Chapitre 18. « Le privilège de ne pas en avoir »

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~ Liam ~

Ma mâchoire, que je contractais déjà machinalement depuis le début de la matinée, commençait à me lancer pour de bon, une chose qui m'énerva encore plus et me poussa à davantage serrer les dents, ce qui n'arrangea pas le moins du monde la situation.

Planté devant le miroir de ma chambre, j'avais beau détailler encore et encore mes cheveux blonds, mes yeux aciers ou même ma bouche de sale petit con mais rien n'avait changé chez moi, seule l'atmosphère dans laquelle je vivais s'était étrangement modifiée ces derniers jours. Ma nouvelle activité favorite était de passer mes journées entières à me creuser la tête à chercher la raison à tout cela, tout en sachant pertinemment que je me voilais la face et que je connaissais déjà cette raison au plus profond de moi, le seul problème étant que je ne voulais pas me l'avouer.

Un bruit à la porte me tira de mes pensées. Je n'avais pas besoin de me retourner pour deviner que mon meilleur ami, Evans, se trouvait à l'entrée de ma chambre.

— Comment est-ce que tu te sens, mon vieux ? me demanda-t-il, une pointe d'inquiétude dans la voix.

Comment est-ce que je suis censé me sentir ?

J'aurais aimé que quelqu'un m'éclaire sur la question. Dans tous les cas, je m'étais réveillé aux aurores, conscient que Morphée ne voulait pas de moi, puis avais passé trois heures dans la salle de sport à taper dans un putain de sac de sable avant de perdre une éternité à me lamenter sur le temps qui s'écoulait trop vite et que j'étais incapable de rattraper, même avec la meilleure volonté. A priori, non, je ne pouvais pas affirmer que j'allais bien.

— Bien sûr que je vais bien, pourquoi est-ce que ça n'irait pas ? répliquai-je du tac au tac, sachant parfaitement qu'il n'aurait aucun mal à comprendre que je lui mentais.

— Tu as de la chance parce que je commence à avoir du mal à rester serein... Est-ce que tu as déjà fait ton choix ?

Je m'arrachai à la contemplation de mon reflet dans le miroir pour lui faire face. Evans était entré dans ma chambre pendant que j'avais le dos tourné et me montrait à présent du bout du doigt la pile de feuilles agrafées sur mon bureau. Grâce à mes nombreux talents, j'avais réussi à me dénicher un trombinoscope de tous les nouveaux élèves que l'Union des Dons allait accueillir pour cette nouvelle année scolaire. En toute honnêteté, j'avais fait ça uniquement pour qu'Evans cesse de me pleurnicher dans les oreilles à chaque fois que j'avais le malheur de croiser sa route parce que, contrairement à lui, mon choix était évident. En réalité, mon choix n'en était pas vraiment un, même si j'aurais pu décider de me compliquer la tâche. Pourtant, après réflexion, une telle chose aurait été complètement inutile parce que tous les chemins me menaient déjà vers elle. Mettre des obstacles entre nous n'aurait fait que retarder notre fin inévitable, cela n'aurait jamais suffi à changer l'histoire tout entière.

À mon plus grand désespoir.

— Oui, c'est fait.

Evans manqua de peu de me bousculer pour atteindre la pile de papiers sur mon bureau, n'attendant même pas la fin de ma réponse.

— Génial, mec ! Dis, ça ne te dérange pas que je t'emprunte ça, alors ? me questionna-t-il avec précipitation, feuilletant vite le trombinoscope vers ce qui me semblait être une page en particulier. Visiblement, la nuit ne m'a pas porté conseil parce que j'hésite encore entre deux personnes... merde, ça m'apprendra à être autant indécis !

Il se laissa discrètement tomber sur mon lit, l'attention toujours rivée sur les photos des nouvelles étudiantes de l'Union des Dons. Il portait un simple t-shirt blanc et le jean troué aux genoux qu'il adorait tant. Tandis qu'il baissait la tête pour lire la brève description des étudiantes en-dessous de leur photo, ses cheveux noirs de jais tombèrent sur ses yeux en amandes. Je ne savais pas s'il avait décidé de jouer la carte du naturel pour séduire celle qu'il allait choisir ou s'il comptait la séduire tout court, toutefois la seule certitude que j'avais était qu'il n'allait pas prendre sa décision à la légère.

Hypnose, tome 1, Notre Rencontre. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant