40 : Le secret d'Alexei

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Je rendis visite à Alexei le jour suivant. Étonnamment, je n'entendis pas parler de l'incident de la veille tout de suite. Cette fois-ci, Alexei n'avait pas de visite, Dafney devait être trop occupé à réparer son nez ou préparer sa vengeance. Je pus donc aller le voir pour la première fois à l'infirmerie.

En entendant la porte s'ouvrir il soupira.

- Combien de fois faudra-t-il que je le dise ? Je ne veux pas rejoindre...

Il se tourna vers moi et s'arrêta.

- Oh. Alexie. Désolé, je..

Je lui fis un signe de la main.

- Ne t'en fais pas, je comprends. On m'a dit qu'ils te prenaient la tête. J'ai rendu une petite visite à Dafney hier. Il a reçu un poing dans la gueule si ça peut te soulager.

Il prit un air entre l'inquiétude, la surprise et l'amusement.

- Tu n'aurais peut-être pas dû boxer ton patron pour moi... Tu t'es sûrement attiré des ennuis.

- Oh t'inquiète, c'était aussi pour moi. Ça m'a fait un bien fou.

Son air s'assombrit.

- Oh... qu'est-ce qu'il t'a fait..?

- Il m'a jeté comme une vieille chaussette et ignorée. Vu qu'il a trouvé mieux...

Il soupira.

- Je m'en doutais un peu... c'est aussi pour ça que je ne voulais pas venir ici. Ce n'est pas seulement pour moi... mais aussi parce que je savais qu'ils ne s'embarrasseraient pas de s'occuper de toi si j'étais là.

Je fus surprise. Il refusait de rejoindre les Aiguilles, aussi pour moi ? Alors même qu'il m'avait confié qu'il détestait la solitude ?

- Qu'importe, poursuivit-il, mon état est suffisamment stable pour que je puisse me débrouiller tout seul. Je pense que je vais leur dévoiler mon petit secret. Avec ça, ils s'empresseront de me foutre dehors. Toi, tu retrouveras ta place, et moi je ne subirais plus leur assauts mentaux. 

Je tiquai.

- Ton secret ? Quel secret ?

Il pointa son cache-oeil. Je compris. C'est sûr qu'avec l'Oeil d'or que lui avait imposé le Tyran, les Aiguilles ne voudront pas prendre le risque de l'avoir parmi eux. Son air s'assombrit cependant.

- Alexie... cette fois je n'ai pas envie de te cacher le risque, dit-il sur un ton bas.

Je le regardais, surprise de son changement soudain de ton.

- Il est possible, enchaîna-t-il, qu'ils décident de me tuer, me considérant comme une menace ou un espion. Si c'est le cas, alors j'aurais besoin de toi pour m'aider à m'en sortir. 

Il leva un petit sourire vers moi.

- Tu m'as sauvé la vie, je n'ai pas envie de me faire bêtement tuer. Ça rendrait tout ce que tu as fait pour moi inutile. Et de ce que je sais, notre fuite de la ville ne t'a pas laissée intacte.

Je rougis. Comment savait-il pour mes cauchemars ? Il sourit avec compassion.

- Je suis Voyant, tu as oublié ? J'ai su que tu avais le sommeil agité, et ça n'a pas été difficile de deviner que c'était à cause de ce qu'il s'était passé là-bas. Ce n'est jamais simple de se remettre de sa première fois. Surtout lorsqu'il s'agit de tuer un homme. 

Il me prit la main avec douceur, alors que déjà, mon esprit se faisait assaillir de la sensation de la chair qui se déchire et du dernier souffle de mes assaillants. Sur le coup, je n'avais pas fait attention, il n'y avait que la vie d'Alexei qui m'importait. Mais maintenant, le simple fait de l'évoquer me rendait malade. Alexei serra doucement ma main dans la sienne en m'appelant avec une voix toute aussi douce.

- Hey... Alexie. Tu as fait ce qu'il fallait. Je t'en suis éternellement reconnaissant. Et je sais que ton but n'était pas de tuer ces hommes. Alors respire. Je sais que mes mots n'y changeront rien et que seul le temps pourra te faire passer outre ça, alors courage.

J'acquiesçai, tentant de m'en remettre. Pour penser à autre chose je marmonnai.

- On parlait de ton secret...

Il acquiesça, comprenant mon changement de sujet.

- Oui... Donc je compte leur révéler. Mais comme je préférerai que tout ce que tu as fait pour moi ne soit pas inutile, j'aimerais ne pas mourir. Si c'est le choix qu'ils font. Ça fait plusieurs jours que j'essaie d'observer les futurs possibles, mais quels que soient les couloirs que je prends, je finis toujours par me faire tuer. J'ai besoin d'un plan du QG pour savoir par où m'échapper.

Je réfléchis.

- L'entrée est vraiment loin... je pense que dans ton état, ce n'est pas faisable. 

Il secoua la tête.

- Si ce n'est pas l'entrée, c'est pas grave, il me faut juste une ouverture vers l'extérieur.

Je réfléchis.

- Oh ! Dans ce cas, les terrasses de pierres pourraient être une bonne idée. Il y en a une près des dortoirs. 

Il sortit un papier et un crayon de sa poche. J'ignorais où il avait trouvé ça, mais il me le tendit.

- Tu veux bien me le dessiner ?

J'ouvris le papier. L'infirmerie était dessinée et de nombreux couloirs également. Ils semblaient avoir été fait à intervalles de temps différents. Au bout de chaque couloirs, il y avait une croix.

- Ce sont..., commençai-je en pointant les croix

- Les endroits où je suis mort. Soit les gardes qui me rattrapaient, soit l'épuisement qui me faisait m'écrouler, et les gardes qui m'achevaient.

Je pâlis. Vivre sa propre mort toutes les nuits, ça ne devait pas être très reposant. J'entrepris donc de dessiner le plan jusqu'à la terrasse de pierre la plus proche. Je corrigeai aussi l'échelle du plan d'Alexei. Mes longues heures à étudier les plans du QG et explorer m'aidant beaucoup.

Lorsque je lui tendis à nouveau, il le regarda, satisfait.

- Ok, je testerai l'itinéraire cette nuit. S'il marche, je leur dévoilerai mon secret.

Je souris, heureuse qu'il fasse enfin attention à sa propre vie.

Je m'apprêtai à répondre lorsque deux soldats firent irruption dans la salle. 

- Mademoiselle Alexie ? Veuillez nous suivre sans résister. Si vous résistez, nous nous verrons forcés d'employer la force.

La Tyrannie de l'Oeil d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant