Chapitre 23. « Je ne suis pas prêt »

3K 313 19
                                    

~ Liam ~

Putain de merde.

Je rejetai violemment le drap sur le sol et je dus me retenir de balancer à travers la pièce la première chose qui me passait sous la main par la même occasion. D'un geste empli de rage, je balayai du revers de la main la fine pellicule de sueur sur mon front. J'avais bataillé avec moi-même pendant plus d'une heure mais, sans que je ne puisse me l'expliquer, j'étais incapable de trouver le sommeil, alors même que j'avais usé mille et un stratagèmes différents pour y parvenir. J'avais même débattu avec ma conscience pendant une dizaine de minutes pour savoir si m'assommer la putain de tête contre le mur allait enfin me permettre de dormir, avant de me rendre compte qu'arriver à une telle extrême n'était pas nécessaire et que je devais apprendre à faire confiance à mon corps. Si ce dernier ne voulait pas rejoindre les bras de Morphée, c'était bien qu'il avait une bonne raison de me garder éveillé.

Alors, pourquoi ne se contentait-il pas simplement de me la dire ?

Serrant la mâchoire, je me levai de mon lit et entrepris de faire les cent pas dans ma chambre tout en réfléchissant à la situation. Au bout d'un moment, je dus me rendre à l'évidence que mon inconscient ne désirait pas lâcher le morceau alors je décidai, tout simplement, d'abandonner mes recherches et de faire quelque chose d'utile jusqu'à ce que cette impression étrange qui m'empêchait de m'endormir disparaisse pour de bon.

Je quittai ma chambre, montai à l'étage et pénétrai dans la salle que j'utilisais lorsque je ressentais le besoin de me défouler le plus rapidement possible, fermant le verrou de la porte derrière moi. J'allai machinalement chercher mes bandages pour les mains et mes gants sur la table à ma gauche. Lorsque je me retournai vers le centre de la pièce, un punching-ball me faisait face. Je n'avais pas allumé la lumière en entrant, la lune éclairant suffisamment à travers les volets à moitié fermés et créant une ambiance particulière, ce qui semblait accentuer le fait que toute cette situation était anormale. Je ne m'y intéressais pas plus que nécessaire, préférant attaquer directement les choses sérieuses.

Je n'avais pas besoin de regarder mon téléphone pour connaître l'heure, mon horloge interne m'apprit qu'il était une heure quarante du matin lorsque je me mis à frapper dans le sac de sable. Je n'avais pas l'habitude de me dépenser aussi tard, ou bien aussi tôt, dans la journée mais, à ce moment-là, cela me semblait être l'unique solution raisonnable pour, à la fois, passer le temps et me fatiguer. Par conséquent, je ne vis pas les minutes défiler tandis que je tapais, tapais et tapais encore aussi fort que je le pouvais, comme si cela pouvait me distraire de mes pensées.

Tout à coup, je fus incapable de rester concentré sur le sac de frappe, lançant de plus en plus souvent des coups d'œil vers la fenêtre en face de moi qui donnait sur la forêt du quartier des Dangereux. Malgré moi, toutes mes pensées étaient tournées dans cette direction mais je ne voulais pas céder à cet instinct étrange qui me gagnait et qui me poussait à m'y rendre pour voir ce qu'il s'y passait. Je savais pertinemment que je n'avais rien à faire là-bas et je ne voulais pas céder à ce comportement irrationnel qui paraissait essayer de prendre doucement possession de moi. Cependant, j'avais l'impression que, dans une certaine mesure, cette fichue forêt m'appelait. Dommage pour elle, je n'avais pas la moindre intention de répondre à son appel.

L'élève le plus puissant de l'Union des Dons ne se laisse pas contrôler aussi facilement.

Je secouai la tête de gauche à droite pour reprendre mes esprits et me remis à taper dans le punching-ball. Quand mon poing entra en contact avec le sac de sable, une impressionnante douleur me paralysa le bras, si forte et si soudaine que je manquai de perdre l'équilibre. Je tentai d'éteindre cette souffrance mais, sans savoir pourquoi, j'en fus incapable. Une seconde plus tard, mon cœur se mit à battre étrangement vite au fond de ma poitrine et mes mains se mirent à trembler nerveusement. J'arrachai presque mes gants de boxe de mes poignets et les jetai violemment à travers la pièce. Quelques secondes plus tard, mes jambes furent, elles aussi, parcourues de spasmes incontrôlables et je tombai à genoux au milieu de la pièce.

Je pris ma tête dans mes mains tremblantes et baissai la tête vers le sol pour essayer de me concentrer et de me raccrocher à quelque chose de clair et distinct dans mon esprit mais cela ne fit que me donner un affreux mal de crâne.

Putain, putain, qu'est-ce qui m'arrive ?

Puis, je compris. J'avais déjà ressenti des émotions aussi foudroyantes et aussi puissantes par le passé, plus précisément durant l'examen d'entrée quand elle était passée devant les membres du jury. Réaliser une telle chose ne fit qu'accentuer la pression de mes doigts agités sur mes tempes.

Non, non, non, je ne suis pas prêt pour ça.

Je tentai de me relever mais perdis de nouveau l'équilibre. Mon corps ne me répondait plus, monopolisé par cet appel que j'essayais de repousser coûte que coûte. Des frissons parcoururent ma peau et, sur le coup, je crus que la température avait chuté de plusieurs degrés. J'avais presque l'impression de pouvoir sentir mon sang se glacer dans mes veines. Je fus rapidement pris d'une toux, comme si mes poumons refusaient l'oxygène que je leur offrais.

Et si... ?

Une vision d'horreur apparut dans mes pensées. Instantanément, je puisai dans mes dernières forces et rampai quasiment jusqu'à la fenêtre. Avec difficulté, je réussis à me mettre debout et, lorsque je m'agrippais au rebord de la vitre, les volets se relevèrent d'un coup sec. J'ouvris frénétiquement et passai la tête par l'ouverture, où une bouffée d'air frais me gifla le visage. Mes yeux cherchèrent pendant une bonne dizaine de secondes quelque chose d'inhabituel dans les alentours, tentant de capter un détail spécifique dans l'obscurité, en vain.

Et là, plus rien.

Mon état était redevenu normal, comme si j'avais imaginé tout cela.

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant