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( Robe de Carmen )

Carmen :

Negrita arriva dans la cabine avec une housse noire dans laquelle se trouvait une robe que je devinais volumineuse. Elle l'accrocha au porte-manteau et dézippa la fermeture Eclair.

- Tu vas fermer les yeux et me laisser te mettre cette robe sans broncher.

Je marquai mon accord d'un signe de tête puis fermai les yeux sans comprendre le sens de cette mascarade. Negrita s'approcha et m'indiqua de lever le pied.

- Alors raconte-moi. Demanda-t-elle. Comment as-tu rencontré mon neveu ?

- Euh... et bien... vous connaissez bien Léandre ?

- Oh, je sais qu'il a trempé dans pas mal de magouilles, alors je pense que tu peux tout me dire, ma petite.

- Il m'a achetée... sur une marché de prostituées.

Negrita poussa un cri d'horreur puis se mit à tousser. Je voulus me retourner mais elle posa fermement les mains sur mes épaules pour m'en empêcher.

- Un marché de... Comment... ?

- Negrita, s'il vous plaît, c'est... c'est une longue histoire et pas la plus facile à raconter...

- Oh là là, Carmen, ne te force surtout pas pour moi !

- Ne vous en faites pas, il ne faut simplement pas me couper.

Negrita ne répondit rien, aussi entamai-je mon monologue. Mon très long monologue. Pendant que Negrita me faisait passer la robe en silence, moi, les yeux fermés, je racontais cette période de ma vie où mon existence s'était fissurée. Curieusement, je n'avais pas vraiment peur de la raconter à Negrita. C'était même plutôt un soulagement de tout déballer à une femme qui se contentait d'écouter, sans faire le moindre commentaire. À la fin, j'étais essoufflée et un peu épuisée, aussi. D'avoir évoqué tous les démons qui avaient traversé ma vie... et que je ne croiserais plus jamais.

Negrita laissa s'écouler plusieurs secondes avant de briser le doux silence qui s'était insinué dans la pièce.

- Je suis heureuse que Léandre ait trouvé une fille comme toi, Carmen. Personne ne pourrait mieux lui convenir.

Rien n'était moins sûr... même si j'avais envie de la croire.

- Comment le sais-tu ? Lui demandai-je timidement.

- La seule femme qu'il m'ait jamais présenté comme étant sa petite amie était Ava, et il y a un monde qui te sépare d'elle. Ava était sa toute première... tu seras sa dernière.

Je ne répondis rien et de ses mains expertes, elle serra le corset de ma robe.

- Tu as fait des merveilles avec ce garçon, Dieu sait comment... Poursuivit-elle. Je retrouve le neveu que j'avais perdu des années plus tôt...

- Non, Negrita... Je n'ai rien fait en ce sens. Rien du tout.

- Oh si, tu en as fait des choses, Carmen. Des miracles, même ! Léandre ne s'était plus comporté de cette façon depuis Ava.

- Il m'a dit des mots semblables, mais comment puis-je savoir, Negrita ? J'ai l'impression d'être devenue importante en trop peu de temps...

- Le coup de foudre, ma petite ! Ne va pas chercher midi à quatorze heures. Léandre est fou amoureux de toi. Tu lui es indispensable, ça crève les yeux. Il est heureux avec toi.

- Je... je ne sais vraiment pas.

- C'est la vérité et il finira par te le prouver. Conclut-elle en piquetant un voile dans mes cheveux.

Negrita tira soudain le rideau et j'entendis un cri émerveillé qui ne pouvait provenir que de Paola. Mince... Depuis combien de temps était-elle ici ? Je ne l'avais même pas entendue entrer. Negrita ne me laissa pas le temps d'y penser car elle me prit la main et me guida jusqu'à l'estrade. Je sentais mon cœur battre à toute allure, comme si un événement capital approchait tel un train fou...

- Ouvre les yeux, Carmen... Me glissa Negrita.

J'obéis et le temps s'arrêta.

La robe, d'une blancheur d'opale scintillante, était une pure merveille. D'allure princière, elle abordait un large jupon de trois épaisseur : une en satin, une autre en soie et une dernière en tulle. Les manches larges et liserée effleuraient à peine ma peau et le décolleté laissait mes épaules à découvert. Ma main glissa lentement sur la taille qui semblait faite pour ma minceur et je tournai sur moi-même comme une petite fille avec sa jolie robe de princesse. Je n'avais plus les mots.

- Je ne sais pas quoi dire. Murmura Paola. Elle est parfaite, Carmen. En tous points parfaite.

- Merci. Dis-je d'une voix emplie d'émotion.

- Emballé c'est pesé ! Trancha Negrita. Il te faut cette robe, ma jolie !

- Quoi ? C'est hors de question, Negrita, elle vaut une fortune ! Et puis je ne vais même pas me marier !

Le sourire espiègle de la tante de Léandre me fit aussitôt changer d'avis.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça, dulce mìa ?

𝕊𝕒𝕦𝕧é𝕖 𝕡𝕒𝕣 𝕦𝕟 𝕚𝕟𝕔𝕠𝕟𝕟𝕦 ⁽ᴿᵘˢˢⁱᵃⁿ ˢᵃᵍᵃ ²/ᵀᵉʳᵐⁱⁿé⁾Où les histoires vivent. Découvrez maintenant