Le chapitre précédent m'a juste rendue à la fois tellement heureuse et tellement triste et... Nostalgique. Voir Laurelin réaliser qu'elle sort de sa solitude et qu'elle laisse derrière elle tout ce qu'elle a toujours connu et s'en sentir heureuse... Ça me rend émue, j'avoue. Et puis, au cas où vous ne le saviez pas, Laurelin pleure très facilement de joie.
Lorsque nous descendîmes quelques minutes plus tard, nous trouvâmes Aggur et Earine assis à une table de la grande salle, Nessimelle bavardant joyeusement avec Maura.
- Où est Targen ? Demandai-je aux deux amoureux.
- Dehors, il a dit qu'il allait surveiller l'extérieur.
Je le soupçonnais plutôt de ne pas aimer être dans une pièce aussi remplie que celle-ci, et je le comprenais parfaitement. C'était oppressant.
- Nous devrions y aller, dis-je.
Earine me désigna notre benjamine du menton, Nessi étant visiblement en pleine conversation passionnée avec notre patronne. Ancienne patronne. Et visiblement, ma sœur me demandait de lui laisser un peu de temps pour se faire à l'idée de ne plus jamais revoir Maura.
- Soit, soupirai-je en m'asseyant à leur table. Mais pas longtemps.
Nessimelle arriva vers nous avec un grand sourire et s'assit à moitié sur moi en me regardant en clignant des paupières.
- Finwë, c'est merveilleux d'être revenu ici.
- Dis-moi ce que tu veux, Nessi, ça me fera gagner du temps, soupirai-je face au ton câlin de ma sœur.
Elle me servit une nouvelle fois son sourire.
- Je me demandais si, pour fêter ça, on ne pourrait pas... Chanter ?
- Non, refusai-je aussitôt.
- Mais pourquoi ? Geignit ma sœur.
- Allez, Finwë, c'est la dernière fois qu'on est ici, plaida Earine.
- En plus, tu avais promis qu'on chanterai ! Argumenta Nessi.
- C'est faux !
- Mais ça pourrait être vrai ! Allez, Finwë ! Ne me dis pas que tu n'en as pas envie.
J'avais envie de chanter, c'était vrai. Chanter me manquait, faire quelque chose par moi-même, quelque chose que moi seule maîtrisais et que moi seule pouvait décider me manquait. J'avais besoin de me changer les idées, de me détendre. Nessimelle me servit son regard suppliant, Earine eut son fameux sourire. Les traîtresse, elles savaient que je ne pouvais pas résister à ça.
-Soit, grognai-je à contrecœur.
- Merveilleux ! S'exclama Nessimelle. Je vais chercher le violon d'Uriel !
Et elle disparut en courant. Je poussai un soupir, me levai, suivie d'Earine. Elle passa son bras sous le mien et nous nous avançâmes vers la cheminée.
- Que chantons-nous ?
- La ballade d'Éméline et Méric ? Proposa Nessi en revenant, le violon et l'archet à la main.
- D'accord, acceptai-je. C'est parti.
La chanson commençait par imposer le rythme en frappant dans ses mains et tapant du pied. Deux frappes sur le sol, une frappe dans les mains. L'attention se porta aussitôt sur nous, mes joues brûlèrent. Respirer, c'était la clé. Chacun, au village, connaissait cet air joyeux racontant l'histoire naïve d'une princesse tombant amoureuse d'un berger à la langue bien pendue. Les clients se mirent spontanément à nous suivre en riant et nous acclamant.
Earine avait des dons naturels en danse, elle y excellait. Nessimelle, elle, était une musicienne née, et avait appris le violon avec une telle rapidité que c'en était stupéfiant.
Ma petite sœur coinça alors l'instrument sous son menton et se mit à faire courir le petit archet sur les cordes à toute vitesse. J'entendis un sifflement appréciateur qui la fit sourire. Elle joua les notes aiguë puis brusquement s'arrêta. Et je me mis à chanter.
Hésitante au début, intimidée, je pris de l'assurance en voyant Earine me sourire. Au loin, Maura nous observait en souriant, je vis le jeune homme de la cuisine passer la tête pour observer. Une jeune serveuse engagée par Maura avait cessé son manège pour nous observer.
Nessi reprit sa mélodie, m'obligeant à chanter plus fort, alors qu'Earine saisissait la main de la jeune serveuse, la faisant éclater de rire, et l'entrainait dans une danse. D'autres jeunes gens se levèrent à leur tour, encouragés par ma sœur, et tous se mirent à danser et à frapper dans leurs mains sous les rires des clients. Du coin de l'œil, je vis Legolas et Aggur regarder tout ça d'un air impassible pour l'un, une véritable stupéfaction pour l'autre.
On attrapa Nessimelle, l'entraîna pour la faire grimper sur une table. Je suivai aussitôt le mouvement en riant, aidée de deux bras bienveillants. Et je me mis à chanter encore plus fort, observant avec joie l'heureux manège qui se déroulait devant moi. Earine tournoyait, tournoyait, dansait d'un bout à l'autre de la salle, passait d'un bras à un autre en riant et chantant à tue-tête.
Elle passa devant Aggur et, sans cesser de danser, lui fit signe de la rejoindre. Avec un sourire, il refusa, observant Earine comme si elle était la plus belle chose qu'il ait jamais vue. Et, j'en fus certaine, le prince Legolas, d'un mouvement imperceptible, poussa Aggur en avant, le forçant à rejoindre ma sœur qui l'entraina avec elle. Comme je le regardai d'un air éberlué, il posa un doigt sur ses lèvres en m'intimant au silence. Et comme une idiote, j'ai éclaté de rire.
Earine et Aggur dansaient ensemble à présent, éclatants de beauté et de grâce. Nessimelle était perdue dans sa musique, tournant sur elle-même en faisant jouer le petit archet sur les cordes. Je frappai dans mes mains en chantant à toutes forces, accompagnées d'autres voix qui connaissaient elles aussi cette chanson. Je tournai sur moi-même, prise d'un fol entrain que je ne me connaissais plus. Cela m'avait manqué !
J'avais le cœur qui battait la chamade, la voix vibrante, le sourire au lèvres et le bonheur à l'esprit. J'étais vivante, je m'en rendis alors compte.
Nessimelle cessa son violon et me prit par les mains en nous faisant tourner sur nous-mêmes pendant que j'atteignais la dernière note. La dernière note, la plus puissante et la plus forte que j'avais pû chanter. Les visages se brouillèrent autour de moi, le sourire du prince Legolas, ma sœur et son amoureux, l'air amusé de Maura.
Et puis, lorsque j'eus terminé ma chanson, ma soeur me poussa brutalement en arrière.
Je poussai un cri et tombai en arrière, basculant de la table. Je vis parfaitement l'immense sourire pétillant de ma sœur, que je ne compris pas. Pourquoi ? Je chutai, me préparant au choc, lorsque je sentis deux bras me rattraper. Il y eut une ovation joyeuse, les spectateurs brandirent leurs chopes.
Désorientée, paniquée, je me tournai vers la personne qui m'avait visiblement évitée une sacrée chute, et découvrit avec stupéfaction le visage de Targen. Surprise visiblement partagée, vu son air. Nous restâmes ainsi, choqués, alors qu'autour de nous les clients riaient et applaudissaient, Nessimelle fut chaleureusement félicitée. Et moi, idiote que j'étais, je ne faisais que le dévisager comme si je voyais un mort.
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Trois paires d'yeux... Bleues
Fanfiction"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...