Chapitre 13

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- Je viens de livrer la commande numéro 51. Annoncé-je en rentrant pour la trentième fois de la soirée dans le petit restaurant tenu par Monsieur et Madame Park, mes nouveaux patrons.

Je dépose mon casque sur une des tables vides et me laisse lamentablement choir sur la banquette alors que le fils du couple fini de nettoyer les dernières tables. Il est tard, le service est fini et le mien aussi.

- On a une dernière livraison et après tu pourras rentrer directement chez toi, tiens ton salaire pour la soirée et l'adresse pour la commande. Lance le cuisinier en m'apportant un lourd sachet.

Je ne retiens pas mon soupir de fatigue, mais me résigne à effectuer cette ultime livraison. Après tout, il n'est qu'une heure du matin. Avec ce nouveau travail, quoi qu'il arrive, je finis plus tôt qu'avec la supérette, je peux bien faire une dernière course avant de rentrer me jeter au fond de mon lit.

- Et je t'ai mis de quoi grignoter dedans, pense à l'enlever avant de donner la commande ! Ah, et je te fais confiance pour le paiement, tu me le donneras demain, dors bien !

Je remercie Madame Park pour sa gentillesse et file à l'extérieur. Je range le sac dans les sacoches de mon vélo et me mets en route dans un Séoul encore effervescent. C'est étrange d'arpenter ces rues à cette heure, mais pour mon deuxième soir de travail, j'y trouve un certain charme. Certes, l'air est encore un peu lourd, mais durant mes allers et retour, j'ai pu doucement goûter à une certaine fraîcheur prenant sa place dans la ville. Les gens ont tous l'air très joyeux et souriant, l'été et les congés approchent à grands pas et toute la ville transpire cela. Même moi, j'ai l'impression que pour une fois, l'été pourrait m'être bénéfique, peut-être même que je pourrais passer un peu de temps avec mes amis, qui sait ?

L'accident a eu lieu hier et depuis, Jisung ne me laisse pas une heure sans me répéter que je n'y suis pour rien depuis mon téléphone, que je n'ai pas à m'en faire de quoi que ce soit. Et je crois de plus en plus comme lui, surtout lorsqu'il m'a envoyé une photo dans l'après-midi, pour m'annoncer l'imminence de leurs rendez vous dans la maison de disque.

J'arrive finalement devant une petite maisonnette situé à deux pas de mon lycée. Je descends de mon vélo et accroche ce dernier au premier lampadaire sur mon chemin. Je récupère la lourde commande et toque à la porte d'entrée, mon casque toujours solidement attaché à ma tête.

- Bonsoir, c'est la commande numéro 52, avec des nouilles sautées et du porc caramélisé. Annoncé-je, le nez plongé dans le sac alors que j'entends la porte s'ouvrir face à moi. C'est pour 9 personnes. Conclué-je en levant mon nez, mes yeux grossissent sous la surprise alors que Félix pouffe sans retenu devant moi.

- Entre. Dit-il simplement en reprenant un semblant de sérieux.

Je secoue mon visage de droite à gauche et lui tends ses sacs, il les récupère et me tourne le dos pour rentrer chez lui, même si je sais pertinemment qu'il n'est pas le seul à loger sous ce toit.

- Mon paiement Lee Felix. Toussé-je timidement alors que je le vois s'éloigner à l'intérieur de l'appartement, jusqu'à disparaître au détour d'un couloir.

- Je t'ai dit d'entrer. Chan ! Naesil, elle ne veut pas quitter notre paillasson, fait marcher ton autorité de mâle alpha s'il te plaît ! Chantonne l'Australien d'une voix raillarde.

J'aperçois le visage de Chan faire son apparition dans la petite entrée et il me presse de rentrer, fermant la lourde porte derrière moi. De toute manière, je n'ai pas l'impression d'avoir vraiment le choix. Chan m'offre un sourire, me demande comment je vais, avant de se saisir de mon bras et de m'entraîner de force à sa suite jusqu'à ce que je devine être, la pièce principale.

Je me retrouve dans une pièce assez grande, servant visiblement de cuisine, salon, salle à manger et salle de jeu en témoigne les quatre garçons présentement affalé sur le canapé, leurs regards happés par une partie de jeu vidéo.

Chan m'abandonne devant la porte, hurle dans toute la maison que le dîner est arrivé avant de sortir quelques billets de sa poche qu'il vient glisser dans ma main. Je n'y prête pas vraiment attention, complètement occupé par la scène qui se joue devant moi, tel une immense vague qui vient s'échouer sur la plage, la table et donc le repas est rapidement attaqué par sept paires de mains.

Sept, il manque quelqu'un, une tête blonde.

- Assis-toi Naesil, mange quelque chose ! Lance Changbin la bouche à moitié pleine en tapotant la place voisine à la sienne d'une main distraite.

- Non merci, je vais rentrer. Décliné-je sous le regard réprobateur de tous les garçons face à moi.

Je glisse l'argent de Chan dans la poche de ma veste et fais volte-face, bien décidé à prendre la poudre d'escampette pendant que tous sont trop occupés à entretenir leurs estomacs mais mes plans de fuite sont tous avortés lorsque mon front rentre en contact avec un torse.

- Je rêve où tu allais partir sans me dire bonjour ? Lance la voix à qui appartient ce torse.

Je recule à une distance raisonnable de Han Jisung alors qu'un rire amusé franchit la barrière de ses lèvres. Derrière moi, j'entends Chan lui demander de me convaincre de rester manger avec eux. Hyunjin appuie sur le fait qu'il est encore tôt pour moi et Jeongin en profite pour me signaler que Madame Park n'est d'autre que sa tante.

Ça ne doit pas être simple de vivre avec huit pipelettes quotidiennement, je suis rentrée dans cette garçonnière il y a moins de cinq minutes et mon cerveau frappe déjà la cadence à l'intérieur de mon crâne.

Je passe une main sur mon visage et pour la première fois de la soirée, accorde un regard à Jisung. Ses mains sont nonchalamment enfoncées dans les poches de son pantalon noir, un simple tee-shirt sombre habille son buste alors que quelques gouttes perlent encore de ses cheveux mouillés. Il me fixe sans relâche, comme s'il étudiait chacun de mes faits et gestes pour comprendre comment il doit agir s'il ne veut pas que je me volatilise et dans le fond, je suis sûr que c'est à ça qu'il pense à l'intérieur de sa petite caboche.

- Si tu ne veux pas rester, laisse-moi t'accompagner chez toi. C'est de notre faute si tu es là après tout.

Il pose sa main sur ma tête, où plutôt sur mon casque de vélo avant de se diriger vers l'entrée pour enfiler ses chaussures. Je l'entends menacer les autres de lui laisser sa part sous peine de représailles avant qu'il ne vienne me récupérer dans la salle. D'une voix étouffée, je salue les garçons et en un instant, nous nous retrouvons dehors, seuls avec la lune et mon vélo de livraison comme compagnon.

Le silence aussi fera un bout de route avec nous, si ce n'est toute la route. Je n'ouvre de nouveau la bouche qu'une fois devant mon immeuble à moi, mon vélo à sa place et mon casque enfin sous mon bras.

- Merci d'avoir fait la route avec moi. Dis-je simplement en me penchant légèrement en avant.

Il ne répond pas alors je lui tourne le dos, je monte les quelques marches menant à mon hall quand quelque chose rattrape mon poignet. J'ai à peine le temps de tourner mon visage vers Jisung que je sens ses lèvres venir s'échouer sur ma joue pâle.

Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression que le monde s'est arrêté de tourner autour de moi, que le temps est mort et que le vent s'est tue. Il n'y avait plus que cet étrange contact et ma peau rougissante, heureusement, il fait nuit.

- À demain Naesil.

Quand le vent se remet à souffler, il a disparu, il n'y a plus que le bruit de ses pas résonnant dans le lotissement qui me prouve qu'il a bien été là. D'une main timide, je caresse ma joue probablement écarlate. Quand je rejoins mon lit pour la nuit, je n'ai pas peur de dormir, comme si ce simple baiser pouvait me protéger de tous mes démons. 

Fate (Stray Kids FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant