Je suivis donc les deux gardes sans broncher. Il était évident qu'ils étaient bien meilleurs que moi en combat, et je n'avais aucun moyen de fuir. Alexei m'avait jeté un coup d'oeil inquiet, mais nous savions tous deux pourquoi ils étaient là. Dafney n'avait pas digéré le nez cassé.
Je me faisais donc escorter comme une criminelle, quoique j'avais les mains libres. À ma grande surprise, nous ne prîmes pas le chemin du bureau de Dafney. Nous nous enfonçâmes dans un étage que nous n'avions jamais eu l'autorisation de visiter.
Nous arrivâmes devant une porte lourde de bois foncée, qui n'avait pour seul ornement qu'une poignet d'or incrustée d'un rubis aussi gros qu'un oeil. L'un des soldats frappa trois coup secs. Nous attendîmes un instant le temps qu'une voix grave et rauque avec un je-ne-sais-quoi de mystique se fit entendre.
- Entrez.
Le soldat ouvrit donc la porte, et entra, le deuxième soldat m'intimant de faire de même.
Le bureau était très beau, quoique sobre. Aucune fenêtre, il était éclairé par des appliques murales à la lumière blanche, douce comme celle du jour. Quelques étagères de bois massif, avec de discrets renforcements d'or, sur lesquels se trouvaient des papiers tous très organisés. En face de nous trônait un bureau de bois raffiné, aux renforcements d'or également. De nombreux documents s'empilaient dessus, eux aussi organisés. En nous voyant entrer, l'homme qui y était assis se leva.
C'était un homme chauve à la peau foncé et aux yeux dorés. Son visage avait tout d'un guerrier, mais aussi d'un leader. Il était très grand, et sa carrure était celle d'un combattant. En armure, il devait être effrayant. Il était vêtu d'une simple chemise ample et d'un pantalon près du cuir. Des bottes de cuir habillaient ses pieds. Il avait un air très sévère, mais lorsque son regard se posa sur moi, on put lire de la surprise au fond de ses yeux.Il congédia les deux soldats d'un signe de main. Une fois la porte refermée derrière eux, il prit la parole.
- Je m'appelle Bill... Je suis le Fondateur des Aiguilles.
Ce fut comme prendre un coup à la tête. Dafney avait rapporté l'incident au boss suprême ? À cet instant, je me dis que j'allais me faire condamner à mort.
- L'on m'a dit, jeune fille, que tu avais agressé un supérieur. Je t'avoue que j'imaginais quelqu'un de plus âgé. C'est très grave, tu en es consciente ?
J'hochais la tête, peinant à respirer. Sa voix semblait caverneuse, et sa grande taille n'aidait pas. J'avais l'impression d'être face à un dragon qui m'expliquait pourquoi il allait me manger.
Il s'assit sur un coin de son bureau. Et me fit signe de m'asseoir également. J'obéis et il reprit.
- Explique-moi ta version des faits.
Je fus surprise. Ne faisait-il pas plus confiance à Dafney qu'à moi ?
-J-je... o-on.., bafouillai-je
Il soupira.
- Détends-toi, je ne vais pas te manger. Pour le moment, la seule chose que je veux c'est comprendre. Le jugement viendra après.
Il ne semblait pas très doué pour rassurer les gens, mais ce trait de caractère m'amusa, ce qui me permit de me détendre un peu. Je pris une grande respiration et reprit.
- J'ai appris que Dafney mettait la pression à mon ami pour rester parmi les Aiguilles. Je ne l'ai pas supporté... et... en plus... ils voulaient qu'il rejoigne les Aiguilles pour me remplacer... Il est bien meilleur que moi, sur tous les points... C'est un mage, un combattant, il comprend les lois de ce monde et il est même bien meilleur Voyant que moi...
Je soupirais, ayant toujours du mal à encaisser ça.
- J'étais furieuse.... Alors avec Xen, je suis allée à son bureau pour lui en toucher deux mots...
- Et lui casser le nez, ajouta Bill
- Non !, m'indignais-je, À la base je voulais juste bien lui faire comprendre qu'il n'avait pas à harceler Alexei, et que ce n'était pas humain de jeter les gens lorsqu'on trouve mieux ! Mais... mais il a commencé à me balancer des piques et même à me menacer ! Et cet air méprisant...
Je serrais les dents et le poing.
- C'était trop ! Vous comprenez, n'est-ce pas ? Il me balançait volontairement des trucs pour me blesser ! Si je lui ai cassé le nez, moi il m'a brisé le coeur ! Et il n'aura jamais de procès pour ça.
Je soupirais.
- Et Xen dans tout ça ?, demanda-t-il
- Oh, lui... il n'était là que pour me soutenir. Il n'a rien fait, je vous assure.
Bill hocha la tête pensivement. Il se leva et commença à faire les cents pas pour réfléchir. Il finit par me regarder à nouveau dans les yeux.
- Je peux comprendre que ses mots t'aient blessée... Dafney a la fâcheuse manie d'être exécrable lorsqu'il est contrarié. Quelques fois, je lui aurais aussi foutu mon poings en pleine gueule.
Il fit une pause, cherchant ses mots.
- Mais il faut que tu comprennes que dans le fond, il n'a pas tort. Nous menons une guerre, tu comprends..? Et dans une guerre, il faut toujours choisir les meilleurs éléments et faire des sacrifices. Tu n'es qu'une jeune fille, et Voyageuse qui plus est... tu n'as sûrement jamais connu de guerre... Mais crois-moi, dans une guerre on n'a pas le temps pour l'humain. C'est triste, c'est difficile, mais ça en vaudra le coup.
Il s'approcha de moi et posa sa grosse main sur mon épaule.
- Alexie, tiens le coup. Parce que lorsque nous seront libérés du Tyran, tu seras une héroïne. Tu combats pour une monde qui n'est pas le tiens, dans une guerre qui n'est pas la tienne, et c'est très noble de ta part.
Il enleva ensuite sa main et me tourna le dos, retournant faire les cents pas.
- Mais il faut que tu comprennes que ton action est très grave. Même si c'est justifié, ce n'est pas excusable. On doit contenir ses émotions en temps de guerre. Il faut donc que tu sois sanctionnée. Tu comprends, n'est-ce pas ?
Je baissais le regard. Oui, je comprenais. Je n'approuvais pas, mais je comprenais. S'ils laissaient passer ça, quelque soit le motif, ça recommencerait.
- Tu vas donc te charger de missions que personne ne veut faire. Et tu dormiras et prendras tes repas à la Chambre des Sanctionnés, jusqu'à ce que tu aies fini les missions qui t'ont été confiées.
Je fus un peu surprise. J'avais cassé le nez de Dafney et ma seule sanction était de faire quelques missions ? Ça m'allait, mais j'aurais imaginé quelque chose de plus horrible. Il me congédia.
Je sortais alors du bureau. Les soldats n'étaient plus là, le couloir était désert. Un boyau de pierre, sans lumière, plongé dans le silence. Typiquement le genre d'endroit où on rencontrait des fantômes. Je me dépêchai de rejoindre l'escalier. Alors que je m'apprêtai à descendre, je sentis une présence passer derrière moi. En me retournant, je ne vis qu'une silhouette féminine aux yeux d'émeraude qui disparaissait dans un virage, sans un bruit.
Cette vision me donna la chair de poule et je m'empressai de descendre les escaliers.
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La Tyrannie de l'Oeil d'Or
FantasyAlexie, jeune fille de 18 ans, menait une vie simple, l'été battait son pleins, les balades en forêt et autres virées au lac étaient son quotidien. Mais.. quel est cet endroit où elle se réveille un beau matin ? Elle était pourtant certaine d'être r...