Chapitre 14.

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Un mois plus tard.

- Pourquoi tu veux pas me dire ce qu'il s'est passé ?

Alix, ne répondit pas. Fixant sa sœur d'un regard absent.

"J'ai complètement déconné" se répétait-t-elle depuis la veille.

- Alix, tu me fais peur, je ne t'ai jamais vue comme ça...

Elle ferma les yeux, chassant l'image du visage malheureux de Léonard. Nina s'assit sur le lit à côté d'elle, attrapant la jeune fille par les épaules pour la ramener contre elle.

Alix pensa que désormais, les bras de sa sœur lui paraissaient un peu fades, comme s'ils n'avaient pas la même capacité réconfortante qu'auparavant.

Elle aurait dû être heureuse de voir que Nina acceptait à nouveau de revenir chez ses parents, de sentir que sa relation avec leur père s'apaisait progressivement. Mais alors que sa famille avait été sa seule obsession depuis des années, il lui semblait qu'elle passait soudainement à un stade secondaire. Un exemple de plus pour illustrer à quel point elle avait fait n'importe quoi.

- Dis-moi seulement si quelqu'un t'a fait du mal... murmura l'aînée des deux filles en caressant les cheveux de sa cadette.

- Personne ne m'a fait de mal. C'est moi. C'est juste moi qui aie blessé tout le monde.

Sa voix se brisa sur le dernier mot et elle sentit les larmes lui brûler les paupières.

Alix avait l'habitude de souffrir, depuis l'enfance elle vivait avec l'impression perpétuelle d'être couverte de brûlures qu'il ne fallait surtout pas effleurer. Mais cette douleur-là, elle ne la connaissait pas. Ce poids contre son cœur, cette boule dans son estomac qui lui coupait l'appétit, cette envie de dormir pendant des semaines pour ne plus rien ressentir, c'était nouveau.

Voyant qu'Alix n'était pas résolue à lui livrer son secret, Nina se contenta de rester près d'elle encore un moment, lui assurant qu'elle pourrait lui en parler quand elle serait prête. Mais l'adolescente ne voulait plus en parler, seulement oublier. Prendre ses distances avec cette histoire et clore une bonne fois pour toutes ce chapitre de sa vie durant lequel elle avait commencé à croire qu'elle pouvait nouer des liens avec autrui.

********

Mathieu se tenait au bout du lit de sa fille, l'air véritablement soucieux.

- T'es vraiment sûre que tu veux pas y aller ? J'ai jamais été du genre à forcer pour les cours, mais ça fait deux semaines que t'as pas mis les pieds au lycée. Tes profs s'inquiètent.

Alix savait que c'était sa mère qui l'avait envoyé. Si quelqu'un s'inquiétait, c'était bien elle. Elle adressa son regard le plus implorant à son père, mais celui-ci, au lieu de se relever en soupirant comme tous les matins depuis qu'elle refusait de retourner au lycée, resta assis là où il se trouvait.

- Ok. Habille-toi alors, tu viens avec moi, on prend une journée de vacances.

La jeune fille le dévisagea avec surprise, puis baissa les yeux. Depuis quelques temps, son sentiment de honte lui faisait éviter de passer trop de temps avec son père. Lui qui vantait la fierté des Pruski et le courage d'assumer ce qu'ils étaient face au reste du monde, devait avoir honte de voir à quel point elle fuyait le mal qu'elle avait fait autour d'elle.

- Alix, bouge-toi. J'rigole pas avec toi là. Dans cinq minutes t'es à la voiture.

En seize ans, c'était sans doute la première fois qu'il lui parlait de cette façon. Elle bondit automatiquement du lit, presque sous l'effet d'un courant électrique.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant