10. Honor

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— Tu as l'air terriblement sur de toi, dis-je, pas un brin moqueuse, juste admirative de sa détermination.

Ou de son flegme, à ce stade ça me semblait être du pareil au même.

— Tu doutes de moi ?

J'éclatai de rire. Impossible. Ses doigts effleurèrent ma hanche et un frisson parcourut toute mon épine dorsale. Voilà l'effet qu'il produisait. Voilà ce que ça me faisait. C'était épidermique.

— Je ne voudrais pas que tu sois déçu, c'est tout, murmurai-je.

L'expression de Priam se chiffonna pendant quelques secondes avant que tout ne soit effacé de son faciès.

— J'ai déjà un fils alors je ne pourrais pas être déçu.

Il parlait d'Aleksey. Il parlait de l'enfant – mon enfant, que j'avais abandonné des siècles plus tôt. Ça remua un truc en moi, ça étreignit mon cœur et j'eus envie de pleurer. Il le sentit et attrapa ma main pour la serrer très fort. Comment pouvais-je accepter cette vie dans mon ventre quand j'avais été en rejet total de mon premier-né ? Comment ? Cette situation me rendait heureuse, mais je me sentais aussi prise à la gorge. C'était inextricable. Pas douloureux, juste à vif. Et dans mes doutes, Priam demeurait à mes côtés, même alors que je l'avais repoussé, que je l'avais rejeté, incapable de prendre une décision pleine de bon sens.

Les siècles ne rendaient pas plus sage, juste plus peureux.

— Ne pleure pas, Yana.

Il glissa sa paume contre ma nuque et attira mon visage contre son épaule. J'inspirai son odeur boisée, un mélange subtil de nature et de transpiration.

— Tu as des idées de prénoms ? m'enquis-je alors, encore si peu sûre de moi concernant Aleksey.

Le contraire n'aurait pas été possible de toute manière. Trop récent.

Assia, dit-il sans aucun doute, sans une once de réflexion.

Comme s'il l'avait su depuis longtemps.

— Ça veut dire quelque chose ?

— « Celle qui soigne » ou « qui soulage ». Si je me souviens bien, ce fut celle qui recueillit Moïse.

Oh. Que Priam sache cela prouvait bien qu'il baignait dans ses origines et que malgré son père, il ne s'en détournait pas.

— Assia, répétai-je plus fort, pour m'imprégner du prénom.

J'aimais beaucoup. C'était doux et fort.

Celle qui soulage. Mon sourire se fit plus grand. Oui.

— Enfin ça ne fonctionne que si c'est une fille.

Priam rit et ça se répercuta dans sa cage thoracique, faisant vibrer son corps contre le mien.

— Tu verras, ce sera une fille. Une Chahid avec un caractère électrique.

— Ahmet a-t-il des sœurs ? demandai-je alors, curieuse.

— Il en avait deux. La plus jeune, Sadhvi, a été tuée de ses mains et Parvati des mains de Yahto. Rien de très glorieux dans la famille.

Je m'écartai de lui pour le regarder.

— C'est triste d'en arriver là, non ?

Il haussa les épaules et se gratta la mâchoire avant de me répondre.

— Tu sais comment était la vie avant, dit-il, pensif. J'ai quelques souvenirs de mes... tantes.

Il sembla buter sur le terme. Normal quand on y réfléchissait.

DE SANG ET D'ARGENT T7 Half of a man [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant