Chapitre 2.

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La sensation d'une couverture posée sur son corps réveilla Léo, il ouvrit les yeux brutalement face au visage fatigué de sa sœur. Elle avait disparu la veille après l'annonce du cancérologue. Ses yeux étaient très rouges et elle portait une veste noire type survêtement qui n'était pas la sienne. Il suffit au jeune homme d'analyser le logo qui l'ornait pour en connaître la provenance. De toute évidence elle n'avait pas dormi ici et venait de rentrer.

- Ça fait longtemps que tu supportes l'Algérie ? grogna-t-il d'une voix mal réveillée, Rappelle-moi, qui est le capitaine de l'équipe ?

Jade devint aussi rouge que le croissant de lune qui l'avait trahie.

- Dis rien aux parents. C'était... J'étais malheureuse et... Je veux pas leur faire de faux espoirs.

Léo se redressa et hocha la tête, comprenant parfaitement où voulait en venir sa sœur. Ce n'était pas le moment de rajouter Ilyes à la liste grandissante des préoccupations de leur famille.

- Ça t'a fait du bien de lui parler au moins ? demanda-t-il.

Jade acquiesça, les yeux brillants de larmes, son petit frère sentit qu'elle allait craquer et l'attira doucement sur le canapé pour la serrer dans ses bras. Depuis un an, ils n'avaient jamais été aussi proches. La cellule familiale s'était resserrée sur ses membres et c'était grâce à cela qu'ils tenaient le coup.

Alors qu'il frottait le dos de Jade en sentant se déferler sur ses propres épaules le poids du chagrin qui lui avait laissé un peu de répit durant son sommeil, celle-ci sembla prendre conscience du fait que Léo avait dormi sur le canapé.

- Tu as révisé toute la nuit ? demanda-t-elle, Tu bosses trop...

Le jeune homme aurait aimé qu'elle ait raison et que réellement, il puisse considérer qu'il bossait trop. Mais son concours avait lieu trois semaines plus tard et il lui semblait de plus en plus certain qu'il échouerait pour la deuxième fois à obtenir une place en médecine. Il s'était pourtant bien classé au premier semestre, mais les récentes mauvaises nouvelles bouleversaient sa concentration et il peinait de plus en plus à emmagasiner des connaissances. Comment travailler sereinement quand les mots "métastase" "chimiothérapie", "cancer généralisé", "phase terminale", "soins palliatifs", vous donnent envie d'arracher les pages de votre livre ?

D'autant plus qu'avec ses deux années de PACES, Léo savait très bien ce qui se produisait dans le corps de sa mère, il connaissait en détail la progression des cellules cancéreuses et leurs dégâts sur ses organes. Il savait ce qu'elle endurait, comment la maladie et le traitement la faisaient souffrir et la privaient petit à petit de toutes les belles choses de la vie.

Il avait pourtant choisi cette filière en réaction aux premiers soucis de santé de Violette, avant le diagnostic. Laissant de côté ses rêves de comédie et de cinéma, le jeune homme s'était soudainement passionné pour la médecine, avec une sorte de naïveté enfantine, il sauverait sa mère, c'était certain.

Désormais, il s'accrochait à l'espoir de sauver d'autre mères, permettant à d'autres enfants de les garder plus longtemps près d'eux.

- Papa a dormi à la clinique ?

- Oui, il n'arrivait pas à la laisser hier soir.

Jade sourit tristement.

- Tu sais, elle veut arrêter les traitements.

Léonard acquiesça, Violette leur en avait parlé la veille, elle se sentait prête à tout arrêter, les traitements étaient lourds et fatigants. Désormais, elle voulait simplement qu'on lui donne ce qu'il fallait pour ne pas souffrir. Cela donnait à son fils l'impression qu'elle baissait les bras, qu'elle ne voulait plus se battre.

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant