Chapitre 22

598 56 19
                                    

C'est étrange comme sensation, de se sentir complètement vide de l'intérieur alors que tous nos organes vitaux continuent leur travail. Alors qu'ils continuent de lutter contre le néant qui pourrait tout aspirer, qui a déjà aspiré mes sourires, les éclats de rires et le peu d'espoir que j'avais acquit en l'espace de quelques semaines.

Je me sens vidée et pourtant, mon cœur cogne toujours dans ma poitrine. Il fait mal, mais il cogne, inlassablement ? Fidèle à sa fonction de me maintenir en vie. Parce que je suis en vie, moi, parce que je ne me trouve pas sous ce drap.

Mes poumons se remplissent toujours d'air, ils expulsent ce poison qu'est le CO2 et le remplace par quelque chose de plus pur, de l'air frais. De l'air transportant l'odeur de sang de mon père. Comme si, parce que lui ne peut plus en profiter, je dois embarquer une part de ce qu'il reste de son organisme avec moi.

Même si les muscles de mes jambes m'ont lâché depuis un moment, tous les autres continuent de porter ma carcasse. Je ne dois pas m'effondrer, je dois pouvoir regarder ce drap blanc dans les yeux, remarquer par moi-même que la poitrine en dessous ne se soulèvera plus.

Et mon cerveau quant à lui, cet enfoiré de machine infernale, il continue sa misérable existence, sans me donner le moindre répit. Je dois rester éveiller. Je dois comprendre, comprendre qu'il est mort. Je n'ai pas le droit de sombre, de me laisser aller dans la noirceur et tout oublier, non, je n'ai pas le droit. Il est mort et c'est ma faute, c'est ta faute Naesil, alors regarde et subis.

Même mes oreilles, les traîtres qui m'avaient offert une petite pause ont fini par rependre du service, le sifflement s'est levé, la voix de Jisung l'a balayé et je lui en veux. Je lui en veux de me murmurer ces mots réconfortant, je ne veux pas les entendre. Je ne veux pas l'entendre me dire que je n'y suis pour rien parce que c'est faux.

Si mon père s'est retrouvé sur cette route, à deux pas du lycée dans lequel je suis scolarisé, c'est à cause de moi. C'est parce qu'il me cherchait, parce que je ne l'ai pas laissé rentrer ce soir-là. Je lui ai claqué la porte au nez et j'ai pleuré, pleurer qu'il parte. Hurler qu'il parte et il l'a fait. Il est parti et pour de bons cette fois-ci. Je l'ai toujours rêvé et ça s'est réalisé, à cause de moi.

Quelle genre de fille souhaite que son père, celui qui lui a offert la vie et un toit depuis ses premières heures, disparaisse complètement de la surface de la terre ? Aucune, aucune à part moi et ça prouve bien à quel point je suis ignoble.

J'ai envie de me noyer sous la douche, de brûler ma peau à coup de cigarette mal-éteinte, de crever mes yeux avec l'aiguille à tricoter rangé dans ma valise et de m'ouvrir les bras avec le couteau de la cuisine. Pourquoi aurais-je le droit de continuer ma vie alors que la sienne s'est terminée ? Aussi misérable soit-elle.

J'ai besoin des pilules. Même si mon cerveau refuse de me donner du repos, j'en ai besoin, j'ai besoin du noir, du silence et du flottement. Juste quelques heures, pas grand chose. Je ne peux pas continuer. Je ne peux pas regarder ces gens en uniforme le mettre dans un sac et l'embarquer. Je serai incapable de le surmonter.

" Les enfants ne sont pas faits pour faire leur vie avec leurs parents."

C'est ce que m'a dit ma mère en partant, je n'étais qu'une enfant quand le juge me l'a retirer de force. Je ne voulais pas qu'elle parte, je voulais qu'elle reste avec moi, avec nous. Peut-être que si papa n'avait pas découvert qu'il n'était pas mon papa, on n'en serait pas là. Peut-être que maman continuerait à me préparer mon petit-déjeuné. Peut-être que la société serait toujours sur pied, peut-être que papa le serait aussi.

Le brouhaha ambiant est douloureux, mais pas autant que le son strident d'une sirène qui se met à retentir dans toute la rue. Ils vont l'emmener, loin de moi et loin de la vie.

Désolé papa. Désolé d'être un monstre. Désolé d'avoir causé tout ça. Désolé d'être née. Désolé d'avoir tué Eunji. Désolé d'avoir fait partir maman. Désolé pour ton entreprise, pour tes pilules et pour mon départ. Désolé pour toi. Désolé pour tout.

Je ne mérite pas que tu acceptes mes excuses puériles. Je mérite juste de mourir, de prendre ta place. D'être allongée sur ce sol sale, les yeux fermés, à jamais.


***

Salut à tous, nous voici dans la dernière ligne droite de Fate, la fin est écrite, ça y est, le destin de Naesil est scellé et c'est pour ça que le rythme de publication change une fois de plus. 

Tous les jours, à 15 heures, venez découvrir les derniers chapitres de cette histoire !

Merci à vous de l'avoir fait vivre jusqu'à là. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant