Chapitre 2

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Huit heures, je suis officiellement en retard à mon premier cours de la journée et ce maudit feu refuse de passer au vert. Je grogne une fois de plus contre la circulation typiquement coréenne et augmente le volume de ma musique dans mes écouteurs. Le temps que les piétons aient l'autorisation de traverser, j'ai pu nouer correctement la cravate jaune et prune de mon uniforme et attacher mes longs cheveux sombres dans une queue basse reposant maintenant sur mon épaule gauche.

Je traverse le passage clouté à grandes enjambées et avale les derniers mètres me séparant de mon lycée en quelques foulées. Je me fais la plus petite possible lorsque je passe devant le bureau des surveillants avant de reprendre ma course jusqu'à ma salle d'histoire de la culture coréenne, au troisième étage.

Quand mon professeur, Monsieur Kim, ouvre la porte, mes mains reposent lourdement sur mes cuisses tandis que mes poumons cherchent désespérément à se remplir d'air. Un petit rire s'échappe des lèvres de l'homme face à moi et je me dépêche de rentrer, ma tête rentrée dans mes épaules.

Je retrouve avec plaisir ma place, seule au fond de la salle et me laisse tomber sur ma chaise. Alors que je sors mes affaires de mon sac, je remarque seulement le silence pesant dans la pièce. J'ose un regard vers l'enseignant avant de poser ce dernier sur la configuration de la salle. Mes camarades ont assemblé leurs tables, créant des îlots de quatre à cinq élèves.

Travail de groupe, ma hantise.

- Vous m'avez dit que vous vous étiez mis d'accord pour les groupes entre vous. Je me trompe ? Tonne Monsieur Kim en prenant appuie sur son bureau. Avec qui est Kwang Naesil ?

Je ferme les yeux et m'enfonce dans ma chaise, préférant largement disparaître plutôt que de travailler avec les autres. J'ouvre difficilement ma bouche pâteuse, mes yeux toujours clos.

- Je peux travailler seule monsieur, ce n'est pas...

- Elle est avec nous ! Elle n'a pas dû voir mon message hier. À vrai dire, il était assez tard. Désolé Monsieur.

J'ouvre un œil prudent et remarque une silhouette debout, son visage enjoué tourné vers moi. Il a toujours l'air enjoué, où plutôt ils ont, lui et ses sept amis. Ils sont un peu les comiques et les artistes de la classe. Ceux bien décidés à vivre de leur passion commune ; la musique.

- Bien, merci Han Jisung, dans ce cas qu'attends-tu Kwang Naesil, va rejoindre ton groupe, ils t'expliqueront le sujet.

Je déglutis durement et range mes affaires le plus longuement possible alors que l'effervescence de la classe disparue à mon arrivée, reprend peu à peu sa place naturelle. Je vais travailler avec quatre d'entre eux. Quatre des personnes auxquelles je ne veux surtout pas frôler la vie. Parce qu'ils sont remplis de rêve et d'espoir, parce qu'ils sont doués et gentils et qu'ils ne méritent pas que la dureté de la vie les percute. Ils méritent de poursuivre leur but sans que mon aura n'interfère.

Me voyant traîner du pied, l'un d'entre eux se lève et se dirige vers moi. Mon premier réflexe est de reculer de trois pas quand il s'approche un peu trop près pour attraper ma chaise. Il me sonde de la tête au pied, probablement pour comprendre ma réaction et je me contente de fuir son regard en trouvant un soudain intérêt pour mes pieds.

Je l'entends soupirer avant de se diriger vers sa table. Je prends son sillage, évitant les quelques regards curieux qui s'accrochent à ma semelle comme un vieux chewing-gum.

- Tu lui expliques Chan ? Lance mon accompagnant en déposant ma chaise à côté de la sienne.

Je m'installe et serre sans ménagement mes mains sur mes genoux, évitant toujours les regards alentours.

- Si tu veux Hyunjin. Tu n'as pas lu les messages de ce matin dans le groupe ? Demande la voix calme et posée de Chan.

- Je ne les lis jamais. Articulé-je en secouant ma tête. Désolé.

Un mensonge. Bien que je n'ai réellement pas eu le temps, ce matin, de les lire puisque lorsque Morphée m'a lâché la grappe, j'étais déjà bien plus qu'en retard.

- Je vois. On doit préparer un grand oral sur un point culturel de notre choix. On a choisi la nourriture, j'espère que ça ne te dérange pas.

Je secoue une fois de plus la tête et avale la boule formée dans ma gorge depuis quelques minutes. Une minuscule goutte de courage circule dans mes veines et je relève la tête, découvrant les quatre paires d'yeux tournées vers moi.

- Vous avez une idée de plan ? Demandé-je hasardeusement et de la manière la plus neutre possible. Ce n'est qu'un travail en groupe. Le premier depuis mon arrivée dans cet établissement certes, mais probablement pas le dernier.

Il faut que je me l'avoue et que je range mes craintes lié à mon destin de poissarde sur le côté. Un simple devoir ne pousse pas les gens à laisser entrer quelqu'un d'étranger dans leurs vies. Je dois simplement garder une certaine distance, infime soit-elle, et tout ira bien.

Les garçons commencent à m'expliquer leurs quelques idées de façon très sérieuse, trop pour leur image habituelle. Sans grand étonnement, il ne le reste pas bien longtemps, chasser le naturel, il revient au galop et j'ai passé le reste de l'heure à voir ces quatre garçons s'envoyer des pics comme des boulettes de papier et rire. De ma place, je me suis contenté de les observer et malgré moi, un faible sourire est venu habiller mon visage fatigué.

Quand la fin du cours résonne dans la pièce, nous n'avons pas vraiment avancé, mais nous avons tous une tâche pour le prochain cours. Moi, je dois m'occuper des boissons typiquement Sud-coréenne, d'après Changbin, je ne ressemble pas à une fille incollable sur les desserts.

- On a fini pour ce matin ! S'exclame Hyunjin en remettant les tables en place.

Monsieur Kim nous salut et quitte la pièce, nous laissant le soin de rendre à la salle, sa configuration initiale. Je porte ma chaise jusqu'à ma place quand j'entends Chan râler, je me retourne et vois Jeongin accroché à son dos, ses yeux plisser dans un fou rire sonore.

- Naesil ?

Je détourne le regard et pose des yeux rond sur le garçon face à moi. Personne ne dit jamais mon prénom. Tout du moins, personne n'ayant pas la qualification d'enseignant. J'avale ma salive et interroge Han Jisung silencieusement.

- On va manger en ville avec les garçons, tu veux te joindre à nous ?

Rapidement, je secoue ma tête de droite à gauche, mes yeux de nouveau perdu dans leur contemplation du sol. Intérieurement, je supplie une entité invisible pour qu'il laisse tomber, qu'il fasse demi-tour et qu'il rejoigne ses amis sans plus de questions.

- On prévoit de se faire une pizza, si tu n'as pas pris d'argent je veux bien t'avancer.

Sa voix claire résonne dans mes oreilles et je ferme les yeux, créant un bouclier invisible entre lui et mon désir de l'accompagner. L'humain n'est pas fait pour être seul et je ferrais tout pour avoir des amis comme Jisung et les autres, mais ça serait égoïste de ma part. On ne fait pas souffrir ses amis volontairement.

- Laisse tomber Han, Naesil a probablement quelqu'un qui l'attend chez elle et elle n'ose pas te le dire.

Je lève la tête et remercie mon sauveur dans ma caboche. Changbin est venu à mon secours, enroulant son bras autour du cou de son ami. Jisung me détaille un instant avant de s'excuser d'avoir insisté.

La salle retrouve son calme lorsque les huit garçons prennent la poudre d'escampette. Je me laisse tomber sur ma chaise et pousse un profond soupire de soulagement. L'année va peut-être être plus compliqué que prévu. J'aurais tout fait pour être dans une classe où le seul sentiment qui existe, c'est la compétition. Ils sont trop gentils pour leur mentir et je ne sais pas si je vais être capable de les repousser avec mes maigres forces et ma volonté qui se fait facilement la malle.

- J'aimerais tellement que quelqu'un m'attende à la maison.

Ma tête se pose sur mon bureau et je ferme les yeux, ayant dans l'optique de finir ma nuit avortée. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant