regarder de travers. Sa position m'écœure : ses jambes sont croisées et ses mains parfaitement manucurées sont posées dessus. Tout porte à croire qu'elle est parfaitement sereine dans sa tête et qu'elle vit très bien sa petite vie de manipulatrice.

— Tu ne peux échapper à ton destin, jeune homme, me lance-t-elle.

Je rigole.

— Mais je peux m'arranger avec la Faucheuse pour qu'elle vienne te chercher plus tôt, je réplique sèchement.

Père crie mon prénom et m'ordonne de revenir. Je ne l'écoute pas et franchis la sortie. Avant de refermer la porte derrière moi, j'entends une dernière chose :

— Il est trop tard pour changer le cours de ton destin. Le temps imparti vient tout juste de s'écouler.

Tu ne m'auras pas, vieille manipulatrice.

Je me retrouve seul dans le couloir. Un sourire aux lèvres, je fais un doigt d'honneur en direction de la porte en ignorant toujours Père qui me crie de revenir.

Ensuite, je parcours le long couloir et descends dans le garage. Je tire les clés de ma poche et monte sur ma moto. Je n'ai pas le temps de m'assurer que mon casque est bien attaché que je m'engage déjà sur la route.

Le paysage défile à une vitesse folle autour de moi. Je ne sais pas où je vais mais il faut que je parte de cet endroit au plus vite.

Je roule pendant plus de cinq heures non-stop. Je sais que j'ai parcouru la moitié du pays sans aucune raison valable. Pourtant, mon envie de m'éloigner ne disparaît pas mais, au contraire, me pousse à aller encore plus loin.

Avide de vitesse, je dépasse tous les véhicules de l'autoroute sans me préoccuper de savoir s'ils me voient arriver ou pas. Soudain, mon instinct me force à prendre la prochaine sortie avec une telle puissance que je manque de me faire renverser de justesse par un camion. Une insulte fleurit dans mes pensées.

Un itinéraire s'affiche alors clairement dans ma tête. Bizarrement, je connais toutes les petites routes que j'emprunte même si je ne suis jamais venu dans cet endroit. Cette étrange expérience continue pendant de longues minutes avant que je ne me gare au milieu de nulle part.

La fin de mon trajet.

Je passe une main dans mes cheveux en essayant de comprendre pourquoi mon inconscient m'a forcé à venir dans cet endroit bruyant et laisse échapper un soupir exaspéré entre mes lèvres entrouvertes. Je tente d'examiner avec plus d'attention les lieux mais mon regard est attiré par une silhouette au loin, une silhouette familière qui ravive de puissants souvenirs au fond de moi.

Et là, je sais tout.

Il me faut une seconde pour me rendre compte que je ne suis pas venu ici par hasard. Il m'en faut deux de plus pour comprendre que mon destin s'apprête enfin à me pourrir la vie et que c'est cette personne à l'horizon qui va me faire courir à ma perte.

Un éclair de génie traverse subitement mon esprit. Je sens la résignation et le désespoir disparaître de mon visage. La revanche et l'ambition viennent les remplacer à travers un rictus méchant quand je réalise que je suis prêt à aller à l'encontre de mes responsabilités pour échanger son corps sans vie contre ma liberté.

Que je suis prêt à la laisser mourir, puis à abandonner son corps sans vie sur le sol juste pour obtenir le privilège de mener mon existence comme je le souhaite.

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant