Jamais, dans toute ma vie, je n'avais autant le sentiment d'avoir presque de l'assurance. Ce n'était que grâce à mes vêtements, je le savais, mais tout de même.
Je portais un pantalon de toile brune. Oui, un pantalon, comme un homme. C'était très embarrassant pour moi, mais c'était étrangement confortable. Et la forme vague de mes jambes toujours dissimulée sous le tissu, mais plus visible que sous une robe, n'était pas trop déplaisante. Je portais une chemise d'homme et une veste sombre, ainsi que mon corset à attaches métalliques, le plus cher que j'avais acquis. J'avais également une cape bleu foncée drapée sur les épaules, accrochée au niveau de mon épaule gauche avec une simple broche ronde. Et, ce que je préférais au monde : des mitaines. De chaudes mitaines qui me couvraient la naissance des doigts mais ne m'encombraient pas malgré tout. De toute ma tenue, c'était sans doute ces mitaines que je préférais. Et mes solides et fines bottes de cuir lacées. Comme on disait, il en fallait peu pour me contenter.
Je me sentais comme une aventurière de mes romans. Ou une pirate. Diable, j'en étais excitée !
Le tout était de ne pas croiser mon regard dans le miroir. Ou bien tout me paraîtrait soudainement ridicule. Je poussai un soupir en me tournant vers la porte de ma chambre. Qui ne la serait plus dans quelques instants.
Nessi m'attendait derrière la porte, accompagnée de Targen à qui elle n'osait toujours pas adresser vraiment la parole. Earine et Aggur arrivaient vers nous en bavardant.
- C'est parti, murmurai-je. Là, on frappe.
Je marchai derrière le prince Legolas. Mes sœurs étaient à mes côtés, Targen, Aggur et Tauriel derrière nous. Nous nous dirigeâmes vers la porte gardée, les gardes nous dévisageant tous, l'air inaccueillant. Mais ils ne pouvaient pas refuser l'accès à cette salle à leur prince, et nous le savions. Ils lui ouvrirent cette porte sans un mot, mais je vis bien leur réticence en voyant que moi et mes sœurs suivions le mouvement. Nos trois guerriers n'y entrèrent pas, se contentant de se placer devant la porte pour y interdire l'accès à toute personne gênante.
Le roi Thranduil se tenait au bout d'une longue table habituellement destinée à des conseils, travaillant sur nous ne-savions-quoi. Il parut surpris en nous voyant arriver.
Le prince Legolas, en silence, alla se placer debout derrière son père, à une distance raisonnable. Malgré tout, il nous rappelait ainsi qu'il était son fils, et qu'un fils était loyal à son père. Plus ou moins.
J'eus envie de faire demi-tour et de m'enfuir sans un mot, mais je n'en fis rien. Je pris la chaise la plus proche du roi, à sa gauche, et m'asseyai calmement. Earine, quant à elle, s'affala dans la chaise à sa droite et posa même ses pieds sur la table avec défi.
- Earine ! Sifflai-je avec fureur.
Elle retira aussitôt ses pieds en poussant un soupir, Nessi, à côté d'elle, retenant un gloussement.
Le roi nous avait regardé faire sans un mot, silencieux.
- Puis-je savoir à quoi tout cela rime ? Demanda-t-il.
- Nous partons, déclarai-je. J'imaginais que vous seriez ravi de l'apprendre.
- Ce serait mentir de prétendre le contraire.
- Vous avez fait une erreur, notai-je.
Il me regarda sans manifester la moindre émotion.
- Vous m'avez obligée à quitter vos cavernes pour protéger votre peuple. Vous m'avez obligée à tuer mon ennemi. Mais j'aurais tout aussi bien pu mourir. Or, si ça avait été le cas, j'avais demandé à votre fils, en guise de dernier vœu, d'emmener mes sœurs à Fondcombe. Il n'aurait pas pu refuser. Là, le seigneur Elrond leur aurait appris tout ce que je n'avais pas eu le temps de leur dire. Et je doute qu'il est été heureux d'apprendre que vous avez jeté l'héritière du trône du Royaume du Nord dans la gueule de son ennemi. Je doute qu'il ait apprécié de savoir que vous avez envoyé une jeune fille disparue depuis des années à la mort.
Je me tus, le laissant analyser mes paroles. Il lança un regard à son fils, qui ne dit rien.
- À présent, je suis vivante, continuai-je. Je vais reprendre le trône de mes parents. Une fois fait, vous pourrez vous féliciter que votre fils ait eu moins peur que vous.
Je vis de la fureur et de la haine pures et dures passer dans ses yeux. Cela ne fit qu'attiser la mienne.
- Mon père disait souvent que de régner, c'était comme de jouer aux échecs. J'ai gagné cette partie. Vivante ou morte, vous en auriez dû faire face aux conséquences. Les filles, on y va.
Mes sœurs se levèrent aussitôt, leurs deux regards bleus fixés sur le roi.
- Je vous l'ai déjà dit, repris-je. Je suis peut-être jeune, peut-être inexpérimentée, et mes sœurs le sont également, mais n'allez pas croire que nous sommes des jeunes filles inoffensives. Ce n'est qu'une façade.
Et je tournai les talons et me dirigerai vers la porte, mes sœurs avec moi. Nous avions déjà fait nos adieux au prince Legolas. Je ne me retournai pas, sentant le regard noir du roi Thranduil dans mon dos. Nous sortîmes sans un mot de plus, mais j'avais l'étrange sentiment que Legolas s'était avancé pour parler à son père.
- Alors ? Demanda Aggur.
- C'était le feu, répondit Earine. Quoique, j'aurais bien ajouté une ou deux choses si Finwë ne m'avait pas payée pour que je ne parle pas.
Aggur désigna alors du menton Targen, qui ne semblait pas réagir à notre présence. Tauriel se tenait à une distance respectable de lui, mais prévenant tout faux mouvement. Je poussai un soupir.
- Targen, l'appelai-je.
Il se tourna vers moi, son regard vide sembla se dissiper.
- Pardonnez-moi, j'ai dû m'égarer, dit-il.
- Ça n'est rien, murmurai-je.
Tauriel me rendit ma sacoche de cahiers, que je ne voulais pas que le roi voit. C'était tout ce que j'avais. Je la passai autour de moi, rassurée de sentir son poids familier sur moi.
- Nous partons, déclarai-je. Tauriel, ça a été un plaisir de vous rencontrer, ajoutai-je rapidement, prenant garde à ne pas la regarder dans les yeux.
Je n'aimais pas les adieux.
Earine marmonna quelque chose derrière moi, mais Aggur la poussa du coude et elle se tut. Nessi glissa sa petite main dans la mienne et nous nous mîmes tous les cinq en route vers les portes des cavernes. Targen, Aggur, Earine et Nessimelle. Et moi.
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Trois paires d'yeux... Bleues
Fanfiction"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...