Chapitre 9.

2.9K 302 146
                                    

Alors que Léo s'apprêtait à rebrousser chemin pour retourner chez lui au plus vite, il s'arrêta un instant près de la voiture d'Ilyes, garée devant chez Alix. Il se souvenait très bien de la première fois où il l'avait emmené faire un tour dedans.

Le garçon sursauta brusquement lorsque les clignotants s'activèrent et que le bruit caractéristique du déverrouillage des portes se fit entendre. Se retournant avec surprise, Léonard se trouva face à Ilyes.

- Je... J'ai juste raccompagné Alix, dit-il comme s'il avait été pris en flagrant délit d'une grosse bêtise.

Le jeune homme au regard transparent hocha la tête et eut une petite moue des lèvres qui en langage Akrour pouvait dire tout et son contraire. Léo ne savait s'il devait déguerpir en vitesse ou chercher de nouveau à renouer avec celui qu'il considérait comme son grand-frère.

- Amir et Ilham vont bien ? tenta-t-il.

Comme si parler à Ilyes de son frère et sa belle-sœur allait tout à coup débloquer la conversation. Il dévisagea l'adolescent avec un air toujours aussi impassible et finit par lâcher :

- Tu veux vraiment jouer à ça Léo ? Tu me demandes des nouvelles de mon frère, j'te dis de passer le Salam à tes parents, on fait comme si rien avait changé ? Franchement, flemme d'être hypocrite. Faites votre vie entre Castelle et foutez-moi la paix.

Le ton était coupant, glacial, idéal pour faire le plus mal possible. Léonard sentit sa gorge se nouer brusquement et ravala avec difficulté le sanglot qui montait. Il ne se savait pas aussi faible, mais le rejet total qu'il venait de subir de la part de son modèle le blessait profondément. Ilyes avait parfois été dur ou un peu énervé avec lui, mais jamais à ce point.

Enfouissant ses mains dans ses poches, Léo hocha la tête et lui tourna le dos pour rejoindre à pieds la station de métro la plus proche. Il en voulait à sa sœur et en même temps, il n'avait jamais eu autant besoin d'elle.

Ce fut sans doute pour cette raison qu'il finit par sortir son téléphone de sa poche pour faire ce qu'il n'arrivait pas à faire depuis des semaines.

- Allô ? Léo ?

Il y avait du bruit autour d'elle, comme si une fête avait lieu en arrière-plan. Jade n'était pas une grande fanatique des soirées normalement. Enfin, peut-être que cela avait changé depuis qu'elle passait tous ses week-ends à Aix.

- Ça va ? demanda le garçon à sa grande sœur.

- Oui, attends je sors, j'ai accompagné des copines dans un bar, j'entends rien.

Léonard proposa à Jade de la rappeler plus tard mais celle-ci refusa vivement, pour une fois qu'elle l'avait au téléphone, disait-elle. Il était surpris par le ton enjoué de sa sœur. C'était presque trop. Après les quelques questions classiques pour prendre des nouvelles, quelques blagues sur le fait que Romy et lui ne savaient vraiment pas passer une journée sans se disputer et une ou deux phrases inquiète sur la santé des parents, la jeune femme dû sentir que son frère n'allait pas très bien, car elle mit les pieds dans le plat :

- T'as une petite voix mon Léo, tu m'appelles parce que ça ne va pas ?

Il ne répondit pas, sa gorge se serrant lorsqu'il se rappela la dureté du ton d'Ilyes. Il ne pouvait quand même pas en parler à Jade, elle souffrait beaucoup plus que lui de cette séparation, cela aurait été vraiment déplacé de s'en plaindre.

- T'inquiète pas pour moi, ça va ton travail ?

- Léo.

Il se tut, sachant déjà qu'elle n'allait pas le lâcher, il pensa alors à simplement lui parler des histoires compliquées d'Alix, mais avant qu'il n'ait eu le temps de meubler, une nouvelle phrase pleine de perspicacité lui coupa l'herbe sous les pieds :

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant