Chapitre 59. « Rouge sang »

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~ Leah ~

Ce n'est pas possible, je dois être en plein cauchemar.

Jay ne peut pas nous avoir emmenés dans un tel endroit sans savoir où il mettait les pieds.

Mon cœur tambourine avec puissance contre ma poitrine au fur et à mesure que les étudiants tapent de plus en plus fort sur le sol des gradins. Chaque vibration se répercute dans chaque centimètre de mon corps et me fait prendre conscience que, si j'étais bien dans un rêve, je me serais déjà réveillée.

Des cris d'impatience retentissent de part et d'autre de là où nous sommes mais mes yeux restent braqués sur le ring qui est placé au centre de la salle. Sa couleur rouge sang est la seule chose qui accapare mon entière attention.

— Voilà celui que vous attendez tous depuis une éternité... celui qui est parti de la scène pour mieux y revenir... Dieu !

Il me semble avoir complètement oublié de respirer au moment même où il pénètre sur le ring, là où son adversaire l'attend déjà. La foule d'étudiants se lève d'un coup et nous sommes si serrés les uns des autres que je suis forcée de faire pareil. L'alcool coule à flot dans la salle mais j'ai décidé de ne pas en boire une seule goutte pour me concentrer sur ce qui m'attend.

Le présentateur s'apprête à reprendre la parole mais Dieu se jette comme une bête sauvage sur le pauvre garçon qui pensait avoir une chance de le battre.

Quelle naïveté, putain.

La clameur des spectateurs augmente d'un niveau à chaque fois que son poing touche son adversaire. Ce dernier ne semble même pas comprendre ce qui lui arrive. Il encaisse, subit, encore et encore, sans avoir la moindre opportunité de riposter face à son rival.

Mes yeux sont dardés sur ses bras qui font des va-et-vient à une vitesse effrayante contre le corps du garçon qui ne tient déjà plus debout. Il le maintient sur ses pieds avec une main sur sa gorge tandis que l'autre frappe, frappe, frappe tout ce qui pénètre dans son champ de vision sans arrêter un instant pour ne serait-ce que reprendre son souffle.

Son regard est celui d'un chien enragé qui a pour unique but de déchiqueter autant que possible. Le sang gicle de la bouche, du torse, de l'arcade sourcilière, de l'ego de son ennemi avec une telle pression que cela me donne presque envie de vomir à mes pieds ce que j'ai mangé pour le déjeuner.

Il n'est pas lui-même, je ne vois pas d'autre raison pour expliquer ce carnage...

D'un coup sec, il le balance à l'autre bout du ring et je vois la tête de son piètre compétiteur percuter le sol en un grand bruit sourd qui résonne dans la salle malgré le brouhaha ambiant. Il n'a qu'à faire quelques enjambées pour s'agenouiller près du corps qui git avec une immobilité de cadavre.

Ma respiration ne se fait plus que par à-coup lorsque je vois qu'il n'arrête pas son massacre mais qu'il le poursuit encore plus violemment qu'auparavant. Les jointures de ses mains sont rouges de sang mais cela ne le dissuade pas de continuer son spectacle macabre. Je le regarde hypnotisée par la violence dont il fait preuve tandis qu'il empoigne la tête de son adversaire pour la cogner contre le sol, lorsqu'il ne la frappe pas de son poing ensanglanté.

Il s'en prend à lui comme s'il s'en prenait à lui-même.

Incapable de supporter ça plus longtemps, je dirige à présent mon attention sur les perles de sueurs qui coulent de son dos dénudé mais aussi de ses tempes. Je suis à plusieurs mètres de lui, je ne suis pas la plus proche du ring, loin de là, mais je peux voir chaque détail qui le compose comme si j'étais à deux pas de lui et que je pouvais le toucher rien qu'en tendant la main.

La froideur qui s'échappe de son être me glace tout entière. Il s'arrête une seconde de fracasser son ennemi en mille morceaux pour jeter un regard dans l'audience qui est au comble de l'extase. Ses yeux aciers plongent un instant dans les miens. Ils sont noirs d'obscurité, de haine, de honte, de tout.

Une seconde plus tard, comme si de rien n'était, il reprend son carnage, me laissant complètement à bout de souffle.

Je n'aurais jamais laissé ce Liam-là me toucher.

Je sens mes mains qui commencent à trembler de panique et il ne me faut pas longtemps pour que je devienne incapable de les contrôler. De me contrôler.

Peut-être qu'il a toujours été comme ça, au fond de lui, mais qu'il ne me l'a jamais dit.

Peut-être qu'il a toujours été comme ça et qu'il ne me l'a jamais dit parce que depuis le début il n'a fait que me mentir.

Mes jambes se débattaient dans la couette lorsque je rouvris les yeux après cet affreux cauchemar. Un moment passa durant lequel je repris mes esprits et tentai de me calmer du mieux que je le pouvais. Néanmoins, c'était plus fort que moi : je sentais toujours ses yeux vides de toute émotion sur moi, capables de disséquer chaque parcelle de mon âme.

C'est juste un rêve, Leah, juste un rêve.

Brusquement, je me redressai dans le lit et rabattis les couvertures loin de mes jambes car j'avais incroyablement chaud. Au même instant, je vis la porte de la chambre s'ouvrir à travers la semi-obscurité, révélant un Liam en boxer violet foncé. Avant son entrée, mon état était si paniqué que je ne m'étais même pas rendue compte que j'étais complètement seule dans la pièce.

Des frissons parcoururent ma peau, souvenirs encore palpable de mon cauchemar, tandis qu'il s'avançait vers moi pour venir s'allonger à mes côtés. Je remarquai immédiatement ses traits tirés, comme s'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Je n'eus pas le temps de l'observer davantage qu'il me prit dans ses bras pour me réconforter. La chaleur de sa peau contre la mienne me rassura tout de suite et le doux baiser qu'il planta sur mes cheveux me fit fermer les yeux.

— Rendors-toi, princesse, chuchota-t-il de façon presque inaudible, la voix tremblotant légèrement dans mon oreille. Je suis là, tu n'as rien à craindre. Je te protègerai toujours.

Pourtant, un mauvais pressentiment ne cessait de me tirailler le ventre, me ramenant encore et toujours à ce ring maculé de sang, à ces hurlements d'encouragement et à ces yeux voilés de haine qui plongeaient dans les miens avec une honte qu'il était incapable de me cacher.

Liam resta près de moi tout le temps qu'il me fallut pour me rendormir et il me sembla que ses doigts caressèrent mes cheveux durant une éternité. Toutefois, ses caresses ne furent pas suffisamment rassurantes pour arrêter les tremblements qui me parcouraient à chaque fois que je sentais sa main s'approcher pour me toucher, à chaque fois que le visage de la personne de mon cauchemar refaisait son apparition dans mes pensées pour venir se superposer au sien.

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant