43 : Sortir d'ici

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Helena ne revint pas me rendre visite. Il faut dire, désobéir à un ordre ne pouvait que la mettre dans une mauvaise posture. De mon côté je m'étais plongée de plus belle dans les missions qui m'avaient été confiées. La plupart étant simplement de la relecture de rapport, puisque j'avais montré une grande capacité à corriger les écrits. Si je travaillais si dur, c'était non seulement parce qu'il me tardait de sortir d'ici mais aussi pour ne pas trop penser à ce qu'il s'était passé avec Helena.

Plus j'y pensais, plus mon coeur se serrait. Je... Je savais bien que je tenais à Helena... mais... malgré moi j'avais toujours essayé d'ignorer la possibilité qu'elle puisse s'intéresser à moi. J'étais intéressée par elle... mais jusqu'ici je m'étais toujours contenter d'imaginer que c'était sans espoir. Et... ce baiser qu'elle avait déposé sur ma joue avait envoyé valdinguer tout ça, m'obligeant à considérer cette possibilité... et par ça, m'obligeant à espérer.

Je ne voulais pas espérer quelque chose si je me risquais de me retrouver déçue. Me plonger dans mon travail me permettait de ne pas trop y penser. Les conversations avec Rayelle aussi. En me voyant re-rentrer dans la chambre une pâtisserie à la main et le rouge aux joues, elle avait eu la politesse de ne rien demander. Pour ça, je l'en remerciais. 

Mais Rayelle espérait faire de moi quelqu'un avec qui faire les quatre cents coups. Aussi, lorsque je travaillais, elle venait systématiquement me déranger et tentais de me convaincre qu'on était quand même bien ici. Je retournais travailler à chaque fois, lui disant que si elle voulait à tout prix rester avec moi et faire encore plus chier Dafney, le meilleur moyen c'était de sortir de là. À chaque fois, elle finissait par retourner râler dans son coin, abandonnant pour cette fois.

Un jour cependant, alors que je finissais mon travail pour aujourd'hui, je la vis, les yeux rivés sur un papier.

- Qu'est-ce que tu fais ?, demandai-je en m'approchant.

Elle ne me répondit pas, toujours fixé sur le papier. Je regardais celui-ci et vis qu'il s'agissait d'une liste de mission, comme celle que j'avais reçues.

- Si on sort d'ici, tu resteras vraiment avec moi ?, demanda-t-elle de son habituelle voix de garçon manqué.

Dans son ton, cependant, je sentis une certaine sensibilité. Je fus surprise de sa question. Envisageait-elle réellement d'accomplir ses missions ?

- Je commence à m'emmerder un peu avec les garçons. Avec toi au moins, je rigole. Mais je peux comprendre que tu veuilles sortir de là... t'as d'autres personnes qui t'attendent là-haut.

Je rougis, en repensant à la visite d'Helena. Elle décrocha son regard de la liste pour me regarder dans les yeux.

- Malgré les gens qui t'attendent... tu trouveras du temps pour moi si je sors ?

Je ne m'attendais pas à ça. Bien sûr Ray m'était sympathique, mais je n'avais jamais envisagé le fait de rester avec elle en-dehors de cet endroit... Elle semblait si fermée lorsqu'il s'agissait de faire ses missions ! Devant mon absence de réponse, elle baissa à nouveau les yeux.

- Je me disais aussi... tu disais ça sans y penser, hein..?

- Non ! Rayelle, je... Je ne pensais juste pas que tu voudrais sortir... ça me surprend, toi qui était si obstinée... mais... oui, si tu sortais, ça me ferait plaisir de passer du temps avec toi. Mais... tu n'as personne d'autre là-haut ? Je veux dire... tu étais bien proche de quelqu'un avant d'être enfermée dans la Chambre des Sanctionnés, non ?

Elle secoua la tête, l'air sombre.

- Pas vraiment non. Je n'ai jamais été vraiment très douée pour me faire des amis. J'étais dans un dortoir avec que des filles et elles avaient toutes peur de moi. C'est pour ça que ça ne me gênait pas trop d'être ici..

Je fus surprise.

- Je vois..

Elle haussa les épaules.

- Ça ne m'a jamais vraiment manqué non plus, tu sais. On se fait moins prendre quand on fait les conneries tout seul. 

- Vu comme ça...

- Je ne compte pas devenir une sainte en remontant dans mon dortoir. Mais juste faire suffisamment chier Dafney sans dépasser la limite. Genre pas lui casser le nez, quoi.

Je baissais les yeux, rougissant. Elle me donna un petit coup de coude.

- Fais pas cette tête, j'te taquine. N'empêche, j'aurais bien aimé voir ça.

Je lui souris.

- Il se tenait le nez, assis par terre. Je pouvais enfin le regarder de haut.

- J'espère qu'il aura toujours le nez tordu quand je sortirais. J'ai bien envie de me foutre de sa gueule.

Je soupirais en souriant. Rayelle était fidèle à elle-même. Même si je devais bien admettre que j'avais bien envie qu'il garde un nez tordu aussi, en souvenir de moi. Dès ce jour, Rayelle se mit à travailler aussi. Je l'aidais autant que je pouvais pour qu'elle sorte au plus vite. Je ne voulais pas prendre le risque qu'elle se décourage, sa compagnie assurait une vie mouvementée.

Grâce à ça, nous fûmes bientôt capables de sortir de la Chambre des Sanctionnés. Le boss final de ce donjon était de taille cependant : pour décider si nous étions aptes à retourner dans nos dortoirs initiaux, nous devions passer devant Dafney lui-même.

Ça n'annonçait rien de bon.

La Tyrannie de l'Oeil d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant