Chapitre 37. « Le droit à l'erreur »

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~ Liam ~

— Je ne t'aurais jamais cru capable de faire un tel pari, lâcha brusquement Evans tout en soulevant une haltère au-dessus de sa tête.

— Je te rappelle que quelqu'un s'est joint à moi en espérant pouvoir disposer de toi à sa guise pendant une semaine entière, hein.

Entre deux pompes, je sentis mes lèvres s'étirer pour former un sourire.

— Azura ne recule devant rien, n'est-ce pas ? soupira mon meilleur ami, essuyant la transpiration sur son front du revers de la main.

Un instant plus tard, nous rigolâmes de bon cœur.

Je ne connaissais pas vraiment cette fille mais, d'après ce que m'avait raconté Evans, elle éprouvait de flagrantes difficultés à dissimuler ses sentiments grandissants pour son mentor. À vrai dire, je ne savais pas vraiment si le manque de discrétion d'Azura ennuyait ou pas Evans, qui parlait un peu trop souvent de cette histoire pour y être véritablement indifférent. Pourtant, je l'avais assez fréquenté dans ma vie pour être certain d'une chose : mon meilleur ami n'aurait changé d'élève pour rien au monde.

Une fois que j'eus atteint mon quota de pompes quotidien, je me relevai du sol et pris place sur un banc de musculation près d'Evans, qui soulevait toujours de la fonte. Son expression était redevenue sérieuse, ce qui ne présageait rien de bon.

— Tu n'aurais pas dû faire ça à Leah, déclara-t-il au bout de quelques secondes. Elle n'est pas comme toutes ces filles qui rêvent d'un regard de toi, Liam.

Et putain qu'il y en a beaucoup...

Les os de mes poings craquèrent bruyamment, dérangeant le silence de la salle. Mon regard se fit plus dur, rempli d'une colère qu'avait provoqué ses reproches.

— J'ai essayé d'être raisonnable, de me maîtriser en sa présence, tu sais, mais elle ne fait que de jouer avec mes nerfs en se mettant toujours dans des putains de situations merdiques ! Et tu sais à quel point je déteste quand...

— Est-ce que ce ne serait pas plutôt le contraire, Liam ? me coupa mon meilleur ami, reposant en un grand bruit sur le sol l'haltère qu'il utilisait. Réfléchis un instant et demande-toi si ce n'est pas toi qui joue avec ses nerfs depuis qu'elle est arrivée à l'Union des Dons.

J'eus un mouvement de recul, comme si ses paroles étaient parvenues à me gifler le visage.

— Répète ce que tu viens de dire.

— Je disais, répéta Evans tout en faisant attention à planter ses yeux dans les miens, que je pense que tu es celui qui joue avec les nerfs de Leah, profitant de ton statut et de ta réputation dans l'académie pour la dominer et t'amuser encore et encore avec elle jusqu'à ce que tu sois satisfait. Je ne sais pas si tu le fais consciemment ou si c'est simplement ton caractère de merde qui te pousse à faire n'importe quoi mais je te conseille d'arrêter eu plus vite parce que, si tu continues tes conneries, tu vas finir par la briser et tu vas finir par tout foutre en l'air pour de bon.

— Parce que je suis censé rester de marbre pendant qu'elle débarque à l'Union des Dons, pendant qu'elle débarque pour tout foutre en l'air dans ce monde qui est le mien, c'est ça ? criai-je, à bout de nerfs.

— Tu réagis vraiment comme un gamin. Est-ce que tu t'écoutes parler, Liam ? Merde, quand vas-tu te rendre compte qu'il y a des choses beaucoup plus importantes que ton petit bien-être personnel ? Pourquoi est-ce que tu t'acharnes à toujours tout rapporter à toi, même après toutes ces années ? Tu devrais avoir compris au bout d'un moment, putain !

Je crispai ma mâchoire avec rage et écrasai mon poing contre ma cuisse. Seulement, je ne tardai pas à entendre mon rire résonner dans ma salle de musculation privée.

— Parce que tout se rapporte à elle, hein ? Ah oui, c'est vrai, j'avais presque oublié que le bonheur des autres est plus important que le mien, fis-je remarquer avec sarcasme.

Evans me dévisagea en silence, secouant subtilement la tête de gauche à droite comme s'il n'arrivait pas à croire que je persistais à prononcer ces fichues paroles alors que nous savions pertinemment tous les deux que leurs implications étaient vouées à l'échec, que mon rêve le plus cher ne se réaliserait jamais.

— Tu sais, ce qui m'énerve le plus dans tout ça c'est que vous pensez systématiquement que je veux faire le mal autour de moi, déclarai-je plus calmement, quelques secondes plus tard, en me concentrant sur mes doigts crispés sur mes genoux. Vous supposez toujours que mes actions sont faites dans le seul but de nuire à mon entourage. Mais c'est faux. C'est complètement faux et, pourtant, vous continuez à penser de cette manière.

Je levai mes yeux jusqu'à rencontrer le regard d'Evans.

— Je n'ai pas fait ce pari pour humilier Leah, loin de là. Tu dis que je vais la briser mais elle était déjà brisée bien avant de mettre les pieds à l'Union des Dons, tu sais. Ce que j'ai vu dans sa tête... je peux t'assurer que je ne le souhaite à personne, même pas à mon pire ennemi. Durant toutes ces années, elle était toute seule et elle vivait, plongée dans un cauchemar, sans oser demander de l'aide à qui que ce soit. Même encore aujourd'hui, je suis sûr qu'il y a des jours où il lui arrive de faire semblant d'aller bien alors que, au fond d'elle, tout s'effondre.

Je déglutis avec difficulté avant de poursuivre.

— Je suis d'accord avec toi sur un point, Evans : il m'est très certainement arrivé, de nombreuses fois, de lui faire du mal sans m'en rendre compte parce que je suis trop con pour savoir comment me comporter convenablement avec les personnes qui m'entourent mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas changer. Tu vas probablement avoir du mal à me croire mais le but de ce pari, que je savais que j'allais gagner, est d'aider Leah à se sentir mieux parce que personne n'a jamais été là dans le passé pour l'aider quand elle en avait le plus besoin.

— Tu n'as pas à faire tout ça, Liam, tu n'es pas responsable de ses malheurs. Et puis, je ne pense pas...

Evans ne termina pas sa phrase, se grattant nerveusement la nuque à la place. Je ne me gênai pas pour pénétrer de force dans son esprit pour voir ce qu'il ne souhaitait pas me dire. Un poids me tomba dans l'estomac lorsque je trouvai l'information qui m'intéressait.

« Et puis, je ne pense pas que tu sois la bonne personne pour aider Leah à se sentir mieux »

Je fixai mon meilleur ami, qui se tenait mal-à-l'aise devant moi, espérant qu'il développerait sa pensée mais il resta désespérément silencieux. La lourdeur dans mon ventre sembla s'épanouir un peu plus au fond de moi.

Ne supportant plus son mutisme, je m'apprêtais à me lever pour sortir de la pièce quand il me retint en posant sa main sur mon épaule. Toute trace d'embarras avait disparu de son visage, remplacé par l'un de ses sourires remplis de joie et d'enthousiasme dont lui seul avait le secret.

— Vas-y doucement avec Leah, d'accord ?

J'hochai la tête et mon meilleur ami me donna une tape dans le dos, comme pour marquer ses paroles et me faire comprendre que je n'avais pas le droit à l'erreur. 

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant