Chapitre 6.

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Alix avait du mal à comprendre comment elle avait fini par atterrir dans le canapé des Samaras. Léo discutait dans la cuisine avec Ken et elle se demandait ce qui l'avait poussée à faire appel à lui ce soir. Sans doute les messages qu'ils avaient échangés. Maxence lui répétait sans cesse d'apprendre à se détacher de sa grande sœur, elle avait eu besoin de quelqu'un qui comprenne, qui saisisse l'importance des liens fraternels. Et Léonard semblait davantage mesurer ce qu'elle pouvait ressentir, que ce soit à travers sa relation avec Ilyes ou celle avec Jade.

Elle était néanmoins embêtée qu'il ait entendu l'allusion de son père au fait qu'elle soit chez Ken en l'absence de Clémentine. Il était hors de question que Léonard sache quoi que ce soit à propos de ce qu'elle avait subi.

La jeune fille nota que celui-ci avait l'air d'être particulièrement proche de Ken cela la rassurait un peu qu'il soit là, elle détestait devoir se forcer à faire la conversation avec des adultes. Ils revinrent avec un plateau recouvert de nourriture. Alix n'avait pas faim, malgré le fait qu'elle n'ait pas dîné. Elle se demandait comment les choses se passaient chez elle. Ses parents s'étaient sans doute disputés et mieux valait ne pas assister à leurs éclats, cela n'arrivait pas souvent, mais c'était toujours violent et à chaque fois Alix avait peur que l'un d'eux dise quelque chose d'impardonnable.

Ken abandonna les deux jeunes dans le salon pour répondre à un coup de téléphone de sa femme. Léo dévorait déjà son dîner avec un appétit non dissimulé, on aurait pu croire qu'il sortait d'une diète imposée et violente.

- Tu manges pas ? demanda-t-il entre deux bouchées.

Elle secoua la tête de droite à gauche et Léo lui jeta un regard inquiet, avant que son visage ne se fende d'un large sourire :

- T'sais c'est pas parce que Ken et Clem sont herbivores que leur nourriture n'est pas comestible.

Alix remarqua seulement que les mets présents sur le plateau ne comptaient aucun produit d'origine animale. Ce n'était certainement pas ce qui risquait de la déranger. Léo qui ne semblait pas vouloir se décider à dîner seul, saisit une tranche de pain fraîchement grillée et étala dessus une énorme couche de beurre de cacahuète. Il fit tout un cinéma en ajoutant des fruits et du sirop d'érable, mimant des attitudes de chef cuisinier expérimenté. Puis, dans un geste parfaitement théâtral présenta sa composition sous le nez d'Alix.

- Cette tartine est trop sexy pour que tu refuses ses avances, dit-il en faisant danser ses sourcils.

L'adolescente maîtrisa à grand peine le sourire qui tirait sur le coin de ses lèvres, se refusant à donner raison au fan club de Léonard. Il fallait avouer qu'il savait s'y prendre pour dérider les gens. Alors comme toute personne ne voulant pas reconnaître le potentiel comique d'une situation, Alix leva les yeux au ciel.

- Comment oses-tu ? Elle s'est faite tellement belle pour toi ! L'ambition toute entière de sa vie de tartine était de finir dans ton estomac. Et toi, en un regard, tu détruis ses rêves, tu balayes ses espoirs. C'est monstrueux, tu n'as donc aucune once d'humanité en toi ?

Le regard mélodramatique, le ton volontairement bouleversé de la voix du jeune homme, tout dans son jeu d'acteur visait à rendre impossible un nouveau refus.

- Je suis sûre que tu trouveras un moyen de lui donner le destin qu'elle mérite en la mangeant toi-même, répondit la blondinette en luttant davantage encore contre le rire.

Léo plaça sa main libre sur son cœur, comme si Alix venait de dire quelque chose d'impardonnable.

- Tu te trompes, lança-t-il solennellement, je ne suis pas sa destinée. Nulle autre que toi ne peut mener à bien cette mission. Ne lui inflige pas une blessure qui la conduirait à sa perte.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant