Chapitre 9.

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- Calme-toi, je suis là.

Alix caressait avec douceur les cheveux et la nuque de Léonard qui avait enfoui son visage au creux de son cou. Elle sentait ses propres entrailles se tordre de chagrin face à celui du jeune homme.

C'était tellement douloureux et pourtant, elle n'aurait voulu se trouver nulle part ailleurs sur terre qu'auprès de lui, cette nuit-là.

Ils avaient enterré Violette depuis un peu plus d'une semaine et désormais, il faisait face au néant. Il prenait réellement la mesure de cette absence que l'on ne peut réellement imaginer tant qu'elle n'est pas là, omniprésente, dans chaque pièce, chaque objet qui ne sera plus jamais touché par la disparue.

Il avait fallu une semaine, pour que Léo craque réellement. Entourés par toute la famille, portés par tout l'amour et l'espérance que leur avait transmis leur mère en partant, les Castelle avaient fait face à son départ avec une dignité et une force qui en avait ému plus d'un.

Chacun vivait un peu son deuil à sa façon et Léonard avait tenu à soutenir père et sœurs avec la plus grande pudeur. Alix restait seule vraie témoin de sa profonde détresse.

Réveillée par ses sanglots, elle n'avait pas hésité une seule seconde à l'attirer contre elle. Et cela malgré le fait que jamais auparavant elle n'avait été dans cette posture de consolatrice. L'empathie, la compassion, étaient finalement des sentiments qu'elle avait découvert avec Léonard.

Elle ne disait rien car il était évident qu'il n'avait rien besoin d'entendre. Aucune phrase ne pouvait épancher une telle peine. Si quelqu'un devait parler c'était lui, et seulement s'il en ressentait le besoin.

Alix se découvrait des trésors d'affection, un peu comme si la douleur de Léonard avait ouvert en elle des portes scellées depuis l'enfance.

Quel drôle de phénomène de vivre la peine d'un autre être, presque comme si c'était la sienne, quel sentiment étrange d'oublier ses propres blessures pour panser celles d'un autre dont la souffrance est plus urgente. Elle se sentait un peu comme un mutilé de guerre de longue date qui soignerait un jeune soldat fraîchement blessé au front.

Bien qu'elle ne soit pas spécialement sensible aux clichés selon lesquels les hommes ne pleurent pas, Alix trouvait les larmes de Léonard impressionnantes. C'était comme si un barrage avait cédé au bord de ses paupières, laissant des torrents s'échapper sur ses joues. Rien ne semblait réussir à les tarir, pas même les mains de la jeune femme qui tentait fébrilement de les chasser.

- Je... je...s-suis désolé, articula-t-il malgré les sanglots.

- Tu ne dois pas. Dis-moi juste si je peux faire quelque chose pour t'aider.

Léo se redressa un peu en reniflant, il désigna de l'index le tiroir de son bureau.

- Il... il y a un IPhone.

Alix s'empressa de quitter le lit pour fouiller dans le tiroir et en sortir un vieux smartphone accompagné du chargeur adapté. Se doutant qu'il fallait qu'elle le branche elle obtempéra en tirant la multiprise sous le lit. Tandis que le téléphone s'allumait, elle se glissa de nouveau près de Léonard. Entre deux hoquets il parvint à lui dire d'aller dans les enregistrements vocaux.

Dans l'application, Alix trouva une bonne vingtaine d'enregistrements, tous portant des noms d'histoires pour enfants, elle reconnaissait certains titres qui faisaient partie de ses livres fétiches lorsqu'elle était toute petite.

Avant qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche pour demander à Léo ce qu'il voulait écouter, celui-ci écrasa son index sur le fameux Devine combien je t'aime. Alix sentit alors les larmes lui monter aux yeux quand la voix douce de Violette s'échappa du téléphone :

Temps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant