Chapitre XXVII

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- Ce n'est pas ce que je voulais dire par "frapper", mais chaque chose en son temps.

En effet, j'avais dû changer de plan. Mon "attaque" attendrait, j'avais plusieurs choses à acquérir avant.

À la limite des arbres, nous nous étions arrêtés. Moi et mes deux sœurs, silencieuses. Earine tenait la main d'Aggur, qui remontait de plus en plus dans mon estime. Le prince Legolas, son arc et son carquois dans son dos, se tenait à quelque pas en respectant notre recueillement. Targen était derrière nous, dissimulé dans l'ombre. Je n'avais pas dû le rappeler depuis plusieurs heures, les intervalles entre ses pertes de contrôle étaient de plus en plus longues. C'était bon à savoir, nous progressions.

On aurait dit que nous étions incapables de bouger. Comme si nous avions peur de franchir la limite sacrée et protectrice de la forêt. Je voyais presque nos trois fantômes passés qui couraient sous les arbres pour échapper à la mort. Le champ que j'avais brûlé se trouvait bien plus au nord.

- On y va ? Demandai-je, brisant le silence.

Mes sœurs hochèrent la tête. Je pris une profonde inspiration et sortait du bois avec indifférence.

Nous avançâmes calmement vers la maison qui était devant nous, ses fenêtres éclairées par le feu à l'intérieur. C'était la dernière fois que nous faisions ce chemin et nous le savions. Et même, nous avions changé depuis que nous avions quitté l'auberge de la Lune. Même si cela ne faisait que quelques semaines, nous avions toutes les trois grandi depuis notre départ.

Nous nous arrêtâmes face à la porte de service qui ne retenait pas les rires et les bruyantes conversations qui retentissaient à l'intérieur. Mon cœur pleurait de revoir cette maison dans laquelle nous avions tant vécu, dans laquelle mes petites sœurs avaient appris tant de choses.

- Entrons, décidai-je.

Je sentais que quelqu'un avait besoin de prononcer ces mots.

J'ouvris la porte et pénétrai à l'intérieur, immédiatement frappée par la chaleur de la pièce. Cela sentait la nourriture et la soupe, et cette odeur m'avait manquée. La cuisine n'avait pas changé, seulement, certains ustensiles avaient été changés de place, il semblait que tout était différent.

Un jeune homme se tenait au dessus d'une marmite, nous regardant avec stupéfaction, bouche bée. Notre remplaçant, constatai-je avec amertume. Son regard nous détailla tous, il tiqua face à la beauté apparente d'Earine. Ce fut avec amusement que je remarquais qu'Aggur s'était imperceptiblement rapproché de ma sœur, ce qui sembla la satisfaire.

- Nous venons voir Maura, nous la connaissons. Pouvez-vous la prévenir de notre présence ?

Toujours bouche ouverte, il hocha la tête et sortit vers la salle principale. Nessimelle se précipita aussitôt vers la cheminée pour déplacer des casseroles et les remettre là où nous avions l'habitude de les voir.

- Qui est l'imbécile qui a mis ça là ?! S'exclama-t-elle.

Elle chassa la poussière de la main alors qu'Earine et moi échangions un regard. C'était à en briser le cœur.

Notre ancienne patronne entra alors avec précipitation et s'arrêta en nous voyant. Nessimelle se précipita aussitôt dans ses bras en criant son prénom avec joie. Earine et moi nous contentâmes de sourires pas tout à fait sincères.

- Que faites-vous là ? Nous demanda Maura.

- On est venus chercher nos affaires, répondit aussitôt Nessimelle.

- C'est dangereux.

Je haussai un sourcil. Après ce à quoi j'avais fait face, la colère de ce village m'importait peu.

Trois paires d'yeux... BleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant