Chapitre XXIII

512 45 8
                                    

Note : Targen se prononce Tar-gu-èn, en gros. Biz.

- Vous n'êtes pas blessé, vous ?

Assise sur le sol, le dos appuyé contre les racines d'un arbre, je surveillai attentivement chaque mouvement de mon "sauveur" qui soignait ma cheville, fabriquant une attelle de fortune. Je l'aurais bien fait moi-même, mais j'avais tendance à ne pas serrer assez fort les bandages, de peur de blesser la personne qui les portait. Et puis je tremblais bien trop. Targen n'avait pas cette considération.

- Non, répondit-il simplement.

Bien. Je rejetais la tête en arrière pour respirer profondément l'air froid de la nuit. Mes mains tremblaient si fort qu'on aurait pu croire que j'étais prise de spasmes. Et j'avais un hoquet qui ne cessait de revenir de temps à autre.

- Savez-vous mon nom ? Lui demandai-je alors.

Il eut un rictus.

- J'ai peur que nous n'ayons pas été présenté.

Tiens, il faisait de l'humour. Je prenais une profonde inspiration pour me calmer.

- Je m'appelle Laurelin.

Pas de réponse. Chaque fois que ses doigts touchaient ma peau, je ressentais une intense brûlure chatouilleuse qui m'obligeait à me retenir de hurler. Mais c'était normal, j'étais à bout de nerfs et je n'avais jamais aimé les contacts physiques.

- On m'avait dit qu'il fallait vous tuer, je crois.

C'était la première fois qu'il prenait la parole de son plein gré.

- Vous ne réagissiez qu'aux ordres, n'est-ce pas ? Demandai-je.

Il leva la tête vers moi, ses yeux noirs refusant malgré tout de regarder dans les miens, choses qui ne me déplaisait pas.

- Comment savez-vous-

- La troupe d'assassins qui me traquaient sont connus pour leurs méthodes. Ils "lavent" les esprits de leurs mercenaires, faisant d'eux des pantins, des marionnettes facilement manipulables.

- Mais vous avez été capable de briser cet endoctrinement, remarqua-t-il, continuant sa tâche.

Ouh, endoctrinement. Un mot délicieusement complexe qui me plaisait énormément. Et qui s'appliquait parfaitement à la situation. Un point pour lui.

- Ça fait partie de mes capacités. Ouch, grognai-je alors qu'il serrait un peu trop fort.

- Pardon, s'excusa-t-il. Mais comment avez-vous fait ?

- Je ne sais pas. C'était la première fois que je le faisais.

Cette fois-ci, il releva la tête vers moi, un lueur effarée dans ses yeux malgré son visage impassible.

- Vous ne l'aviez jamais fait avant ?

- Non, répondis-je, commençant à apercevoir la pente glissante sur laquelle je m'engageais.

- Êtes-vous en train de me dire que vous vous êtes jetée dans la gueule du loup en comptant sur un don que vous n'aviez jamais utilisé avant ?! Êtes-vous folle ou bien stupide ?

- Les deux.

- Et comment comptez-vous faire ? Demanda-t-il en se redressant après avoir terminé mon bandage. Que comptez-vous faire si je perds de nouveau le contrôle ?

- Je recommencerais, répondis-je en me relevant, m'appuyant au tronc de l'arbre.

Il poussa un soupir d'agacement.

Trois paires d'yeux... BleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant