45. La prise du château

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Arthur échangea un bref regard avec son ancien ami. Le chevalier serrait les dents, hésitant visiblement sur la conduite à tenir.

— Pourquoi m'as-tu sauvé ? finit-il par demander.

Le jeune homme haussa les épaules.

Pour être tout à fait honnête, il n'avait pas vraiment réfléchi. Cela lui avait semblé la chose à faire. Comme si, au fond de lui, il avait conservé une certaine affection pour Robert d'Aspignan.

Ce qui était idiot de sa part.
Non, il avait sans doute songé inconsciemment à sa douce Charlotte. Cette dernière serait peinée s'il arrivait quelque chose à son frère. Oui, cela ne pouvait être que cela.

— J'avais une dette envers toi, répondit-il finalement au chevalier. Tu m'as déjà sauvé la vie une fois face aux ominosi. Et tu m'as libéré des cachot d'Aspignan.

— Une décision que je regrette, s'empressa de préciser Robert avec hauteur.

— Peu importe. Nous sommes à présent quittes. Je te laisse partir pour cette fois.

Robert le regarda encore un moment, comme s'il voulait déclarer quelque chose. Il y renonça visiblement car il se détourna et se baissa pour ramasser son épée ainsi qu'une autre posée sur le côté.

Arthur la regarda distraitement. Il s'agissait d'une arme délabrée à la lame rouillée et à la garde de travers. Elle lui disait vaguement quelque chose...

"C'est l'épée soi-disant magique du fameux ancêtre Roger", se souvint soudain Arthur. "Celle que Robert avait cassée en l'agitant".

Une brusque nostalgie le saisit. Il se rappela son séjour auprès des Aspignan. Tout était si simple à l'époque ! Il n'avait eu qu'à se morfondre de son amnésie sans avoir à faire face à tous ses problèmes...

Parfois, rarement, Arthur regrettait presque d'avoir retrouvé la mémoire. Aurait-il pu mener une vie heureuse, insouciante ?

Non, son passé finissait toujours par le rattraper. Et il avait une mission à accomplir. Quelque qu'en soit le prix.

Le chevalier avait fini de ramasser ses affaires.

— Bon. Je vais partir maintenant, annonça-t-il d'un ton hésitant.

Arthur hocha distraitement la tête. Il n'avait plus rien à faire avec Robert d'Aspignan et son épée rouillée.

Tandis que son ancien ami disparaissait à vives enjambées, le jeune homme se pencha vers Tassilon. Le Prince Noir commençait déjà à battre des paupières.

— Comment te sens-tu ? lui demanda Arthur avec une petite pointe de culpabilité.

— Quelqu'un m'a attaqué par derrière !s'indigna l'elfe en se redressant. J'ai bien entendu des bruits de pas, mais ce pendard se déplaçait exactement comme toi ! J'ai cru que tu me rejoignais et ne me suis pas méfié.

— Il faudra être plus prudent la prochaine fois, le sermonna le jeune homme en lui tendant la main pour l'aider à se relever.

— Bah tiens ! Si je retrouve ce traître qui n'a même pas eu le courage de m'attaquer de face, je l'étripe !

Arthur jugea judicieux de changer stratégiquement de sujet.

— Le château est tombé, annonça-t-il avec satisfaction.

Arthur eut un sourire.

"Enfin", songea-t-il en observant la porte grande ouverte dans l'enceinte du château d'Aspignan.

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant