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Carmen :

Assise sur l’un des hauts tabourets de la cuisine, je buvais mon thé à la camomille en écoutant s’égrener les secondes par le tic-tac familier de la pendule. J’étais seule, Paola ayant dû partir en hâte : elle avait reçu un message clair et concis de son compagnon : « Reviens à l’hôtel, Carmen est hors de danger. Nous devons rentrer au plus vite à Saint-Pétersbourg. » 

Paola s’était donc exécutée avec un sourire navré et me voici ici, esseulée et morte d’ennui. La compagnie de Paola avait quelque chose de pétillant et d’excitant : la jeune femme avait un humour vif et la réplique facile. Son départ m’avait attristée ; même si nous nous connaissions depuis peu de temps, j’avais pu commencer à l’apprécier. Elle m’avait mise à l’aise dès le départ, avec une blague, deux, une pique amicale et un regard compréhensif.

Je ne m’étais pas ennuyée avec elle, au moins ! On ne pouvait pas en dire autant à présent qu’elle était partie...

Je bus d’une traite le fond de ma boisson et rangeai la vaisselle avant de filer à l’étage. Rendue frileuse par le liquide chaud qui m’avait détendue, j’avais envie d’une tenue plus confortable. Postée devant mon armoire aux portes grandes ouvertes, je me décidai sans vraiment y prêter d’attention pour un tee-shirt blanc et un jogging noir.

J’étais en train de me déshabiller lorsque la porte d’entrée claqua bruyamment. Subitement paniquée, je me hâtai d’enlever mon pantalon et d’enfiler le jogging mais bien trop vite, des pas se profilèrent dans l’escalier.

— Carmen ? Appela-t-il, juste derrière la porte, dans le couloir.

— Dans la chambre ! Par contre, n’entre p...

Je ne pus terminer ma phrase que la porte s’ouvrit à la volée, laissant entrevoir un Léandre couvert de sang. Je poussai un cri, surprise non pas par son interruption intempestive mais par son état, ou plutôt celui de ses vêtements. Être en soutien-gorge devant lui ne m’empêcha pas de m’approcher pour vérifier ses blessures.

— Tu… es-tu...

— Indemne, mia dolce. Affirma-t-il doucement en faisant un pas vers moi. Ce n’est pas mon sang.

Cette nouvelle n’aida pas la pilule à passer plus facilement.

— Si ce n’est pas le tien, à… à qui est-il ?

Léandre cessa de se rapprocher et devint très prudent dans le choix de ses mots.

— À Richard Pendez. Je l’ai tué. Je voulais que tu n’aies plus jamais peur de lui.

Les larmes me montèrent aux yeux. Il avait tué Richard Pendez… Tué celui qui m’avait tuée de l’intérieur... et Léandre devenait ainsi un meurtrier lui aussi.

— Tu l’as tué. Répétai-je d’une voix blanche, tétanisée.

— Il est mort, Carmen. Tu ne le verras plus jamais, tu n’auras plus jamais à redouter une agression de sa part. Je l’ai fait pour toi… pour que tu te sentes libre.

— Tu l’as tué pour moi. Léandre... 

J’avais du mal à démêler mes sentiments. J’étais un peu en colère… un peu inquiète… et soulagée. Immensément soulagée. Merveilleusement libérée de ce poids qui me comprimait la poitrine comme un étau.

Sans plus me demander si ce qu’il avait fait était juste ou non, je me précipitai vers lui et le serrai dans mes bras, enfouissant mon visage dans son costume maculé du sang de mon tortionnaire. Je n’en avais rien à cirer.

— Merci. Murmurai-je d’une voix éraillée. Même si c’était fou et inconscient et… et beaucoup d’autres choses, merci.

Visiblement un peu surpris, il me rendit néanmoins mon étreinte et posa son menton au sommet de mon crâne. Sa chaleur me rassura. Je n’étais plus seule.

𝕊𝕒𝕦𝕧é𝕖 𝕡𝕒𝕣 𝕦𝕟 𝕚𝕟𝕔𝕠𝕟𝕟𝕦 ⁽ᴿᵘˢˢⁱᵃⁿ ˢᵃᵍᵃ ²/ᵀᵉʳᵐⁱⁿé⁾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant