Earine était partie depuis maintenant deux heures. Cela m'inquiétait, voilà quelque temps, ma sœur avait de plus en plus besoin de solitude. Et cela me brisait le cœur. Je refusais que ma sœur se terre dans le silence et la solitude, à devoir mentir afin de ne pas inquiéter ses proches. J'en connaissais trop la souffrance.
Naturellement, je voulais qu'elle soit libre, je voulais qu'elle ait son jardin secret, un endroit où réfugier toutes ses joies et tout ce qui lui faisait aimer la vie. Mais je refusais qu'elle s'y terre lorsque tout s'écroulait autour d'elle. Nous, ses sœurs, nous étions là pour ça.
- Laurelin ? M'appella Nessi.
Elle avait utilisé mon vrai nom, signe qu'elle tenait à avoir une conversation sérieuse avec moi.
- Oui ?
- C'est Maura, répondit ma sœur en se mordant la lèvre, préoccupée.
- Comment ça ?
- Elle dit... Elle dit que les gens commencent à... nous craindre.
Je restai sciée. Effectivement, je sentais depuis quelque temps une tension sur le village, sentiment qui me déplaisait beaucoup. Pour ne pas inquiéter mes sœurs, je ne leur avais rien dit, mais je leur avais demandé de redoubler de prudence. Malheureusement, c'était sans compter sur l'intelligence de ma benjamine.
- C'est vrai, répondis-je. Mais tu n'as rien à craindre des villageois. Au contraire, montres-leur que notre présence est bénéfique.
Nessimelle hocha la tête.
- Donc, dit-elle lentement, aucune infraction au règlement ne devra être autorisée ?
- En effet, répondis-je. Il faudra limiter nos sorties dans la Forêt Noire.
Ma sœur leva un regard pâle vers moi, et je compris brusquement où elle voulait en venir.
- S'ils apprennent qu'Earine y est, ça va être une émeute.
Le feu aux poudres. Earine était l'étincelle, la forêt, la mèche.
Je me levai d'un bond des escaliers où j'étais et me jetai en avant, droit sur la porte de service, qui donnait directement sur la forêt.
- Nessimelle, tu t'occupes de tout, tu vas y arriver, assurai-je. Je vais chercher Earine. Je serais de retour dans peu de temps.
- Fais vite, répondit ma sœur.
Je déposai un rapide baiser sur sa joue et m'en allai en courant. Une nouvelle fois, je devais sauver mes sœurs.
Cela faisait près d'un quart d'heure que je marchais, le souffle saccadé et les jambes courbaturées. Ce matin même, Earine m'avait persuadée de mettre ma plus jolie robe, la blanche, mais qui malheureusement ne m'aidait pas dans mon excursion. Je n'osais pas appeler, de peur de tomber sur une créature malfaisante. On racontait que des araignées géantes pullulaient ici. Je ne mourrais pas d'envie d'en croiser une.
Marcher encore et encore, cherchant ma sœur du regard. C'était la seule chose que je pouvais faire à cet instant. Et cela me déplaisait fortement. Où était Earine, oh, où était ma sœur ?
Je sentais la panique se répandre lentement sous ma peau, tel le poison des lames maléfique que l'on contait dans les histoires de notre passé. Mes cheveux me tombaient sur le visage, mon équilibre laissait à désirer. Je ne cessais de trébucher sur des pierres et des racines, me retenant d'une main à un arbre.
Mes yeux brouillés par la peur m'empêchaient de voir clair. J'imaginais malgré moi les pires scénarios.
"Earine... pensai-je. Earine, ma sœur, où es-tu ? Est-ce que tu as été attaquée ? Est-ce que tu as chuté dans un ravin, dans un trou si profond que même ta tête ne peut pas en sortir ? Est-ce que tu as froid et tu pleures parce que tu voudrais rentrer à la maison, mais que tu n'y arrives pas ? Tu ne devais pas avoir à vivre ça, petite sœur. J'arrive, je vais te sortir de là... Je vais te sortir de là..."
Les larmes menaçaient de couler, une force incroyable me broyait le ventre. J'avais mal, mais j'avançais encore parce que ma petite sœur, le bébé que j'avais porté sur mon dos une nuit entière, avait besoin de moi. Elle aurait toujours besoin de moi.
Je relevai la tête, essuyant la sueur qui perlait sur mon front, lorsque je reconnus au loin la silhouette élancée et les longs cheveux bruns de ma sœur. Un soupir de soulagement m'échappa, et je m'apprêtai à l'appeler lorsque mon esprit accepta enfin la vision que j'avais sous les yeux.
Ma sœur, debout dans une clairière baignée de lumière, embrassait un elfe.
Publié le 27 mars 2019
VOUS LISEZ
Trois paires d'yeux... Bleues
Fiksi Penggemar"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...