Depuis trois jours Alix oscillait entre deux états : Une violente envie de rentrer à Paris et de ne plus jamais entendre parler de cette bande d'adolescents abominables et une espèce d'apaisement qu'elle n'avait jamais connu.
Elle dormait.
Alors qu'elle pensait ne jamais pouvoir trouver le sommeil loin des siens, c'était tout le contraire qui se produisait. Comme si elle était au fond d'elle persuadée que le monstre ne la trouverait jamais là où elle se cachait, elle ne voyait pas son ombre se dessiner dans le noir, n'avait plus cette sensation que quelqu'un s'asseyait sur le lit au milieu de la nuit, qu'une main farfouillait sous les draps.
Cette maison pourtant inconnue l'apaisait, ou peut-être était-ce simplement le fait d'être loin de Paris alors que celui qu'elle craignait plus que tout retrouvait sa liberté de mouvements. Malheureusement cet apaisement s'accompagnait aussi d'un fort sentiment de manque de sa famille. Alix s'en voulait d'avoir besoin d'eux à ce point, à seize ans, ce n'était pas normal de ne pas réussir à se séparer de ses parents pendant une semaine, elle voyait bien que les autres n'avaient pas ce problème. Elle avait parfois un peu honte de son besoin d'appeler sa mère tous les soirs et d'échanger fréquemment par message avec son père. La jeune fille se rendait d'ailleurs compte que c'était plus pour les rassurer eux, par besoin de savoir qu'ils allaient bien, qu'ils ne s'inquiétaient pas pour elle.
Même Inaya qui avait une relation assez fusionnelle avec sa mère ne semblait pas particulièrement impatiente de la retrouver. D'autant plus que son petit jeu de séduction avec Ousmane lui occupait beaucoup l'esprit. Ces deux-là passaient vraiment le plus clair de leur temps à se tourner autour, entre les petits regards appuyés, la recherche de l'approbation de l'autre pour chaque action quotidienne, ce n'était pour leurs amis qu'une question de temps avant que tout cela ne débouche sur une amourette. Ils étaient pour le moment assez agaçants, comme tous les adolescents se cherchant avant d'être officiellement en couple.
À côté de cela, il était évident que Juliette cherchait à instaurer la même chose avec Léonard, sauf qu'il fallait vraiment être aveugle pour voir que celui-ci était loin d'être aussi réceptif qu'Ousmane avec Inaya. Enfin, c'était ce que pensait Alix, car la principale concernée ne semblait pas s'en rendre compte et profitait de chaque moment pour tenter des rapprochements, ou faire des allusions à son attirance pour le blondinet.
Jade n'était pas restée longtemps et Alix le déplorait un peu, elle s'était sentie en confiance avec la grande sœur de Léonard, celle-ci respectait le fait qu'elle ne désire pas spécialement s'exprimer, elle était très douce et lui rappelait un peu l'attitude que pouvait avoir sa mère ou Nina avec elle. Il avait été question que toute la bande de jeunes aille passer une journée à Aix avec elle mais Ousmane, Maxence et Inaya tenaient aussi absolument à faire une sortie dans un parc d'attraction proche de Marseille. Leur budget n'étant pas extensible, il avait fallu faire un choix.
Les journées s'étaient organisées d'elles-mêmes, le matin ils aidaient la grand-mère de Léo dans le jardin ou la serre, et l'après-midi : sorties dans Toulon, visites, jeux de société. Alix appréciait le fait de ne pas être avec des adolescents avides de faire les quatre cents coups, de fumer des joints ou de finir chaque soirée ivres morts.
Maxence s'était presque trop bien intégré, surtout avec Inaya, ils s'entendaient si bien que sa meilleure amie en était presque jalouse. Le soir il restait souvent plus longtemps avec les autres tandis qu'elle allait se coucher.
Toutes ces affinités faisaient qu'Alix se sentait parfois un peu seule, étonnant pour quelqu'un qui n'avait jamais jusqu'alors eu envie de se socialiser. Mais les rares moment où cette solitude commençait à lui peser, elle était vite comblée par la présence un peu envahissante de Sylvie qui semblait avoir jeté son dévolu sur elle. Elle venait la chercher pour n'importe quel prétexte, l'appelait "ma chérie", "pitchounette" ou "ma nine", comme si celle-ci était sa propre petite-fille. Alix n'était pas du tout habituée à ce genre de familiarité, sa grand-mère maternelle était très froide, sa grand-mère paternelle, pudique.
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Temps perdu
FanfictionAlix est farouche et introvertie. Léonard est drôle, très drôle. Elle n'aime pas trop parler, il veut rire de tout. (Ce tome est la suite de « Des années » mais peut également être lu après « Ce qu'on laisse à nos mômes »)