Chapitre 44. « Le liquide étranger »

2.7K 287 31
                                    

~ Leah ~

Nous fîmes notre entrée dans le bâtiment hospitalier de l'Union des Dons quelques minutes plus tard. En silence, nous rejoignîmes calmement la salle de soin qui m'était assignée. Plus je me rapprochais de celle-ci, plus je me sentais devenir anxieuse. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre avec cette injection d'élixir et c'était probablement ce qui me stressait le plus.

Du coin de l'œil, je détaillai Liam. De toute évidence, il avait déjà reçu son injection d'élixir comme c'était le cas pour tous les étudiants qui avaient été en première année. Par conséquent, il était la seule personne qui était à même de me rassurer, à cet instant-là.

— Comment c'est ? Est-ce que ça fait mal ? L'injection, je veux dire... bégayai-je lamentablement, mon anxiété prenant visiblement de plus en plus ses aises dans mon organisme.

L'intéressé sembla hésiter à me répondre, se passant nerveusement une main dans les cheveux tout en fixant ses chaussures. Lorsqu'il se décida à me donner une réponse, les mots paraissaient avoir été choisi avec soin. Si l'on tendait l'oreille, on pouvait clairement percevoir ce manque d'assurance dans sa voix qui n'arrivait strictement jamais.

— Disons que ça a été rapide et indolore. Je ne sais pas ce qu'on t'a raconté à ce sujet mais il n'y a vraiment pas de quoi se taper le cul par terre, en gros.

Je fronçai les sourcils. Son explication ne me rassura pas du tout et je fis de mon mieux pour le lui cacher. Nous arrivâmes au même moment devant la salle. Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, Liam m'annonça qu'il allait m'attendre patiemment dans le couloir jusqu'à ce que mon injection soit terminée et, pour ne pas rester plantée devant lui comme une idiote, je me forçai à passer la porte malgré mon mal de ventre grandissant.

La pièce dans laquelle je pénétrai était très simple tout en étant finement décorée. Un lit d'hôpital était collé contre le mur en face de moi, près d'une grande fenêtre donnant sur un charmant petit parc. Une table de chevet était installée à côté du matelas avec un magnifique vase posé dessus, contenant un bouquet de roses. Un nombre impressionnant de seringues étranges disposées de façon organisée était posé sur une table à roulettes qui se trouvait non loin de là. Malheureusement, la tapisserie de couleur rose pâle ne réussit pas à m'apaiser.

Deux jeunes infirmières, une grande rousse avec d'incroyables yeux verts et une blonde au teint mat et aux cheveux courts crépus, en blouses blanches m'accueillirent chaleureusement à mon entrée. Après avoir refermé la porte derrière moi, je pris timidement place sur le lit sans prononcer un mot. En se rendant compte que je n'en menais pas large, la rousse tenta de me changer les idées en me demandant quelle était la nature de mon don tandis que l'autre infirmière s'occupait de préparer mon injection d'élixir. À contre-cœur, je lui répondis et la vis presque instantanément se raidir, ne s'attendant probablement pas à découvrir qu'un don tel que le mien pouvait exister. Pourtant, la seconde suivante, elle m'offrit un grand sourire sincère et me donna une petite tape sur le bras, comme pour me dire que je n'avais pas à avoir honte de ce que j'étais capable de faire.

Très rapidement, l'injection fut prête. Je tendis mon bras devant moi pour que l'infirmière blonde puisse facilement trouver une veine. L'autre infirmière continuait de me parler pour m'occuper, me disant que tout allait bien, que ça allait seulement durer une minute ou deux. À vrai dire, je ne l'écoutai que distraitement, hochant timidement la tête pour lui faire croire que j'étais attentive à ses propos. Tous mes sens étaient aiguisés au maximum, étrangement à l'affut de tout et n'importe quoi. Par exemple, du coin de l'œil, je pus me rendre compte que le liquide dans la seringue était transparent mais avec de légers reflets violets, le tout parsemé de paillettes dorées. Il fallait avouer que l'élixir était magnifique, toutefois, en le voyant, on aurait pu se croire dans un fichu conte de fée. Je rigolai mentalement en réalisant que Liam aurait été capable de dire ça. Je ne tardai pas à comprendre que l'anxiété s'amusait à mettre le chaos dans mes pensées.

Avant même que je ne m'en rende compte, l'aiguille fut plantée dans mon bras. À cet instant précis, j'eus alors l'étrange sensation d'être capable de sentir le liquide se répandre tout doucement en moi. Puis, l'aiguille fut retirée et éloignée de mon champ de vision aussi vite qu'elle était apparue, concluant ainsi mon injection d'élixir. Tout en me redressant sur le lit, je ne pus m'empêcher de me moquer mentalement de moi-même et de la froussarde que j'étais.

— Comment vas-tu ? me demanda gentiment l'infirmière rousse en me regardant attentivement. J'espère que tu n'as pas trop mal.

— Je vais très bien. En fait, je n'ai pas mal du tout.

— Tout est parfait, dans ce cas.

Elle m'accorda un dernier sourire encourageant avant de s'éloigner vers sa collègue pour l'aider à ranger. Je baissai alors mes yeux sur mes poignets et remarquai immédiatement que mes veines étaient particulièrement visibles sous ma peau, bien plus que d'ordinaire. En les regardant avec davantage d'attention, j'eus l'impression de pouvoir voir un liquide les traverser. Puis, leur couleur habituellement verte-bleutée changea subitement de teinte sous mon regard stupéfait. Incrédule, je suivis des yeux la progression de l'élixir dans mon organisme, transformant complètement l'aspect de mes veines par la même occasion. Elles étaient devenues violettes avec des reflets discrets, exactement comme le liquide de la seringue. Mon corps tout entier se raidit pendant que je me demandais si je n'étais pas en train de rêver tout éveillée. Seulement, ce n'était pas une hallucination mais bien la stricte réalité.

Pendant de nombreuses secondes, je fixai avec terreur l'élixir courir dans mes veines, les laissant violettes avec des reflets dorés sur son passage. Soudain, je le sentis me frapper de plein fouet. La douleur me fit tomber en arrière sur le matelas, le souffle totalement coupé. D'un coup, il me sembla que mon corps avait cessé d'être le mien, comme si ce dernier essayait de combattre par lui-même l'élixir qu'on avait fait pénétrer de force dans mon organisme et qu'il avait eu besoin de me jeter loin de là pour pouvoir agir. J'avais l'impression de ne plus être qu'une conscience piégée dans un corps qui bougeait contre ma volonté.

La seconde suivante, j'étais quasiment en train de convulser sur le petit lit, mes jambes frappant et battant avec une force inouïe dans le vide. Les larmes coulaient à flot sur mon visage et j'étais si paniquée que je ne parvenais plus à me rappeler comment m'y prendre pour respirer. Mes doigts griffaient les draps avec un tel acharnement que je réussis à me retourner plusieurs ongles. Une sensation de froid intense s'empara brusquement de mon corps, me faisant trembler de manière hystérique. Un horrible gémissement de douleur s'échappa de mes lèvres entrouvertes.

À cet instant précis, j'aurais été capable d'accepter la mort rien que pour faire cesser l'épouvantable souffrance qui détruisait mon être petit à petit.

Dans un ultime élan de désespoir, j'hurlai la première chose qui me vint à l'esprit :

— LIAM !

Mon hurlement résonna avec puissance dans la pièce et mon mentor défonça pratiquement la porte pour entrer. Mes yeux lui lancèrent un regard désespéré, l'implorant en silence de faire quelque chose pour me venir en aide. Lorsqu'il posa ses yeux sur moi, il s'immobilisa d'un coup, le visage aussi blanc que les draps du lit.

La dernière chose que je vis avant de perdre connaissance fut l'expression complètement désorientée et désemparée de Liam tandis qu'il se jetait dans ma direction pour me rejoindre. 

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant