Chapitre 5 partie 2

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- Ce sont eux ? Ta famille ?

Je fais volte face et découvre ce que son doigt est en train de pointer. Le cadre photo. L'unique trace de ma famille détruite. Les quatre visages souriant me narguent et je ferme les yeux. Je ne veux pas parler d'eux. Je ne veux pas parler du passé.

***

J'entends Jisung se déplacer, je sens l'air se mouvoir autour de moi et instinctivement, j'attrape son bras. J'ouvre de nouveau les yeux et fais face à sa mine surprise de ce contact.

- Arrête, s'il te plaît.

- Pourquoi ? Je suis sûr que tu es très belle sur cette photo et puis...

- Je n'ai plus aucune famille, alors, arrête de poser des questions.

Le silence prend place, il me colle à la peau et celle de Jisung sous ma paume me brûle, mais j'y reste accroché. Comme s'il m'empêchait de craquer, de m'effondrer.

Et pourtant, d'un simple geste de l'épaule, il se dégage de ma prise pour venir attraper le cadre photo de ses longues mains et penche son nez au-dessus des visages, comme aspiré dans le cliché.

- C'est lui ton père ? Et ça, c'est ta mère ? Tu lui ressembles. Et je suppose que le garçon, c'est ton grand frère. Tu es jeune là-dessus.

Je serre les dents et laisse mes poings retomber le long de mon corps.

- Pourquoi tu fais ça ? Craché-je, amère.

Il prend le temps de reposer la photo à sa place avant de lever deux billes noires vers moi. Je recule d'un pas quand il essaye de s'approcher et me réfugie dans la cuisine, le plan de travail servant de muraille entre lui et moi.

- Je veux simplement te comprendre, pour pouvoir d'aider. Souffle-t-il en joignant ses mains l'une à l'autre.

- M'aider ? Qu'est-ce qui te fais croire que j'ai besoin d'aide ? Je me portais très bien jusqu'à ce que tu décides de fourrer ton nez là où il n'a rien à y faire. Rien dans ma vie ne nécessite ton intervention et...

- Tout. Me coupe-t-il.

Ma bouche se referme instantanément et la pression de mes poings se relâche peu à peu. Il doit remarquer mes interrogations dans mon regard car il passe une main dans ses cheveux avant de reprendre.

- Tout, chez toi, est un appel à l'aide Naesil. Je ne sais pas de quoi est constitué ta vie, mais je ne peux pas faire semblant de ne rien voir. Je suis incapable de te laisser comme ça.

- Je ne te demande rien. Sifflé-je en défiant son regard.

- C'est bien ça le problème.

Il s'approche de moi et mes côtes s'enfoncent le plus possible dans le bois du plan de travail pour lui échapper. Seulement là, alors qu'une douleur vive part de mon flanc droit, je comprends qu'il se dirige vers ma bouilloire pour verser l'eau bouillante dans nos bols.

- Si tu en demandais, de l'aide, tu ne serais pas aussi hostile à mon irruption dans ta vie ni celle des autres garçons d'ailleurs. Ils t'ont fait quoi les gens pour que tu les fuies comme la peste constamment ?

Il traverse l'appartement pour venir attraper l'unique chaise que je possède. Il la porte jusqu'à moi et m'invite silencieusement à m'asseoir, ce que je fais sans protester. Il pose devant moi mon bol et la canette de soda qu'il a acheté la veille et s'accoude face à moi pour manger son repas.

J'ai du mal à retenir mes tremblements quand je vais pour attraper mes baguettes et il le remarque directement. Ses yeux sont à l'affût du moindre de mes faits et gestes, comme s'il avait peur que mes nerfs lâchent d'un instant à l'autre pour pleurer ou simplement pour le mettre à la porte.

J'aimerais tellement être capable de l'une de ces deux choses actuellement.

Nous mangeons dans un silence uniquement entrecoupé par nos bruits de mastication et ses regards. Il pousse un profond râle quand il vient à bout de sa portion et jette tous nos emballages à la poubelle sans que je n'aie le temps de me lever de mon assise, devenue indispensable. J'ai l'impression que mes jambes pourraient me lâcher à tout moment à cause de mon état de stresse ayant atteint ses limites dès qu'il a posé un pied chez moi.

Je le suis s'affairer dans la cuisine puis enfiler sa veste. Ma tension baisse doucement et j'ai presque retrouvé le calme lorsqu'il lace ses chaussures. Il s'en va.

- Tu dois croire que j'abandonne ? Lance-t-il une fois habillé, ses mains fourrées dans les poches de sa veste.

- Je pense que ce n'est qu'une illusion, je me trompe ?

- En effet, je trouve que j'ai déjà fait assez de chemin pour aujourd'hui. Ça ne sert à rien de se précipiter, mon but n'est pas d'arriver le plus vite possible auprès de toi, mais plutôt que tu finisses par accepter ma présence et pourquoi pas, la tolérer.

- Tu veux dire que tu ne vas pas me laisser tranquille ?

Un léger sourire vient habiller son visage, il ouvre la porte dans son dos et sort de mon appartement sans un regard. Ses derniers mots résonnent dans le couloir alors que le battant se referme.

- Justement Naesil, je ne compte pas te lâcher la grappe avant d'avoir vu un vrai sourire paisible sur ton visage.

Je ferme rapidement tous mes verrous et vide mes poumons de l'air qu'ils renferment en me laissant glisser au pied de ma porte.

Je prends mon visage en coupe et repasse le fil de cette étrange soirée dans ma tête. Rien de tout cela n'a l'air réel et pourtant, l'odeur des rameyon embaume encore mon appartement. Je me hisse jusqu'à mon lit et laisse tomber ma tête contre mon oreiller.

En remontant ma couverture sur mon nez, ma main rencontre le métal froid de la boîte. Je grimace et l'ouvre, attrapant les trois premières pilules blanches qui me tombent sous la main avant de les fourrer dans ma bouche.

Je les avale sans eaux et ferme les yeux, la lumière encore allumée créer des reflets jaunes et oranges contre mes paupières mais je suis trop fatiguée pour bouger.

- Tu ne fais qu'aggraver les choses, Han Jisung. On ne s'attache pas à une cause perdue. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant