Chapitre 12

2.2K 236 76
                                    

En contemplant les visages réjouis autour de lui, Léonard se disait qu'après tout ce que sa famille avait traversé, elle méritait véritablement ces instants de bonheur infini. Il lui semblait même que c'était la première fois qu'il ressentait aussi fort des émotions positives. Comme si la tristesse passée avait creusé en lui un véritable réceptacle pour les joies nouvelles.

Il rejoignit Alix à la fin de la cérémonie, celle-ci avait l'air un peu perdue et Léo savait que les mariages n'étaient pas forcément le genre d'événement dans lesquels elle se sentait à l'aise. Elle avait d'ailleurs été très déçue d'apprendre que ses parents ne pourraient s'y rendre. Il y avait beaucoup de monde et malgré les efforts monstrueux qu'elle avait fait depuis quelque temps, il y avait fort à parier que se tenir au milieu de cette foule de convives surexcités ne la stresse plus qu'autre chose.

Son impression se confirma lorsque, passant son bras autour de sa taille, il sentit les muscles du dos de la jeune femme se contracter brusquement.

- Hé, fit-il doucement, c'est moi.

Lorsque le visage d'Alix se tourna vers lui, il comprit qu'elle était véritablement en panique. Aussitôt l'euphorie qui l'habitait depuis le début du mariage, s'estompa. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas vu cette expression marquer les traits de celle qu'il aimait.

- Ça va pas ? Tu veux qu'on s'éloigne un peu ?

Léonard n'eut pas le temps d'entendre sa réponse qu'Arthur Samaras l'attrapait par les épaules et que l'une de ses mains lui pinçait la joue comme s'il avait cinq ans.

- Alors le petit-frère ? Heureux ?

« Le petit frère » prit quelques instants pour le saluer chaleureusement et lui présenter Alix pour la deuxième fois. Il fut presque aussitôt pris dans un océan de discussions à mesure que d'autres jeunes se greffaient au petit groupe.

Moins de vingt minutes plus tard, une flute de champagne à la main, Léo ouvrait des yeux ébahis face à ce que lui proposait Arthur :

- On est clairement sur un film d'auteur, on vise bien plus Cannes que les Césars. La production veut des jeunes talents qui crèvent l'écran. En travaillant sur le scénario j'ai vraiment pensé à toi pour l'un des rôles secondaires. Je sais pas si ça t'intéresse toujours mais tu devrais passer le casting.

C'était invraisemblable. Alors qu'il avait depuis longtemps enfoui ses rêves de comédie, qu'il s'investissait à cent pour cent dans ses études de médecine, Léo se voyait à demi-mot proposer un rôle par l'un des jeunes réalisateurs les plus populaires du moment. Toute son adolescence, il avait envié la réussite d'Arthur dans le cinéma et les portes qui s'étaient ouvertes à lui. Peut-être facilitées par les disques de diamant qui trônaient dans le salon de son père.

- Euh bah euh je sais pas, tu sais je suis en médecine. J'ai pas trop le temps de...

Arthur le dévisagea avec un drôle d'air, avant de lui offrir un sourire et un clin d'œil très « made in Samaras » :

- T'as aucun choix à faire tant que t'as pas passé le casting, tu te décideras si tu as le rôle.

Le blondinet n'en croyait pas ses oreilles. Malgré le fait qu'il soit le filleul de Violette, un ami de Jade et le fils de Ken, Arthur ne s'était jamais beaucoup intéressé à Léonard et encore moins à ses tentatives passées d'avoir accès à une petite partie de son univers. Il fallait bien reconnaître aussi que malgré la belle éducation à l'altruisme qu'il avait reçu, le jeune réalisateur avait ces dernières années été quelqu'un de plutôt égoïste. Plongé dans son travail, toujours un peu déconnecté du réel, Arthur vivait dans sa bulle, sûr de ses talents et en recherche perpétuelle d'inspiration pour de nouveaux succès.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant