Chapitre 28

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- Tiens, c'est ce que j'ai trouvé de plus approprié. Annonce calmement Woojin en rentrant dans la chambre, un sac en papier dans la main.

Il vient s'asseoir à côté de moi et me retire mon verre d'eau des mains pour le remplacer par le sac. Je plonge ma main à l'intérieur et en ressort une lourd tissus sombre que je laisse tomber sur mes genoux dénudés.

- Tu veux que je vienne avec vous ? Demande l'aîné en posant sa main sur les miennes.

Je secoue la tête de droite à gauche, je veux que le moins de personne possible soit présent quand ils mettront l'urne à sa place. Eunji a une tombe lui, quelque part, dans un beau cimetière verdoyant. Mon père n'aura que cette petite case perdue au beau milieu d'un mur d'urne.* Woojin me sourit doucement, me montrant qu'il comprend. Il récupère la robe sur mes genoux et en retire les étiquettes avant de se lever pour quitter la pièce, je dois me préparer. La cérémonie a lieu dans à peine plus d'une heure.

J'enfile rapidement la tenue que m'a achetée Woojin un peu plus tôt et me contente d'attacher mes cheveux d'un chignon strict retombant dans ma nuque. Je rencontre mon reflet dans l'écran de l'ordinateur éteint face à moi, je suis lugubre. La robe s'arrête au niveau de mes tibias, laissant paraître mes jambes blanche et maigre. Sans parler des manches courte et du col rond. Woojin a fait avec ce qu'il a trouvé dans le coin, j'aurais préféré y aller en combinaison de plongé, faire disparaître mon corps épuisé sous une tonne de tissu.

Quand j'en trouve enfin la force, je quitte la chambre pour rejoindre le salon où seul Woojin m'attends. Jisung est encore dans sa propre chambre, en train de se préparer, quant aux autres, ils sont à leurs répétitions. Un autre entraînement que le blond manque par ma faute.

- Je vais aller au studio. M'explique Woojin alors que je le rejoins dans l'entrée de la maison. Si tu as besoin de quoique ce soit, appelle moi, d'accord ?

- Ne t'inquiète pas. Sourié-je faiblement alors que le brun quitte la maison.

Au même moment, les pas de Jisung résonnent dans la bâtisse déserte. Je l'entends descendre les escaliers alors que j'enfile mes mocassins sombre. Je le devine m'imiter et compte dix respirations avant de me redresser pour lui faire face. Il est habillé, un costume sombre, ses cheveux sont étonnement coiffé et il porte un sac en plastique dans sa main droite où un bouquet de fleurs semble s'épanouir.

- On y va ? Lance-t-il d'une voix claire.

Je hoche la tête et le suis à l'extérieur. Une fois n'est pas coutume, la chaleur vient frapper nos fronts, mais intérieurement, je suis gelée. Nous prenons la voiture et roulons jusqu'à la périphérie de la ville pour rejoindre le mémorial où sera entreposé l'urne de mon père. J'hésite un instant avant de quitter le véhicule, mon regard accroché à la voiture de police garé juste devant l'entrée. C'est un agent qui va procéder au placement de l'urne, pas moi. C'est la police qui a choisit l'urne et l'emplacement qu'aura mon père, pas moi, parce que j'ai refusé de m'investir dans la mort de mon père comme je l'ai fait lors de sa vie.

Le bruit de ma portière s'ouvrant me fait revenir à moi. Jisung est dehors, il me tend sa main pour m'aider à sortir. Je m'en saisis sans hésitation, j'ai besoin de lui pour tenir sur mes deux jambes et sans lui, je n'arriverais pas à rejoindre l'intérieur du bâtiment.

Je sors de la voiture et le laisse me guider jusqu'à l'entrée. Lorsque la porte automatique se referme derrière nous, l'air conditionné me donne la chair de poule, ou alors est-ce l'homme en uniforme qui semble nous attendre devant nous, une boite en cartons dans les bras.

- Bonjour mademoiselle Kwang. Dit l'homme en question en retirant son képi.

Il s'incline légèrement en avant et nous l'imitons juste avant qu'il nous demande de le suivre. Jisung me guide dans le dédale de couloirs et je ne quitte pas mes pieds des yeux, espérant profondément de ne jamais atteindre l'emplacement réservé pour mon père. Malheureusement, mes prières ne sont pas entendues et nous finissions par nous arrêter devant une vitrine ouverte. L'agent dépose sa boîte en carton sur le sol et en ressort une urne bleue. Mon père détestait le bleu. 

Il aimait seulement ce qui était sobre. Le noir, le gris, le blanc et lorsque sont esprit n'était pas au travail, il s'accordait une chemisette kaki à manche courte. Mais pas de bleu, jamais. Et il s'apprête à passer l'éternité dans un pot en céramique de cette couleur.

Je ne lâche pas le policier des yeux. Analysant chacun de ses gestes. Ses mains sur l'urne. Son dos quand il se redresse. Sa nuque qui se tend. Ses bras qui s'avancent. Ses doigts qui relâchent leur pression. Mon père est enfin déposé dans sa dernière demeure.

- Avez-vous quelque chose à déposer avec ? Avant que je ne referme la vitre. Demande-t-il d'une voix tremblante, comme si ce policier aussi, mettait un proche sous verre aujourd'hui.

J'entends Jisung se mouvoir à côté de moi. Il tend le bouquet de fleurs à l'agent et une autre chose en ma direction.

- Je me suis dit que ça serait bien qu'il ait ça. Alors j'en ai fait une copie. M'explique le blond en posant un cadre photo dans ma main.

C'est ma photo. Celle qui m'a toujours suivit dans tous mes déplacements et probablement l'un des clichés que je déteste le plus. Mais après tout, Jisung a raison, papa a le droit d'avoir sa famille avec lui, même si nous l'avons tous terriblement déçu.

Je regarde une dernière fois ces quatre visages avant de m'avancer vers la case. Je me mets sur la pointe des pieds et pose le cadre à la droite de l'urne, quelques fleurs égayant un peu le tout. Une fois fait, je me recule de quelques pas, jusqu'à récupérer la main de Jisung. Il noue ses doigts aux miens alors que le policier se penche un peu sur le côté, détaillant quelque chose derrière nous.

- Et vous madame, désirez-vous déposer quelque chose ? S'adresse-t-il a quelqu'un visiblement derrière nous.

Je fronce les sourcils, mais ne me retourne pas. Le son distinctif de talons claquant contre le sol résonne alors et une main féminine rentre dans mon champ de vision. Elle tend quelque chose au policier. Des boutons de manchettes dorés. Les boutons que portait papa.

C'est seulement là que je tourne la tête, découvrant un visage qui aujourd'hui m'est complètement inconnu.

- Maman ?

Ma voix se déchire en voyant ses cheveux sombres, son nez aquilin dont je n'ai pas hérité et ses yeux. Ses yeux brillants qui m'enveloppent d'une aura maternelle que je n'ai pas ressentie depuis trop longtemps pour accepter sa présence.

- Naesil. Articule-t-elle difficilement en faisant un pas en ma direction.

Je recule, mon dos se heurtant à la poitrine de Jisung. Il dépose ses mains sur mes épaules, mais je m'en dégage pour lui faire face et lui envoyer au visage le tsunami qui a envahit tout mon être.

- C'est toi qui l'as appelé ?

Le blond hoche doucement la tête, une lueur de regret dans le regard. Ma mâchoire se serre, il a fait ça pour moi, mais il n'avait pas le droit. Il n'avait pas le droit de faire ça.

- Je viens te proposer de rentrer avec moi Naesil, maintenant que ton père est partie, tu peux venir vivre avec moi. Résonne la voix de l'inconnue dans la pièce.

Mes yeux font des allers-retours entre elle et Jisung alors que mon visage commence à se noyer sous mes larmes, encore une fois.

- Papa est parti depuis bien longtemps, et tu n'étais pas là. Je n'ai pas plus besoin de toi aujourd'hui qu'avant. Retourne dans ta vie sans moi.

Je leur tourne alors le dos, laissant ma mère les bras ballants avec sa culpabilité. La sienne aussi doit être effrayante à voir. Ça nous fait au moins un point en commun.

Telle mère, telle fille, nous sommes toutes les deux les meilleures en ce qui concerne l'abandon des gens qui nous aime.





















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*Fact :

En Corée, aujourd'hui, la majorité des morts sont incinérés. Je n'ai pas réussi a trouvé beaucoup d'explication ni un nom pour ces endroits où sont entreposé les urnes des défunts malheureusement (si vous en savez plus, hésitez pas à laisser un ptit commentaire.). Mais voilà à quoi cela ressemble : 


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Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant