Je m'éveillai dans une semi obscurité qui me terrifia. Je n'avais pas peur du noir, mais j'étais à jamais marquée par les ombres qui semblaient prendre vie dans une lumière aussi faible que celle-ci.
Je refermai immédiatement les paupières, m'efforçant de calmer ma respiration. J'étais seule, c'était tout ce que j'avais eu le temps d'apercevoir. Respirant profondément, je tentai de faire un rapide compte rendu de la situation. J'étais allongée dans un lit outrageusement doux, portant une chemise de nuit d'une délicatesse et d'une finesse incroyables. Mon épaule était bandée mais je ne ressentais plus la moindre douleur. L'air n'avait rien de particulier, je sentais sous mes doigts la tiédeur de mes draps.
J'entrouvris prudemment une paupière et remarquai que j'étais dans une pièce plutôt petite, sans fenêtre. Et pourtant la lumière provenait de je-ne-savais où.
Était-ce là les cavernes de Mandos ? Non, me ravisai-je, la broderie du col en V de ma robe était un travail elfique. Mais alors...
Un murmure derrière la porte qui fermait la pièce attira mon attention.
- Comment va-t-elle ?
- Son état est stable, mais elle était en état de choc lorsque vous l'avez retrouvée. Elle n'a pas repris connaissance.
La première voix était celle de l'elfe blond. Décidemment, il semblait que le destin ne cessait de faire croiser nos chemins. L'autre, féminine, m'était inconnue.
Je me redressai sur un coude et voulus les avertir de mon réveil lorsque les mots que je m'apprêtai à prononcer restèrent bloqués dans ma gorge. Je toussai pour tenter de me libérer, rien à faire. L'air me manqua, je suffoquai. Me débattant malgré moi, je tombai de mon lit.
Le bruit que je fis en heurtant la table à côté alerta les deux personnes qui se précipitèrent à l'intérieur. Les yeux embrumés, j'entendis une voix calme mais tranchante ordonner :
- Immobilisez sa tête.
"QUOI ?" Hurla mon pauvre esprit martyrisé. "Je suis en train de mourir !"
Ce fut ma seule pensée. Moi, Laurelin, allais mourir d'étouffement après avoir survécu à un assassinat, une toundra gelée, cent-cinquante ans de vie commune avec deux folles dans un milieu humain, un village en colère, une forêt hostile et des araignées géantes amatrices de chair humaine.
L'instant d'après, un liquide chaud et sucré me coulait entre les lèvres, décollant ma langue de mon palais. Je pris une profonde inspiration, ouvrant de grands yeux sur les visages de mes sauveurs. Celui de l'elfe paraissait inquiet, l'autre respirait le calme et la sérénité.
Rassurée, je refermai les paupières en poussant un soupir de soulagement. Bénis soient les Valars.
- Tout va bien maintenant, c'est fini, murmura la voix de la femme.
Je sentis mon cœur se pincer. Sa voix semblait exactement être celle d'une mère. Une main fine se posa sur mon front.
- Je ne crois pas qu'elle soit encore totalement consciente, diagnostiqua la voix de la femme.
Des mains me soulevèrent et me redéposèrent sur le lit avec douceur.
- Mes sœurs... Je veux voir mes sœurs, s'il vous plaît...
Ma voix semblait si faible, si petite. J'en avais presque honte.
- Dois-je... Demanda la voix grave.
- Il semblerait en effet que nous devrions accéder à sa requête.
Des pas rapides s'éloignèrent, quittant la pièce. La douce main caressa mes cheveux.
- C'est fini.
J'en avais presque envie de pleurer tant cette voix semblait être celle de ma mère. Au-dehors, la voix de l'elfe communiquait des ordres à quelqu'un.
Un sursaut de fierté me força à ouvrir les yeux. Étais-je en train de me laisser aller ? C'était hors de question !
Intriguée, je tournai la tête vers la femme qui m'avait soignée, découvrant un visage gracile auréolé de cheveux sombres, d'une beauté sans pareille.
- Bonjour, murmurai-je, et ma voix me sembla un peu plus ferme.
- Bonjour, répondit-elle avec un sourire. Comment vous sentez-vous ?
- Mieux, grâce à vous. Merci de m'avoir soignée.
- Je vous en prie, a-t-elle sourit.
L'autre elfe rentra dans la pièce, et parut surpris de me voir le regarder comme s'il lui était poussé une seconde tête.
- Vous êtes réveillée.
- Et vous, vous êtes toujours là, répondis-je sans trop m'en rendre compte.
Mes pensées étaient trop incohérentes pour formuler une paroles sensée. L'elfe haussa un sourcil amusé alors que la guérisseuse dissimulait un sourire.
- Je vais... hum... Toussota-t-elle avant de sortir de la pièce comme si je lui avais fait peur.
Je sentais une migraine pointer le bout de son nez alors que l'elfe déclarait :
- J'ai envoyé un garde chercher vos sœurs.
- Excusez-moi, j'aurais quelques questions, commençai-je en me contorsionnant pour redresser ma tête.
- Je vous en prie.
- Où sont mes sœurs ? Comment vont-elles ? Que leur avez-vous fait ? Où suis-je ? Et qui êtes-vous ?
L'autre me lança un regard incrédule.
- Vous aviez dit que je pouvais poser mes questions, me justifiai-je.
- Je n'imaginais pas que vous en auriez autant, marmonna-t-il, me faisant sourire. Pour commencer, vos sœurs sont ici même, dans nos cavernes, et si j'en crois la façon dont votre cadette m'a crié dessus quand j'ai voulu vous porter secours lorsque vous vous êtes évanouie, elles sont en pleine forme.
Je m'en étouffai pour de bon. Earine n'avait tout de même pas osé... En même temps, c'était son caractère, je la voyais bien agir de cette manière. Rouge de honte, je m'enfonçai dans mes oreillers. Mais l'elfe semblait au contraire plus amusé qu'offensé.
- Toutes mes excuses, grognai-je. Ma soeur n'a jamais été diplomate.
- Vous n'avez pas à vous en excuser, sourit-il.
- Où sont-elles à présent ?
Comme il ne répondait pas, je lui indiquai :
- Je suis au courant, pour son amoureux.
- Ah. J'avais cru comprendre la dernière fois que ce genre de choses vous chagrinait, s'excusa-t-il.
Un brusque sentiment d'effroi me saisit.
- Rassurez-moi, vous ne leur avez pas dit l'état dans lequel vous m'aviez trouvé la dernière fois ? Demandai-je d'une voix tremblante.
L'elfe darda son regard bleu perçant sur moi, me faisant frémir.
- Naturellement. J'ai cru comprendre que vous ne teniez pas à ce que cela se sache. N'ayez crainte, je ne le répèterais pas.
Je poussai un soupir de soulagement. Cet elfe remontait sérieusement dans mon estime. D'ailleurs, il était trop parfait pour que cela ne cache quelque chose. Euh, à quoi venai-je de penser ? J'étais fatiguée, décidément.
- Ce qui ne me dit toujours pas qui vous êtes, remarquai-je.
L'autre sembla hésiter franchement, visiblement peu enclin à dévoiler son identité. Aha ! Le voilà, le défaut ! Cet homme était un agent secret du roi.
- Je me nomme Legolas Thranduilion.
Publié le 22 juillet 2019
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Trois paires d'yeux... Bleues
Fanfic"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...