Ses écouteurs enfoncés dans les oreilles, Alix attendait patiemment que sonne l'heure de rentrer en cours. Elle était toujours au même endroit, dans son coin du préau, là où personne ne venait jamais la déranger. Elle aimait observer les élèves qui l'entouraient, retenir certains détails de leur visage, des histoires qu'ils se racontaient. C'était toujours un sentiment étrange pour elle, d'être à la fois à part et au milieu des autres. Souvent elle s'asseyait par terre et sortait son carnet à croquis, reproduisant des traits qui la marquaient, ou des gestes, des silhouettes.
Les autres élèves avaient compris avec le temps qu'elle ne désirait pas leur compagnie, aussi personne ne se souciait d'elle et Alix avait cette sensation perpétuelle de voir sans être vue. De connaître un peu tout sur tout le monde, sans que personne ne sache jamais rien sur elle.
Mais ce jour-là, trois filles de Première avaient décidé de rompre cet accord tacite de non-interaction entre Alix et le reste du lycée. Elles débarquèrent une dizaine de minutes avant la sonnerie, se campant devant la jeune fille.
Inaya, Mélanie et Juliette, pas méchantes, un peu bruyantes et surtout extrêmement portées sur les commérages.
- Alix, on peut te parler ? lança Inaya d'un air conspirateur.
La jeune fille fronça les sourcils mais acquiesça d'un signe de menton en retirant ses écouteurs. Aussitôt la belle métisse s'empressa de la questionner. Faisant voler ses tresses par-dessus son épaule, elle se pencha un peu vers Alix et dit à voix basse :
- C'est vrai que t'as chopé Léonard Castelle à la soirée de samedi ?
Estomaquée par cette question à laquelle elle ne s'attendait pas, l'adolescente écarquilla les yeux de surprise et de colère à la fois.
- Qui t'a dit ça ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.
- Ousmane. Enfin il a dit qu'il s'était passé des bails entre vous.
Alix fronça les sourcils. Pourquoi Ousmane répétait-il une chose pareille ? Léonard avait-il déformé la vérité auprès de son meilleur ami ?
- Il ne s'est rien passé. Ousmane raconte n'importe quoi.
Inaya eut l'air déçue, visiblement elle aurait aimé avoir des détails croustillants sur ce qu'il s'était passé entre Léonard et Alix. Mélanie la dévisagea avant de détailler sa tenue de haut en bas.
- J'aime trop ton style, dit-elle, tu l'as achetée où ta veste ?
Elle désigna les broderies sur la veste en jean surdimensionnée que portait Alix. Cette-dernière était gênée, elle avait envie d'être tranquille. Elle expliqua en quelques mots que c'était elle qui l'avait brodée et customisée. Aussitôt les trois filles s'émerveillèrent sur son travail, demandant si elle voulait être styliste.
Depuis deux ans la jeune fille portait presque uniquement des vêtements qu'elle avait cousus ou personnalisés. Toujours dans ce souci d'à la fois se fondre dans la masse et de s'en différencier, elle ne voulait pas être excentrique mais unique.
Quand la sonnerie retentit, Alix poussa un soupir de soulagement, enfin elle allait pouvoir se débarrasser de ses trois pots de colle.
Malheureusement, son repos fut de courte durée. À peine fut-elle assise en classe, toujours près de la fenêtre pour pouvoir jeter de temps un temps des regards vers l'extérieur et penser à tous les gens qui n'étaient pas obligés d'aller au lycée toute la journée, qu'Ousmane s'installa brusquement à côté d'elle.
Alix lui adressa un regard interloqué, qu'avaient-ils tous depuis samedi, à soudainement penser qu'elle allait tolérer leur présence ? Il se pencha vers elle, la fixant derrière ses lunettes dorées.
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Temps perdu
FanfictionAlix est farouche et introvertie. Léonard est drôle, très drôle. Elle n'aime pas trop parler, il veut rire de tout. (Ce tome est la suite de « Des années » mais peut également être lu après « Ce qu'on laisse à nos mômes »)