16. L'elfe

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Arthur regarda ses parents sans un mot.

— Arthur ? demanda sa mère avec hésitation, comme si elle avait oublié à quoi ressemblait son fils.

Le petit garçon resta muet. Ainsi Loreline avait-elle eu raison. Ses parents n'avaient jamais eu l'intention de venir le chercher. A la place de cela, ils l'avaient remplacé par une autre, une fillette aux cheveux bruns soyeux qui l'observait avec de grands yeux. Elle s'agrippait au cou de la mère d'Arthur d'une façon possessive.

Son père s'avança lentement.

— Arthur, je te présente Rose, ta petite sœur.

Un mot parvint enfin à franchir les lèvres du petit garçon.

— Pourquoi ?

— Que veux-tu dire ? demanda son père d'un ton incertain.

Il n'était plus l'homme rassurant qu'Arthur avait vénéré. Il paraissait mal à l'aise, vieilli, et se tordait les mains avec hésitation.

— Pourquoi m'avez-vous laissé là bas ?

— Ce n'était pas notre intention, protesta sa mère qui serrait Rose contre elle, comme si elle cherchait à la protéger d'un danger. Du danger que représentait Arthur.

— Nous avons tout essayé pour te récupérer, assura son père.

Arthur leur lança un regard dégoûté.

— Vous mentez ! Vous la préférez, elle !

Il pointa du doigt la fillette qui avait caché son visage contre le cou de sa mère.

Il voyait les lèvres de ses parents bouger mais n'écoutait pas leurs paroles. Jamais il n'avait été aussi en colère. Il avait accordé à ses parents une confiance aveugle. Il avait refusé de croire Loreline lorsqu'elle lui avait affirmé que des parents ne pouvaient aimer un enfant daemoniacus.

« Que vais-je devenir », paniqua le petit garçon. « Où puis-je aller ? Mes parents ne veulent plus de moi. Peut-être même vont-ils me dénoncer. Ils vont appeler les gardiens pour qu'ils viennent me chercher et m'enfermer à nouveau ».

Il vit du coin de l'œil sa mère caresser les cheveux de la petite Rose pour la rassurer.

« L'autre monde ! » songea soudain Arthur. « Le monde des elfes et des dragons. Je pourrais m'y réfugier. Sans doute y a-t-il une place pour moi là-bas ».

Ses parents posèrent Rose sur un fauteuil et avancèrent lentement vers leur fils.

— Ne vous approchez pas ! hurla le petit garçon, hors de lui. Je vous déteste ! Je ne veux plus vous voir ! Plus jamais !

Prendre une vie. C'était, selon Loreline, la clef pour ouvrir une porte vers cet autre monde merveilleux.

Son père tendit la main pour l'attraper.

« Non ! Jamais plus je ne ne serai prisonnier dans ce centre ».

La rage qu'il ressentait avait pris le contrôle. Elle atteignit soudain une intensité qu'Arthur n'avait jamais ressentie.

Ses parents prirent feu.

Leurs hurlements résonnèrent dans tout l'appartement tandis que leurs corps se consumaient.

Le petit garçon les fixaient, horrifié par ce qu'il avait fait. Cela ne pouvait pas être vrai. Non. Il devait se trouver en plein cauchemar. Ses parents s'étaient tus. Les flammes s'étendaient sur le tapi et sur les meubles. Les cris continus de Rose l'empêchaient de réfléchir correctement.

— Je ne voulais pas, gémit Arthur en se cachant les yeux.

Mais il savait qu'il n'y avait aucun retour en arrière possible. La petite Rose pleurait, devait le contempler avec horreur et accusation.

« Des elfes », songea-t-il, désespéré. « Tout ce que je voulais c'était voir des elfes ».

Un étrange silence et une soudaine tiédeur fit sursauter le petit garçon.
Lorsqu'il rouvrit les paupières, la pièce en feu et les cadavres calcinés s'étaient évanouis. Il n'était plus entouré que par des arbres à perte de vue.

L'autre monde ? Ainsi existait-t-il vraiment.

Arthur prit une profonde inspiration. Et fit résolument un pas en avant.

Il comprit aussitôt qu'il avait réussi. Il se trouvait dans une vaste forêt, bien plus haute, bien plus dense que celle dans laquelle il était allé un jour avec ses parents. Il faisait un temps radieux. Le soleil perçait à peine à travers les hautes branches.

Le petit garçon leva timidement la main comme pour tâter l'air d'une pureté incroyable, n'osant encore croire à la réalité dans laquelle il venait d'être transporter.

Un mouvement détourna soudain le regard d'Arthur.

Il n'était pas seul. Un adolescent aux oreilles pointues, juché sur un rocher, l'observait avec stupéfaction.

Arthur sentit son cœur gelé faire un tout petit bond.

Il avait enfin trouvé un elfe.

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant