Chapitre 3

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- Tu dessines ?

Mon sang ne fait qu'un tour et je me dépêche de refermer mon carnet sur mes genoux. Mes mains s'agrippent instinctivement à la couverture et je foudroie l'intrus du regard. Je m'adoucis en reconnaissant Minho, lui aussi fait partie de ce groupe de garçon transpirant la joie de vivre.

En venant m'asseoir devant la porte de mon prochain cours, plus de trente minutes avant qu'il ne commence, je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un, encore moins à ce que ce quelqu'un m'adresse la parole avant de se laisser tomber face à moi, son dos reposant contre le mur opposé au miens.

- Non, je passe seulement le temps. Sifflé-je en enfonçant mon carnet à croquis dans mon sac.

Il ouvre la bouche pour renchérir, mais je ferme les yeux, espérant le décourager et qu'il s'en aille rejoindre ses amis, c'était sans compter sa détermination à engager la conversation. Une détermination presque plus forte que la mienne à l'ignorer.

- Je ne voudrais pas te faire peur, mais les garçons se sont mis en tête de te sortir de ta bulle. Ils ne trouvent pas ça normal que tu ne sois pas intégré à la classe un mois après ton arrivée parmi nous.

J'ouvre un œil et pousse un profond soupire. Il ne manquait plus que ça, qu'ils se mettent sur mon dos et qu'ils s'acharnent jusqu'à ce que je craque.

Je vais me déscolariser.

- Et toi aussi, je suppose ?

Il secoue doucement sa tête, une expression paisible habitant son visage.

- Je voulais juste te prévenir, je sais d'expérience qu'on peut prendre mal un comportement trop intrusif, je veux bien t'aider pour ne pas qu'ils te sautent constamment à la gorge, si tu veux.

Je le regarde se relever, il hausse les épaules et m'offre un sourire avant de ma saluer et de disparaître au détour d'un couloir.

Je reste immobile, mes yeux planter là où sa silhouette a disparu jusqu'à ce qu'elle reparaît, une demi-heure plus tard. Il s'arrête devant moi alors que ses amis chahutent dans son dos et me tend une main franche pour m'aider à me relever. Un sourire bienveillant l'habille et le temps d'une seconde, j'ai envie de la saisir, de glisser ma paume dans la sienne et de le laisser m'aider. Mais très rapidement, je reviens à la raison, sautant sur mes pieds et remerciant sa considération d'une légère inclination froide.

Bien contre moi, je vois son sourire dépérir au même titre que les rires des garçons alentours. Le reste de la classe m'observe et je me sens rapidement de trop. Je trouve ma libération lorsque la prof arrive et ouvre la porte de la salle. Je cours vers mon salut et disparais derrière mon bureau, entre le mur du fond et la fenêtre.

La salle se remplit peu à peu et je sors fébrilement mes affaires, espérant bel et bien me faire la plus petite possible. C'était sans compter sur la persistance de certaines personnes puisque le bruit d'une chaise que l'on tire vient résonner dans mes oreilles. Je me tourne vers la source de mes ennuis et reconnais l'intrus immédiatement. 

- Ca ne sert à rien de t'acharner Han Jisung, je suis du genre solitaire et je n'aime pas qu'on me colle aux basques.

Il m'ignore complètement et se contente de sortir ses affaires dans le plus grand des calmes. Je fais mine d'être faussement outrée alors que le cours débute. Madame Park nous explique le déroulement des deux heures d'Anglais à venir, parlant même d'un travail pouvant être fait en duo.

Je sens la présence de son regard contre mon épaule et me contente de l'ignorer royalement, priant pour qu'il finisse par lâcher l'affaire, qu'il se rend compte que je suis une cause perdue et qu'ils aillent faire leur mère Thérésa ailleurs.

Je continuer à feindre l'ignorance quand il essaye de me parler, lorsque le travail en groupe commence. Mes yeux ne quittent pas ma feuille et j'arrive à sentir ses soupirs de frustration contre mon oreille.

Ma libération retentit dans toute la classe accompagnée d'exclamations dues à l'arrivée du week-end. Je range mes affaires le plus rapidement possible, pour ne pas être en retard au magasin et me lève, prête à partir. Je contourne ma table quand mon poignet est retenu, stoppant tous mes mouvements.

Je fais volte-face, prête à envoyer tout mon venin au visage du blond, mais ce dernier est plus rapide que moi.

- Tu pourras me dire autant de fois que tu veux que tu préfères être seule, je me référerais toujours à tes yeux. Et ils hurlent le contraire Naesil.

Je reste figée, complètement incapable de faire le moindre geste alors que mon interlocuteur relâche doucement sa prise. Je distingue ses lèvres se relever dans un tendre sourire alors qu'il quitte mon champ de vision, sa main frôlant la mienne au passage.

- À lundi, repose-toi bien ce week-end surtout !

Les voix se meurent peu à peu et rapidement, il ne reste plus que moi, une fois de plus. Ma maigre carcasse à peine secouée par ma respiration fatiguée faisant tache dans le décor. Il m'a cerné et ils l'ont peut-être tous déjà fait. Je suis parmi eux depuis seulement quelques semaines et ma carapace s'est déjà brisée, des failles sont déjà visible sur ma peau, laissant la bonté des autres s'infiltrer dans mon être jusqu'à atteindre mon cœur.

En quelques jours, il a compris et je m'étonne encore lorsqu'au beau milieu de la nuit, un homme ivre vient frapper à ma porte, où que je me trouve dans ce pays.

Je n'arrive pas à cacher ma véritable nature ni mes pensées à de simples inconnus, alors il est normal qu'un homme m'ayant élevé pendant quinze ans ait autant de facilité à me retrouver malgré tous mes efforts pour lui échapper.

Dans le fond, le problème, c'est ma force puisque je n'en ai aucune. Je ne suis pas capable de faire face à la vie sans que mon désespoir ne coule à travers mes yeux, comme les égouts de mon esprit.

Le seul point positif dans tout cela, c'est que je ne risque pas de rester scolarisé ici bien longtemps. Il ne lui faudra pas une éternité pour me retrouver, une fois de plus. Et Jisung et les autres pourront reprendre le fil de leurs vies brodées d'or sans craindre de ma présence. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant