Chapitre 7.

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- Maman, j'peux te poser une question bizarre sans que tu me demandes pourquoi ?

Violette jeta un regard étrange à son fils alors que tous deux sortaient du cinéma. Ils aimaient bien y aller le dimanche en fin d'après-midi, cela donnait une autre saveur à une soirée normalement déprimante.

- C'est déjà ce que tu es en train de faire non ?

Léonard sourit, se passant nerveusement la main dans les cheveux.

- Comment on fait pour aider quelqu'un qui fait semblant de ne pas vouloir qu'on l'aide ?

Une drôle de lueur passa dans les yeux noirs de sa mère, s'il y avait bien quelqu'un qui pouvait le comprendre en l'absence de Jade, c'était elle. Violette réussissait toujours à s'imposer en douceur dans la vie des gens qui en avaient besoin et Léo savait très bien que son père lui devait son salut.

Elle réfléchit un peu avant de répondre puis lui demanda tout d'abord s'il était parfaitement sûr que la personne en question avait besoin d'aide. Il ne fallait pas que le garçon se sente investi d'une mission qui n'était pas la sienne et de toute façon, on ne devait jamais forcer quelqu'un à accepter une présence qu'il ne désirait pas.

Léo expliqua donc en tentant de ne pas trop en dire qu'elle avait tout de même manifesté le fait qu'elle avait besoin de lui. Même si cela faisait un peu plus d'une semaine qu'il n'avait pas eu de nouvelles d'Alix.

- Je vois, fit Violette, Tu es tombée sur l'une de ces insupportables personnes qui se perdent dans les bois en jurant qu'ils n'ont pas besoin d'aide, mais qui laissent tomber des petits cailloux derrière eux avec ton prénom inscrit dessus.

Léo écarquilla les yeux. Même au bout de seize ans il n'en revenait toujours pas de la facilité qu'avait sa mère à saisir la psychologie des gens. Il se demandait toujours pourquoi elle avait choisi d'être architecte alors qu'elle aurait été une formidable psychologue, ou assistante sociale.

Il acquiesça et Violette lui sourit d'un air un poil mélancolique.

- Quand j'ai commencé à fréquenter ton père, on avait l'impression qu'il pouvait se mettre une balle dans la tête à tout moment. Et quand je lui proposais de l'aide il me disait de me mêler de mes affaires. Sauf qu'il essayait aussi de m'embrasser toutes les deux minutes. Un peu contradictoire.

Léo sourit en songeant que la version paternelle n'était pas du tout semblable. Même si c'était pour plaisanter, son père aimait bien dire que Violette avait forcé comme une acharnée pour qu'il lui accorde de l'attention. Pour avoir entendu des dizaines de fois par des dizaines de personnes différentes le récit de l'histoire de ses parents, le garçon savait que c'était sa mère qui était sans doute la plus honnête.

- Ilyes était comme ça aussi, poursuivit cette dernière, il dormait dans la rue et répétait à qui voulait l'entendre qu'il se débrouillait très bien tout seul, mais laissait le numéro de Papa quand on lui demandait celui de son responsable légal. Ces personnes s'enferment à clé, la jettent par la fenêtre, puis te filent un tournevis pour crocheter la serrure.

- Alors je fais quoi ?

- Tout est une question de dosage, si tu t'imposes trop ça va coincer, il faut forcer un peu de temps en temps, surtout quand la personne est potentiellement en danger, puis mettre de la distance quand tu sens qu'il lui faut de l'air. C'est comme le renard dans le Petit Prince, il faut l'apprivoiser. Fais des petits tests, dans quel contexte elle est le plus encline à se confier ? Quels sujets elle ne veut surtout pas aborder ? Avec quoi tu arrives à la faire sourire ? Gagner la confiance de quelqu'un comme ça prend beaucoup de temps et exige d'en être digne par la suite, parce que s'ils se sentent trahis c'est fini.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant