Je me réveillais avec l'étrange impression d'avoir changé. Non pas de façon de pensée ; de sembler un peu plus vieux ou bien d'avoir une forme physique différente. Non une variation de mon être bien plus profonde, intense et dérangeante, Cette sensation qui ronge jusqu'aux os, passant par la chair, les organes... Un tel bouleversement que je semblais être étranger dans mon propre corps.
Je n'avais pas la force d'ouvrir les yeux, je ressentais ce malaise, cette démangeaison insatiable, sans pouvoir malheureusement l'atteindre pour la soulager. Paradoxalement, une gène terrible, liée à une sensation de vide, d'absence, sans stimuli, touché, goût ou bien saveur. Comme si je n'avais plus de peau, aucun vêtement ou objet qui me touchait. Je ne sentais rien. Pas même mes membres ou ma tête, je ne ressentais rien, pas une once d'émotion, une douleur, un souffle.
Plus je me focalisais sur ma respiration et plus l'incompréhension s'emparait de moi... Je ne devinait pas mon torse se lever quand mes poumons se chargeaient d'air ou alors qu'ils se déchargeaient. Je ne trouvais pas cette routine d'esprit qui contrôlait la respiration de manière quasi autonome. Cette arrière pensée instinctive, elle n'existait plus.
Pris de panique et toujours plongé dans l'obscur monde de mes yeux clos, j'essayai de me débattre, ordonnant à mes membres sans vie, de bouger, de s'exiger, de faire quelque chose. Quand j'ouvris enfin les yeux, dans un effort mental intense, c'était pour voir encore l'obscurité d'une pièce exiguë et dont la sortie et seule entrée semblait fermée devant moi. Quand je voulu l'atteindre, quelque chose me retint d'avancer, je m'aperçus que plusieurs câbles et tuyaux me reliaient à toutes sortes de machines, pour l'instant éteintes.
Quand mes yeux s'acclimatèrent à la pénombre, une vision d'horreur m'accabla. Je criais de toute mon âme un puissant hurlement de détresse et de colère que seul mon cerveau me relayait alors qu'aucun son ne sortait désespérément de ma bouche. Pour cause, je n'étais plus moi. J'étais devenu une machine... Mes os étaient devenus de fer, ma peau disparu, mes organes des circuits électroniques, mes sens des capteurs et moi ? Je ne savais répondre à cette question. Comment était-ce possible un tel transfert d'esprit, une transformation de mon corps ? Je ne me rappelais de rien, mes souvenirs semblaient inaccessibles.
Alors que je me morfondais sur mon sort. La porte en face de moi s'ouvrit et quelqu'un entra rapidement en fermant derrière lui. Cette personne semblait humaine et avait une combinaison pour le moins étrange. Peut-être était elle un rob... une machine comme moi. Je me retrouvais à faire le distinguo sur ma condition tellement dépité de cette transformation cruelle que l'on m'avait imposé. Pourquoi ? Comment cela pouvait-il être vrai ? Apercevoir cet humain en train de s'approcher de moi, méfiant de ma carcasse d'acier, cela m'avait ramené à la réalité. Encore peu de temps avant qu'il fasse son entrée, j'espérai être dans un mauvais rêve, un cauchemar duquel je me réveillerai bientôt soulagé. Pourtant non, je me trompais. J'étais bien devenu un satané robot, immonde et sans vie. Cette rage envers moi même se déporta sur cette personne, qui peut être était responsable de ma condition abjecte. Ma haine envers lui ne faisait que croitre, bouillonnant, car il était celui qui avait brisé mon espoir, il était le seul envers qui tourner ma tempête de sentiments. Cette colère se traduisit soudainement en mouvement, tendant d'attraper l'homme qui me faisait face. Mon sursaut lui fit peur et il bondit en arrière aussitôt, trébuchant sur les câbles qui parcouraient le sol, laissant tomber son sac.
Ne voyant que je ne pouvais l'atteindre, j'arrêtais immédiatement de bouger, éteignant mes yeux et les lumières que j'avais activé pour mieux le voir. Je redevenais inerte, ramené par les câbles à ma position initiale, éteint, sans vie. Je ne savais toujours pas comment communiquer avec lui. Il restait dos à la porte, me fixant, cherchant si je pouvais bouger également. Après quelques minutes, il ramassa ses affaires disséminées par la chute de son paquetage dans la pièce pour le ranger dedans. Puis il voulu sortir, il posa d'abord son oreille sur la porte pour chercher à percevoir un son. Il semblait se cacher de quelque chose ou quelqu'un. Je m'étais surement trompé à son sujet. Le pauvre essayait de fuir mes bourreaux. Son sort ne devait pas être si différent du mien, mais il semblait avoir échappé à ses tortionnaires. Il restait collé à la porte, ne faisant plus un bruit. J'essayai de tout mon être de sortir des mots de mon vocabulateur. Mais rien. Je ne savais pas contrôler ce nouveau corps, cette nouvelle prison de métal. La personne se retourna pour me faire face. Elle me fixait. Je pouvais la voir mais mes yeux semblaient éteints. Elle ne savait pas que je pouvais la scruter. L'humain ne faisait rien, il ne parlait pas non plus. Il n'essayait même pas de communiquer. Il s'adossa à la porte et sortit de son sac un petit objet qu'il manipulait constamment. Cela dura une dizaine de minutes ou bien plus. Je ne savais pas dire combien de temps j'étais resté à le regarder. Sans même essayer de bouger, d'activer une fonction de cet horrible corps.
Au bout d'un moment, l'inconnu s'approcha de moi, il posa à mes pied son objet. Une sorte de petite sculpture de métal. Il m'avait peut être représenté. Si c'était le cas, je me trompais sur mon apparence. Elle paraissait encore plus dégoutante et métallique que je ne le pensais. Il mis son sac sur ses épaules, il ouvrit délicatement la porte, essayant de la faire coulisser manuellement. Il passa la tête dans l'ouverture puis disparut quelques instant après. Il m'abandonnait...
Je restais à fixer la petite statuette qu'il avait fait pour moi. Je la fixais des heures sans que la faim et la soif vint m'arracher à cette méditation. Me focaliser sur elle, cela me permettait de ne plus penser à moi. Cependant une lumière vint rompre ma contemplation et mon calme. Par la petite ouverture que l'inconnu avait laissé, des reflets jaunes venaient transpercer l'obscurité de mon cachot. Une alarme assourdissante retentissait également. Puis soudain, une autre personne entra et referma. Elle avait le souffle court. Il semblait être le même inconnu qui était venu m'apporter la petite sculpture. La porte s'ouvrit d'un coup sec quelques secondes plus tard et deux androïdes, fusils en joue vinrent interpeller l'humain. Il essaya de leur résister en repoussant le premier assaillant de ses deux mains. Son arme agrippée par le fuyard, le robot tira quelques coups qui se logèrent dans une décharge éclair dans des ordinateurs muraux. Son compagnon assena un coup de crosse, faisant basculer l'humain. Il essaya de se rattraper, arrachant des câbles lors de sa chute. Au même moment je sentis que quelque chose avait changé, je ressentais cette déconnexion, il n'y avait plus de courant qui passait. Je voulu réagir et l'aider, mais je restais immobile. Les deux androïdes passèrent leur arme dans le dos et agrippèrent, chacun un bras, le fuyard. Il repartirent avec lui trainant des pieds. Quelques minutes plus tard, l'alarme cessa ainsi que le gyrophares.
Je devais être désormais en sécurité et j'allais pouvoir essayer de bouger. Je ne pensais pas que les deux robots m'en voulaient. Ils avaient fait quelques dégâts dans la salle, peut être ils reviendraient bientôt nettoyer et réparer le matériel endommagé. Je n'avais donc potentiellement pas beaucoup de temps pour sortir de ce cachot. Les câbles que l'humain avait arraché avaient libéré mon bras gauche. Je le regardais en essayant de forcer mentalement pour l'animer. Après quelques essais, j'arrivais à produire des spasmes au bout de mes doigts, puis des mouvements d'articulations, de la main, du bras. Quand je pus maitriser toutes les articulations de mon membre libre, je me mis à détacher alors tous les autres câbles me reliant. Une fois fait, je pouvais me libérer de ce cachot. Je titubais en avançant puis je m'échappais de cette salle macabre...
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Le voyage vers Véga
Ciencia FicciónLes systèmes stellaires de la Galaxie se meurent, s'effondrent, par la guerre, le manque de matières ou l'avidité de certaines corporations. Quand il fallut abandonner son foyer pour une autre planète hypothétique, à des centaines d'années lumières...