Chapitre X

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Une aube grise et terne se levait lentement, alors que nous nous étions arrêtées pour nous reposer quelques instants. Je n'avais pas fermé l'oeil une seconde, terrifiée à l'idée que l'homme aux yeux d'or nous surprenne. Je n'avais rien dit à mes sœurs à son sujet, de peur de les effrayer un peu plus, si c'était encore possible au point où nous étions.

J'avais froid dans ma robe légère qui dévoilait mes avant-bras. Ce froid me tenait en alerte, me permettait de ne pas succomber au sommeil. Je me sentais mal, terriblement mal. Il y avait toujours le sang de l'homme que j'avais frappé sur mon poing, je n'étais pas parvenue à l'essuyer.

Nessimelle semblait épuisée, tout les sens pourtant aux aguets. Elle s'était endormie dès que nous nous étions arrêtées, la tête sur mes genoux. Earine, elle, avait bien compris que nous devions quitter notre village, à cause de révoltes, pensait-elle, mais n'en était pas chagrinée. Je savais qu'elle rêvait à son amoureux.

Moi aussi, je pensais aux elfes de la Forêt Noire. Je savais que leur roi Thranduil était quelqu'un d'étrange, froid, différent des autres. Accepterait-il de nous accueillir, moi et mes sœurs ? Ou bien devrais-je trahir le serrer de notre identité dont Earine n'avait que de vagues souvenirs ?

Qu'auraient fait Ada et Nana dans une telle situation ?

Nous avions repris notre course, ne parlant que pour exprimer les nécessités. L'air était si froid que pour un peu de la buée se serait échappée de nos lèvres.

Je courrais encore, plongée dans mes pensées. Toujours les mêmes. L'homme aux yeux d'or et sa troupe d'assassins étaient parvenus à nous retrouver malgré tout mes efforts. Ils savaient où nous étions, ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'ils n'attaquent. Et l'un d'entre nous y laisserais sa peau. Je veillerais à ce que ce ne soit pas mes sœurs.

Earine nous guidait, courant bien plus vite que nous. Je me sentais à bout de force, le ventre creux, l'esprit embrumé, les jambes flageolantes. Si nous n'atteignions pas bien vite les cavernes des elfes, je risquais de m'écrouler à tout moment.

Un cri me tira de mes pensées. Me retournant vivement, je vis Nessimelle, entraînée vers la terre, qui se débattait. J'accouru aussitôt, attrapai ma sœur par les bras et la tirai vers moi. Rien à faire.

- Qu'est-ce que c'est ? Criai-je.

- Une araignée géante ! S'écrièrent mes sœurs en cœur.

La terreur s'empara de moi. Lorsque Nessimelle fut tirée à l'intérieur du feuillage, moi et Earine nous lançâmes à sa poursuite.

Dessous, l'atmosphère était si lourde que je faillis m'en étouffer. Le soleil n'éclairait pas à cet endroit, tout était noir. Des toiles d'araignées d'une taille ahurissante étaient tissées entre les branches.

Je courus à la suite de l'araignée monstrueuse qui tenait ma sœur et sans réfléchir, lui sautait sur le dos. Elle encaissa le choc en s'écrasant sur sa branche, Nessi en profita pour s'échapper à grands renforts de coups de pieds. Ma sœur sauta immédiatement dans les bras tendus d'Earine qui se tenait à notre gauche et je m'apprêtais à les rejoindre lorsqu'on me rattrapa par la robe.

Une seconde araignée m'avait saisie entre ses mandibules. Alors que je battais des jambes pour tenter de lui flanquer un coup, l'araignée se reçut un morceau de bois dans l'oeil.

- Eh, face de cafard ! Lâches ma sœur !

Earine, qui d'habitude avait déjà peur des araignée de taille normales, réitéra son attaque en lançant un second bâton. Profitant que l'araignée ne faisait plus attention à moi, je poussai sur mes pieds et me dégageai.

Malheureusement, je me retrouvai ainsi à tomber dans le vide, et je ne dus mon salut qu'à une branche miraculée. Le souffle coupé, je me redressai en poussant un gémissement, alors que mes sœurs me rejoignaient en glissant agilement.

- Ça va ?

- Parfaitement. On court !

Et nous primes nos jambes à nos coups sans demander notre reste. Seulement, les araignées ne comptaient pas renoncer à un si bon repas aussi facilement. Avec des cris de rage, elles se lancèrent à notre poursuite.

Elles étaient rapides. Mille fois plus rapides que je ne l'avais imaginé. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elles nous avaient rejointes. Je poussais mes sœurs en avant lorsqu'elles s'arrêtèrent tout à coup.

Les araignées nous encerclaient.



Trois paires d'yeux... BleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant