Chapitre 4.

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Alix claqua la porte de l'appartement, la mine sombre et le moral dans les chaussettes. Son père la héla lorsqu'elle passa à toute allure dans le couloir. Mais une fois n'était pas coutume, elle l'ignora et se réfugia dans sa chambre.

Depuis la veille, la jeune fille avait l'estomac noué, un mal de ventre chronique. Sa sœur allait partir. Nina l'abandonnait. Nina partait vivre avec un garçon. Comment pouvait-elle lui préférer un garçon ?

Ils étaient stupides, souvent malveillants, ne pensaient qu'au sexe. Sa sœur ne voyait-elle pas qu'ils n'avaient rien à lui apporter ? Et puis Valentin, Valentin c'était vraiment un nom d'abruti.

Nina ne lui en avait jamais parlé. Et maintenant elle allait vivre avec lui.

À quel moment avait-elle commencé à avoir des secrets pour Alix ?

Autrefois elles se disaient tout, se confiaient la moindre peur, la cadette avait toujours tout su des bêtises que faisait son aînée, elle avait connu le nom de chacun des garçons qu'elle avait aimé, écouté en détail le récit de sa première soirée, de son premier baiser, de sa première cuite, de sa première fois. Mais là Nina avait délibérément choisi d'écarter sa petite sœur d'un changement important de sa vie. Et au fond cette dernière savait pourquoi. Cette fois c'était sérieux. Nina était une adulte.

Alix saisit son téléphone pour appeler Maxence, quelle idée d'avoir pensé que ce crétin de Léonard Castelle pouvait lui changer les idées. Il avait mis les pieds dans le plat en moins d'une heure.

- Tu veux que je vienne ? demanda son meilleur ami quand elle lui eut partagé en quelques mots ses découvertes.

La jeune fille refusa, préférant rester seule. Elle ressentait juste le besoin de livrer ce qui lui pesait tant sur le cœur.

- Je sais que tu vas me dire que tu veux pas mais... Tu devrais peut-être en parler à ton père. Je trouve pas ça ouf qu'elle fasse les choses dans le dos comme ça. Si elle le fout devant le fait accompli, ça risque de niquer leur relation.

Évidemment Alix ne se voyait pas faire une chose pareille, l'idée même de trahir sa sœur ne lui serait jamais venue à l'idée. Elle avait tellement peur de ce que ce départ allait provoquer dans la famille.

- Tu sais Max... Il va bientôt sortir de prison.

- Je sais. Maman m'en a parlé hier soir. Elle m'a dit de faire attention à toi.

Alix eut un petit sourire, Amanda pensait toujours à tout. Maxence lui promit de la protéger et de taper son géniteur si jamais il osait s'approcher d'elle. En réalité Alix n'avait pas peur pour elle. Il ne pouvait plus grand-chose depuis que Mathieu l'avait adoptée. C'était plus pour ce dernier qu'elle s'inquiétait. Il ruminait tout de même sa haine depuis des années, même s'il était moins impulsif qu'auparavant, il restait... imprévisible.

Quand elle eut raccroché, Alix sortit son carton à dessin et éparpilla sur son lit ses dernières composition. Choisissant l'un de ceux qui nécessitait encore du travail, elle le plaça sur le chevalet que lui avait offert sa mère à Noël et ouvrit sa boîte de fusains. C'était son matériau préféré, le simple fait qu'on puisse faire autant de jeux d'ombres et de lumières avec un simple morceau de bois carbonisé l'inspirait. Cela avait quelque chose de primitif, de naturel, pas d'emballage, de couleurs à mélanger, juste du noir qu'elle pouvait estomper du bout des doigts.

Combien de temps passa-t-elle ainsi face à sa grande feuille de Canson ? Plusieurs heures, pour sûr. Ce furent des coups frappés à la porte par son père qui la sortirent de l'univers où elle se trouvait.

- J'peux voir ? demanda-t-il en la voyant derrière son chevalet.

- Pas encore.

Alix était pudique avec ses dessins, il fallait toujours qu'elle soit très satisfaite de son travail pour le montrer.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant