Chapitre 4

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- J'aurais besoin que tu fasses des heures supplémentaires demain, je ne peux pas m'occuper du magasin et je peux encore moins me permettre de fermer toute la journée.

Je retiens un soupir et arrête de passer le balai dans le rayon cigarette pour me tourner face à ma patronne. Ses mains sont enfoncées dans ses poches et elle mâchouille nonchalamment un chewing-gum prit dans ma caisse.

- J'ai cours le lundi. Dis-je simplement en rattachant correctement mes cheveux.

- Je croyais que tu avais besoin d'argent, je me trompe ? Si c'était réellement le cas, tu ne cracherais pas sur une journée de salaire supplémentaire.

Mes épaules s'affaissent, signe que je m'avoue vaincue. Elle le comprend bien et tourne les talons, me demandant d'arriver pour huit heures demain matin. Quand j'entends la cloche signifiant son départ, je laisse passer ma frustration en donnant un coup de pied dans mon balai qui retombe dans un bruit sourd. Je le rejoins à même le sol, mon dos reposant sur l'un des étalages de cancer en libre-service. Je prends mon visage entre mes mains et essaye de relativiser ; je passerais une journée loin de ma classe et surtout des garçons, peut-être que ça suffira pour qu'ils m'oublient ? Probablement pas.

La cloche retentit de nouveau et je reprends contenance. Il est déjà assez tard dans la soirée et il est préférable que je ne sois pas en position de faiblesse quand un client un peu trop éméché entre dans la boutique. Je défroisse mon gilet aux couleurs de l'enseigne et ramasse mon balai, reprenant ma tâche, comme si de rien n'était.

- Excusez-moi, vous avez des ramyeon sauce teriyaki ? Lance une voix dans mon dos.

Je fronce les sourcils, certaine de reconnaître ce timbre assez particulier et, sur la défensive, je tourne légèrement mes épaules en direction du propriétaire de cette dernière. Je ne suis même plus étonnée en rencontrant le regard sombre de Han Jisung, ayant la désagréable impression qu'il se trouve à chaque coin de rue que je parcours.

- Naesil, tu travailles ici ?

- Visiblement. Grimacé-je en serrant mes mains dans mon dos. Les ramyeon sont au fond du magasin, à droite.

Je me précipite jusqu'à ma caisse, pestant contre l'entité supérieur qui met Jisung sur mon chemin à chaque seconde de ma vie depuis le milieu de la semaine.

Je me laisse choir sur la chaise la moins confortable de cette terre et attends qu'il ait fini ses quelques emplettes, ma tête dans mes mains. Lorsqu'il me rejoint, une dizaine de minutes plus tard, ses bras son chargé d'une dizaine de boîtes à nouille instantanée et d'un lot aussi conséquent de canettes de sodas. Il laisse le tout tomber sur le tapis et vient frotter l'arrière de son crâne du plat de sa main.

- Tu vas finir par croire que je te suis partout. Lance-t-il gêné.

- C'est ce que je crois. Me contenté-je de répondre en passant les codes-barres un à un.

- Tu veux te joindre à nous ? Il n'y a pas l'air d'y avoir foule ce soir.

Il pointe l'extérieur du magasin dans son dos et je remarque seulement la présence de ses sept amis, confortablement installés sur les deux tables en plastiques mises à la disposition des clients. J'appuie simplement sur la bouilloire en libre-service situé à ma droite avant de lui répondre.

- Je ne peux pas quitter mon poste comme ça, 41 533 won, s'il te plaît.

Il me tend quelques billets que j'encaisse avant de glisser ses achats dans un sac plastique que je dépose de l'autre côté de ma caisse.

- Je t'ai pris une part, on peut t'attendre si tu veux. Propose-t-il en récupérant son sac.

Je le fixe un instant avant de secouer ma tête de gauche à droite, bien que sa proposition d'un premier vrai repas en compagnie de quelqu'un m'attire plus que je ne voudrais le croire, je ne peux pas accepter.

- Désolé, je finis tard.

Le cran de la bouilloire saute, signe que l'eau est prête pour leur festin, mais pourtant, il ne bouge pas, ses pieds semblent ancrés dans le sol.

- Alors qu'on a cours demain ? Tu travailles souvent ici ?

Je sors immédiatement de ma léthargie et attrape la bouilloire pour lui tendre. Je n'aime, certes, pas être seule, mais j'aime encore moins les fouineurs. Il s'en saisit tant bien que mal et semble attendre une réponse avant de rejoindre ses amis qui nous fixent sans vergogne de l'autre côté de la vitre.

- Bon appétit Han Jisung, pensez à ramener la bouilloire et à débarrassez votre table avant de partir.

Ses épaules retombent légèrement et il me tourne le dos sans m'accorder un regard de plus. Le mien, de regard, le suis jusqu'à ce qu'il quitte la boutique et que ses amis l'accueillent à l'extérieur. Depuis ma place, j'arrive presque à distinguer leurs remarques. Elle ne veut pas manger avec nous ? Je savais bien que je l'avais déjà vu en dehors du lycée. Mais elle travaille jusqu'à quelle heure ?

Pour ne pas passer le reste de ma soirée à les observer comme je sais si bien le faire, je retourne à mon balayage des rayons. J'y passe volontairement le plus de temps possible, m'occupant de recoins qui n'ont probablement jamais vu de balais de leur existence. Je retourne vers ma caisse quand j'entends la sonnette retentir à deux reprises, signes qu'ils doivent être partis.

Je suis soulagée en trouvant la bouilloire à sa place. Je m'autorise un coup d'œil à l'horloge et remarque que mon service prends fin dans une petite heure. Ils sont resté longtemps, bien trop pour que ce soit sans l'arrière-pensée d'attendre que je termine ma journée de travail.

Je regarde une cliente entré tout en m'installant derrière ma caisse. Le poids de la fatigue me tombe dessus comme une masse. Les dimanches sont les pires journées puisque je m'occupe du magasin du lever du jour jusqu'aux tréfonds de la nuit. Je me frotte les yeux sans retenu quand la cliente me rejoint. Elle est assez jeune, peut-être deux ou trois ans de plus que moi.

- Ce n'est pas simple les jobs étudiants, n'est ce pas ? Demande-t-elle de façon bienveillante.

- Je préférerais volontiers être dans le fond de mon lit. Rié-je doucement.

Elle m'explique travailler de nuit dans une usine en parallèle de ses études de médecine. Je lui souhaite bon courage pour la suite, chose qu'elle me retourne en quittant les lieux.

- Et puis n'hésite pas à en parler à tes amis, j'ai l'impression qu'ils te soutiennent à fond.

Je fronce des sourcils alors que sa silhouette disparaît dans la nuit, ne comprenant rien à ses derniers mots.

- Mes amis ? Murmuré-je pour moi-même en me relevant, faisant le tour de ma caisse pour répondre à mes interrogations.

Je trouve rapidement en me mettant à la place de la cliente. Directement, mon regard rencontre un petit post-it jaune collé contre le comptoir. Je le décolle doucement, ayant presque peur qu'il s'évapore à mon toucher.

"Fighting Naesil ! On se voit demain ;)) Les Stray kids"

Je comprends sans difficulté que ce nom est celui du groupe de musique qu'ils forment tous les huit et je n'arrive pas à retenir un fin rictus en relisant le message. Sans vraiment réfléchir, je le glisse dans la poche de mon jeans quand la clochette retentit pour la dernière fois de la nuit, voulant cacher cette note des yeux du monde extérieur, comme si elle n'appartenait à moi et à personne d'autre.

- Tu peux rentrer chez toi Naesil.

Je n'accorde aucun regard à ma patronne et fuis la boutique, ma main serrant sans relâche le papier dans ma poche et je m'y accroche, comme on s'accroche à une bouée au beau milieu de l'océan. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant