Chapitre 19. « La seule à n'être jamais venue »

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 ~ Leah ~

Papa gara le vieux tacot familial entre deux voitures de sport rutilantes. Dans cet endroit, nous avions vraiment l'air d'être de parfaits prolétaires, de misérables individus ayant perdus leur chemin, et perdre son chemin à ce point-là en devenait presque un crime contre l'humanité. Je n'avais définitivement pas ma place dans cette académie.

Tout ici paraissait hors de prix ou bien démesuré ! Toute personne normale aurait dû prendre le temps d'admirer ce merveilleux décor, d'en savourer chaque détail parce que cela n'était pas donné à tout le monde de pouvoir assister à une telle démonstration de richesse mais, moi, à la place, j'étais parcourue de spasmes, incapable de me confronter à toutes ces choses qui me faisaient prendre conscience de ma différence. Je me mordis la lèvre et agrippai mes cuisses si fermement que les jointures de mes mains devinrent toutes blanches.

Allez, Leah, reprends-toi !

Après avoir réussi à calmer ma respiration, les tremblements qui parcouraient mes membres s'atténuèrent peu à peu jusqu'à pratiquement tous disparaître. Toutefois, je gardais malgré tout un œil sur mes parents car je ne voulais pas qu'ils me voient dans cet état-là et qu'ils s'inquiètent davantage à mon sujet. Je les observai quelques instants, me rendant brusquement compte que cela était mes derniers moments avec eux avant une très longue période.

Je suis ici et je vais y rester, alors autant commencer à m'y habituer et à arrêter de me plaindre.

Pour le moment, cela était beaucoup plus facile à penser qu'à mettre à exécution.

Puis, le moteur de la voiture fut coupé et, en un coup de vent, mes parents sortirent du tacot et se mirent en tête d'enlever tous mes bagages du coffre. Quant à moi, ma main était placée sur la poignée de la portière mais ne semblait pas pouvoir se résoudre à l'ouvrir et à affronter ce nouvel univers qu'était l'Union des Dons. D'un coup, la portière s'ouvrit et je découvris Papa debout devant moi, mon bras toujours tendu vers l'endroit où s'était trouvé la poignée de la porte.

— Si mademoiselle Curtiss veut bien se donner la peine... déclara-t-il, me faisant signe de sortir.

Je déglutis péniblement à cette simple pensée. J'allais devoir sortir de mon cocon pour m'exposer à la vue de tous ces inconnus blindés d'argent, alors que je venais d'une famille qui n'en avait pas. Le simple fait d'imaginer autant de regards rempli de jugement posés sur moi me donnait des frissons. Pourtant, je sortis malgré tout de la voiture. Au moment où je posais un premier pied dehors, toutes les pensées négatives qui s'étaient agitées dans mon esprit avaient disparues, remplacées par un profond silence. J'aurais presque pu croire que j'étais seule au monde, que je n'avais plus aucune crainte, et ça ne s'était pas produit depuis très longtemps.

La Leah craintive était restée dans la voiture avec toutes ses pensées négatives, maintenant il était temps de laisser place à la Leah forte et sûre d'elle qui s'apprêtait à découvrir le monde de l'Union des Dons.

« Tête haute, sourire fier et démarche assurée : voilà la clef de la réussite. »

Une inspiration et une expiration, pas plus.

Ma nouvelle vie peut enfin commencer.

Sans dire un mot, je suivis mes parents qui, bizarrement, semblaient se repérer dans ma nouvelle et très mystérieuse nouvelle école. Du moins, Papa paraissait savoir où se diriger, Maman se contentait simplement de le suivre, lançant des regards émerveillés autour d'elle et détaillant avec attention l'architecture de l'endroit comme si elle n'avait jamais rien vu d'aussi beau de toute sa vie. Les paroles de Grand-mère résonnèrent presque instantanément dans mon esprit :

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant