A l'autre bout du vaisseau, un membre technicien se réveillait afin de veiller sur les générateurs de dioxygène, une tâche cruciale pour la majorité des occupants du vaisseaux. Chaque secteur avait sa station de traitement de l'air. Dans l'infinité, outre le personnel mécanique, on classait le gens suivant quatre grades : Officier, technicien, opérateur et passager.
Cette fois-ci, c'était au tour de Patt de prendre la garde. Il était botaniste, donc dans la grille comme technicien, au secteur 76 et partageait un grand module d'habitat avec ses huit autres collègues. Tour à tour l'un d'eux était réveillé pour s'occuper de quelconques problèmes, ou pour seulement faire une ronde de vérification dans l'éventualité d'une complication non détectée par les systèmes du vaisseau. L'éveil durait généralement une semaine avec un jour supplémentaire pour briefer le prochain éveillé, si la résolution de l'incident dépassait les sept jours. Cette limite permettait aux membres d'équipage, techniciens ou opérateurs de ne pas trop vieillir par rapport au reste des passagers, ou collègues d'équipage. En effet sur un voyage de plusieurs centaines d'années, une semaine ou un mois cumulé à la longue, pouvait transformer un fils en père ou en grand-père. Peu d'entre eux d'ailleurs avaient la chance d'avoir de la famille à bord.
Ils faisaient partie des "veilleurs récurrents" comme tous les opérateurs et techniciens utiles au bon fonctionnement du vaisseau. Cela, bien qu'il existait un équipage mécanique, disponible à chaque instant. Ces robots étaient réservés aux tâches basiques ou bien dangereuses et, dans la plupart des cas un humain était au commande.
Patt se réveillait cette fois-ci avec un visage blond familier en face de lui, qu'il l'attendait à la sortie du caisson. Après quelques secondes de clignements d'yeux, il reconnu Pasi Bonhson, qui l'aida à détacher les tuyaux et à sortir du caisson. Patt qui s'acclimatait bien aux réveils cryogéniques, commença directement le briefing dans la salle d'éveil, à moitié habillé.
- Alors cette semaine Pasi ? Un problème ?
- La routine. Vraiment rien: quelques tuyaux gelés, des plantes à tailler, des choses comme ça: dit le grand bonhomme, dans un ton maussade. Son regard fuyant laissait néanmoins entendre qu'il cachait une information.
- Pourquoi suis-je donc réveillé en suivant alors ? Tu es bon mécanicien, tu as dû résoudre cela en un ou deux jour. Non ?
- Oui quelques jours Patt. - il changea de ton soudainement - Mais ce n'est pas un problème qui te réveille, c'est que j'ai besoin de toi pour continuer quelque chose d'important. - enthousiaste, il laissait le suspense.
- Quoi donc ?
- Tu ne devineras jamais ?
- On a réussi ?! interrogea Patt.
- Oui on a réussi ! La joie se lisait sur son visage d'ours, bien que Patt avait deviné du premier coup, une toute petite déception pour Bonhson. Il reprit: les premiers légumes viables et qui n'ont pas fini bousillés par les radiations spatiales.
- Laisse-moi voir ! Tu les as goutés ?
- Doucement mon ami, dit-il en retenant Patt de se relever. Tu es tout juste frais. Prends le temps de te réveiller. Je t'ai attendu pour le goûter.
- Le ? Il n'y en as qu'un ?
- Oui et pas bien gros.
- J'espère le premier d'une longue série. Je te rejoins dès que je suis complètement équipé.
L'apparat d'un botaniste était très simple: une combinaison et un module d'analyse climatique qui comprenait air, humidité, pression et température. En plus de cela l'appareil possédait une capsule renfermant une petite plante connue alors pour sa faiblesse aux radiations venues de l'espace et sa ressemblance avec l'homme. En effet, génétiquement, la plante réagissait comme les hommes face aux irradiations provoquées par les particules cosmiques. Tel un canari dans une mine de houille, la plante fut nommée irradiatio signum, comme un signal face à un moment hostile. Quand la plante commençait à mourir et perdre ses feuilles, alors l'homme avait peu de temps pour trouver un abri protégé ou bien fuir la zone. Tous les botanistes en avaient une, c'était un peu leur particularité parmi les membres d'équipages spatiaux. Tous les autres, se contentait des données de capteurs.
Quelques minutes après, Patt rejoignit Bonhson dans le module restauration, son ami laissait discerner que le pauvre légumineux présenté dans l'assiette ne le rassasierait pas le moins du monde. De plus, à son plus grand regret, il fallait le couper en deux. Patt s'assit en face de Pasi, à la table centrale. Il prit dans ses mains l'objet pour l'examiner.
- Vraiment pas mal ! Les bonnes mensurations, textures...
- Oui, d'ailleurs il a poussé dans le temps prévu. Je pense que nous pouvons également lancer la plantation des espèces les moins fragiles, pour continuer progressivement à planter tout notre bibliothèque de graines.
- Nous sommes donc assez loin de l'étoile pour qu'ils survivent.
- Oui - il sortit quelques notes de calculs de son blouson et reprit : et on peut dès a présent établir un planning via la corrélation avec nos données stellaires. En fonction de chaque type d'étoile et de la distance nous séparant d'elles, nous pouvons établir un plan d'action pour produire notre nourriture entre les systèmes stellaires. Faire des stocks si possible.
- Très bonne idée Pasi. Produire entre les étoiles et faire des réserves pour les phases stellaires, quand les gens sont au pic de leur activité. D'autres ont-ils eus des résultats similaires ?
- Pas à ma connaissance. Personne, et rien sur la messagerie interne.
- Un grand jour pour nous ! Cela est surement dû à notre position au sein du vaisseau.
- Oui, surtout une étape clef de franchie et cela devrait nous remplacer les rations indigestes qu'ils osent appeler nourriture. Si on goûtait le chef-d'œuvre ?
- Il est temps, se réjouit Patt.
Les deux botanistes se régalèrent vite avec ce légume, leur rappelant leur planète natale et leur vie passée là-bas, ceux qu'ils avaient abandonné à leur triste sort. Ceux qu'ils ne mangeraient plus jamais ou bien ne verraient plus dans leur vie. Ils prirent grand soin de mettre de coté les graines afin de les replanter dans la semaine. Après cette dégustation, Bonhson se prépara au sommeil. Il demanda à son compagnon qui prenait la garde si il ne pouvait pas rester encore un peu avec lui, pour préparer la plantation.
- Patt, si je dors, je ne serais réveillé que dans sept cycles... vous aurez tout déjà accompli.
- Pasi, avec le boulot qui nous attend, tu sera vite de retour parmi les éveillées, et je ne pense pas que quoique ce soit aura eu le temps de terminer sa pousse.
- Oui tu as raison, j'ai justement hâte de voir cela - il marqua une pause - de faire partie de cela. Tu sais mon père resté là-bas, c'est pour lui que je fais tout çà. Il me disait que c'était impossible, que l'agriculture avait besoin d'un foyer, d'une terre pour prospérer et non pas d'une boite de conserve stérile.
- Un homme de son temps.
- Oui, en tant que bon fermier, têtu et renfermé, tout cela le dépassait. Dommage qu'il ne soit plus parmi nous pour voir cela.
- Oui on ne doit plus connaître grand monde chez nous, ni même reconnaitre notre pays.
- J'espère que l'on fait pas cela pour rien, se morfondait Bonhson.
- Et même si ? On aura au moins marqué notre histoire par cet exploit ! Et le mérite d'essayer.
- AH... j'imagine déjà le message de l'intranet titré notre exploit.
- Tu verras ça à ton réveil.
Patt fini d'installer Pasi et initia la séquence de sommeil. Le couvercle du caisson se refermait et il souhaita à son ami botaniste de faire de beaux rêves. Avant que le caisson ne soit clos, Pasi lui répondit : tu sais bien qu'on ne rêve pas.... Patt lui dit à bientôt et qu'à son prochain réveil, il aurait de quoi se régaler. Bonhson s'endormit le sourire aux lèvres, figé dans cette posture heureuse. Patt le regarda quelques instants avant de quitter la salle de sommeil du module.
Le fraichement auto-promu agriculteur regagna le module restauration pour débuter la planification de la plantation. Mais avant cela, il prit soin d'informer la passerelle de commandement ainsi que les autres botanistes et équipes de tous les secteurs agricoles, de ce qui inaugurait le début de l'agriculture spatiale.
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Le voyage vers Véga
Ciencia FicciónLes systèmes stellaires de la Galaxie se meurent, s'effondrent, par la guerre, le manque de matières ou l'avidité de certaines corporations. Quand il fallut abandonner son foyer pour une autre planète hypothétique, à des centaines d'années lumières...